Chapitre 12

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Une fois chez moi, je mets un dessin animé et me réfugie dans la salle de bains pour pleurer toutes les larmes de mon corps.

Je suis très en colère contre Paul. Depuis que nous connaissons, il n’y a jamais eu de tension entre nous, et là, en moins d’une heure, les fondations de notre amitié s’effritent : « Pourquoi n’a-t-il rien dit pour prendre ma défense ? pourquoi parler de ma minceur alors qu’il sait que c’est un sujet sensible pour moi ? Quant à Grégoire à quoi joue-t-il ? pourquoi m’avoir dit ce qu’il m’a dit, tout en sachant que sa femme viendrait ? »

Une fois mon fils couché, je regarde pour la énième fois « Working girl » mon film préféré en cas de cafard. On suit les aventures professionnelles et sentimentales de Tess, une jeune femme modeste, sans diplôme, qui tente de gravir l’échelle sociale à NYC

Je reçois un SMS de Paul
- Ca va ?
Je ne réponds pas, 15 mm après, un nouveau bip

- Excuse-moi, j’ai déconné.

J’ignore également ce second message.

Ce film parle des élites qui méprisent les classes moyennes. Cela me fait justement penser à un article que j’ai lu récemment de la sociologue Monique Pinçont-Charlot. Je crois me souvenir qu’elle disait qu’en plus de la richesse économique, la richesse culturelle joue un rôle important dans la construction de ces élites : c’est le monde des musées, des ventes aux enchères, des collectionneurs, des premières d’opéra. A cela s’ajoute, la richesse sociale, le « portefeuille » de relations sociales que l’on peut mobiliser. C’est ce qui se passe dans les cercles, les clubs, les rallyes pour les jeunes. Cette sociabilité mondaine est une sociabilité de tous les instants : déjeuners, cocktails, vernissages, vacances sur l’île de Ré. La dernière forme est la richesse symbolique, cela peut être le patronyme familial : si vous vous appelez Rothschild, vous n’avez pas besoin d’en dire davantage. Cela peut être aussi votre château classé monument historique, ou votre élégance de classe.


Amélie, Grégoire et Paul rentrent typiquement dans ces schémas.


Je prends conscience que pour eux, je