Chapitre 8

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Une fois seule, je bois un café en écoutant les infos, je ne cesse de penser à lui et à notre folle nuit.
Je me recouche. Les draps sont encore remplis de sa chaleur, de son odeur et de nos ébats.

Je ferme les yeux sans arriver à trouver le sommeil. Je repasse dans ma tête la soirée en boucle, j’analyse chaque mot prononcé, chaque geste.

Je regarde l’heure, il est à peine 10H, il faut absolument que je m’occupe sinon, ce week-end va me paraître très long.

J’enfile un jean et un tee-shirt blanc, je me maquille légèrement, attrape mon trench. Je sors avec mes écouteurs sur les oreilles en écoutant « Bordeaux » des Durutti Column. Direction la rive gauche.

Marcher a toujours eu sur moi un effet apaisant

J’arrive dans les jardins des Tuileries, je prends place sur un fauteuil pour regarder les gens se promener. Je tourne la tête et le Louvre est là devant moi, majestueux. Le temps s’arrête. Il fait beau, le soleil brille de mille feux, je me sens bien. Je ne pense plus à mon examen de lundi.

J’aime être ici. Je ferme les yeux pour savourer la chaleur des premiers rayons de soleil.


A chaque fois que je me trouve dans ce jardin, je repense au passage du Bonheur des Dames où Denise Baudu, petite provinciale sans-le-sou, rencontre le tout puissant Octave Mouret dans ce même jardin. Il a tout pour lui, la beauté, la richesse, la puissance et les plus belles femmes. Et pourtant c’est d’elle dont qu’il tombe éperdument amoureux. Il est touché par la douceur de son cœur et est envouté par ce sourire qui illumine son doux visage.
Tout les sépare, il luttera, en vain, l’amour triomphera. J’imagine très bien Pierre Niney dans le rôle de d’Octave Mouret. Je ne peux pas m’empêcher de faire des comparaisons débiles entre ces deux personnages et moi et Grégoire. Nous n’aurions jamais dû nous rencontrer : Nous ne venons pas du même milieu social, nous ne fréquentons pas les mêmes endroits, les mêmes personnes et pourtant les frontières sociales ont été effacées. Quelque que chose de magique et de très fort s’est produit entre nous, cette nuit.
Je suis amère, nous aurions dû nous rencontrer plus tôt.
J’entends les premières notes de « Again » d’Archive, je me laisse bercer par cette belle mélodie, je ne cesse de repenser à Grégoire, à son sourire et à sa façon dont il me regardait quand nous faisions l’amour.
Je dois arrêter immédiatement ces rêveries de gamine.


Je me lève, change de musique, je choisis The feelings. Je me dirige vers le Bon Marché, je traverse la Seine en admirant la vue du Pont Neuf. Même, après toutes ces années, je ne me lasse pas contempler cette ville. Je suis toujours aussi émue par la beauté de Paris.

Je me souviens avec précision de la première fois où je suis venue visiter Paris. C’était l’été de mes 12 ans. J’en suis tombée immédiatement amoureuse et je me suis jurée que je vivrai ici et nulle part ailleurs.

Rouen me semblait déjà si triste et si petite. J’avais choisi mes plus beaux vêtements pour l’occasion, pourtant, je faisais si provinciale. Je trouvais les jeunes filles de mon âge tellement plus élégantes ici.

Toute mon adolescence a convergé vers Paris. Plus je grandissais, plus la province m’étouffait, je ne voulais pas de vie normée : Je ne désirais pas me marier, pas avoir d’enfants. Je ne voulais pas posséder de pavillon ni de voiture. Ce que je désirais c’était rencontrer des gens, parcourir le monde, aller visiter des musées, des expos, assister à des concerts, rencontrer des gens en buvant des verres dans des bars

Après mes études, je suis donc venue tout naturellement vivre ici. J’arrive à la Grande Epicerie, je décide d’y déjeuner.

Je suis dans une une autre réalité. Tout le monde paraît vivre dans l’opulence et ne semble pas avoir de soucis.

Je suis sûre que l’épouse de Grégoire ressemble à toutes ces femmes

Je passe un long moment à flâner dans les rayons du Bon Marché. J’adore ce magasin. Il représente pour moi le bon goût par excellence.
Les touristes Chinois ne l’on pas encore envahit, contrairement au Printemps ou aux Galeries Lafayette. C’est un magasin où l’on rencontre encore de vrais Parisiens. J’ai envie de tout acheter que ce soit des produits de beauté, du maquillage, des vêtements, des livres ou des chaussures.

Je regarde ces familles BCBG faire leur shopping du samedi. Je me sens seule, je décide d’appeler Florence, mon amie qui tient un bar rue du Faubourg st Denis. Je ne vais pas souvent la voir, je ne me sens plus vraiment à ma place dans les bars, il y a que des trentenaires.

Depuis ma séparation, je ne suis pas beaucoup sortie, je n’étais pas d’humeur sociable. Ce soir, je ne veux pas rester seule, et le meilleur endroit pour s’amuser c’est chez Florence.

- Salut Flo, c’est Constance
- Salut constance, ça va ?
- Bien et toi ?
- Je cuve
- Ah? tu as fait lafête?

- Ouais, j’ai rencontré une nana trop classe hier
- Je peux passer ce soir te voir, je n’ai pas les enfants ?
- Bien sûr avec plaisir, ne viens pas trop tard, on prendra un apéro et je te
raconterais tous les détails de ma folle nuit d’hier.
- Ah top, j’ai aussi des choses à te raconter
- Trop hâte de te voir poulette
- Moi aussi


Je flâne encore dans les rayons à essayer des fringues de couturiers hors de prix, puis, je sors et je prends la direction du bar. Je choisi le groupe Her pour m’accompagner.
Je suis heureuse de la voir. Nous ne passons pas assez de temps ensemble.

Florence est la première véritable amie que j’ai rencontrée à Paris. Nous suivions toutes les deux des cours du soir sur l’histoire de l’art. Je me suis retrouvée à ses côtés et nous nous sommes immédiatement bien entendues.
J’ai tout de suite aimé son assurance et son audace. C’est le genre de fille qui n’hésite pas à contredire un professeur ou un guide conférencier. Elle m’a pris sous son aile et m’a fait découvrir les nuits parisiennes.
Je savais qu’elle était lesbienne, son look, sa façon de parler ou de se tenir, ne laissaient aucun doute sur ces préférences sexuelles mais pendant 6 mois, nous ne sortions que dans des endroits d’hétéro et elle me disait quelle avait un copain, petit-ami que je ne rencontrais jamais.

Je ne suis jamais autant sortie qu’à cette époque. Elle aime être entourée et vivre la nuit. Florence a un don particulier pour attirer les gens, c’est une fille géniale, elle est festive, a un sens de l’humour décapant, et boit comme un homme. Pourtant elle n’est pas superficielle. Elle est très cultivée, toujours prête à aider ses amis, a un fort caractère, ne fait jamais de compromis et est très intègre. La copine parfaite.

Je me souviens parfaitement de son coming out. Nous étions assises au comptoir d’un troquet de quartier, à boire nos éternels verres de chardonnay. Je la sentais gênée, ce qui est très rare chez florence.

- Constance, il faut que nous parlions
- oui ?
- Je ne peux pas continuer à te mentir, je dois t’avouer quelque chose.

Elle marqua une pause, bu une gorgée et hésita quelques secondes.

- Bon tu la craches ta vlada ou quoi ?

- Je crois que tu vas être surprise. Je sais que cela ne se voit pas. Voilà je suis attirée par les filles et non par les mecs.

J’avais une folle envie de rire. Comment pouvait-elle s’imaginer une seule seconde que cela ne sautait pas aux yeux. Je me suis concentrée pour paraître surprise.

- Ah bon ? Je suis effectivement surprise, je ne me doutais de rien.
Cela n’a aucune importance ça ne changera en rien à l’amitié que je te porte

Elle s’est détendue immédiatement. Nous avons recommandé une tournée, et depuis, nous nous ne sommes jamais quittées.

J’ai rencontré la majorité de ses petites-amies. Florence est du genre à enchainer les conquêtes, surtout depuis qu’elle a eu le cœur brisé par son amour de jeunesse. Estelle. Elle ne s’est jamais remise de s’être fait larguée du jour au lendemain, après 3 années de relation. Elle a fait le sermon de ne plus tomber amoureuse. Sermon qu’elle a tenu depuis.

Quand je pénètre dans son bar, il est 18h30, il y a quelques clients accostés au comptoir. Dont 2 mecs de mon âge, plutôt mignons.

Flo, tourne la tête, me fixe quelques secondes et avec un grand sourire m’accueille en disant à voix haute

- Et bien toi, tu as la tête d’une fille qui s’est fait sautée. Hastag j’ai baisée toute la nuit

Je suis mortifiée. Les deux clients se retournent et me dévisagent. Je vais derrière le bar et l’embrasse en lui murmurant

- Oui, mais tais toi, je t’en prie.

Elle me regarde et me dit

- Tu vois j’avais raison. Et bien pour fêter cela, messieurs, c’est ma tournée. Tu bois quoi ma belle ?

- Un verre de Vouvray.

Soudain, j’ai un flash je me revoie sur la terrasse avec Grégoire, je crois qu’inconsciemment j’ai envie de prolonger la soirée d’hier.

- Et pour vous Messieurs ?
- Comme la jeune femme. Merci.

Florence nous sert nos verres et ne peut s’empêcher de rajouter

- A Constance

Je lui dis gentiment, tout bas :


- Arrête t’es lourde. T’as un peu de temps pour que nous discutions ?

Elle me regarde

- J’ai tout mon temps, pour toi. Je sais que je suis lourdasse, mais je suis super contente que tu sois tapée enfin quelqu’un. Il fallait que tu passes le gap. Tu l’as fait, c’est bien. Tu l’as rencontrée où ce preux chevalier qui a enfin trouvé la clé de la ceinture ?

Je baisse les yeux, je bois une gorgée et lui réponds

- C’est un peu compliqué
- Pourquoi ?

On s’assoit à une table libre, et là, je lui déballe tout, la grosseur au sein, ma crise de panique, ma rencontre avec Grégoire, notre première étreinte dans la cour, le retour chez moi, ses aveux sur sa séparation, notre nuit et mes regrets qu’il ne soit pas libre. Quand j’achève mon récit, je sens mes yeux se remplir de larme, je détourne la tête
« pourquoi suis-je aussi émue » Je m’aperçois que le bar s’est rempli et que les serveurs s’activent dans tous les sens.

Florence ne m’a pas interrompu une seule, elle a écouté mon récit de façon attentive sans se préoccuper de quoi que ce soit.
C’est exactement cela que j’aime chez Florence : son extraordinaire empathie et son écoute.
Je sens sa main sur la mienne, elle me regarde avec bienveillance en me disant


- Premièrement, je suis certaine que ton fucking médecin a raison au sujet de la grosseur, c’est bénin. Deuxièmement, il ne faut pas avoir de regret Constance. Il ne t’a pas menti. Il a été totalement honnête et tu as profité du moment. Tu as eu raison. Ca t’a fait du bien ?

Je hoche la tête.

- Tu me dis qu’il est canon, c’est toujours flatteur de se taper un beau mec, non ? ta libido va être reboostée. Tu en avais besoin. Et tant pis si cela ne mène à rien. Tu as passé une nuit mémorable et c’est l’essentiel.

- Oui tu as raison.
- Oui j’ai raison, on va prendre un autre verre, grignoter quelques tapas et boire jusqu’à en perdre la raison. Je vais te faire oublier ce docteur. D’ailleurs, il y a un des mecs au comptoir à qui j’ai payé un verre toute à l’heure qui ne regarde que toi.

Je ne me retourne pas

- Normal, tu m’as fait passer pour la grosse chaudasse de la soirée. Il se fait des
idées. C’est lequel, le barbu ou l’autre ?
- A ton avis ?
- Je n’en sais rien
- Celui qui a la barbe de 3 jours à la Gorges Mikaël. Et arrête de penser que la
femme de ce médecin est plus jolie que toi, ou plus intelligente. Ce n’est pas pour cette raison qu’il est parti rapidement ce matin. Je te connais, je sais que tu vas ruminer. Il séparé et, est sur le point de retourner vivre chez lui. Vous vous êtes éclatés point barre. Tu le sais très bien que personne ne va risquer de tout foutre en l’air pour un coup d’un soir ? Non, il va retourner tranquillement à sa petite vie bien rangée avec maman dans le 78. Alors que pour toi, cette nuit signifie le début d’une nouvelle vie.
- Tu as raison lui dis-je et toi raconte moi ta soirée ?
- Plus tard, plus tard

Florence fait signe de la main pour commander une autre tournée pour nous et pour les 2 garçons du comptoir. Ces derniers se retournent un peu surpris et nous sourient. Le barbu nous remercie et évidemment Florence les invite à notre table.

La soirée est hyper festive et alcoolisée.

Romain et David sont très sympas, tous les deux sont séparés avec des enfants.
De toute façon, passé la quarantaine, tu ne rencontres plus que des gens avec des valises, sauf si tu sors avec des plus jeunes.

Je pars très très tard en ayant trop bu.

A peine arrivée chez moi, je m’écroule sur mon lit avec mon trench et mon sac en bandoulière, incapable de me déshabiller et je m’endors immédiatement.

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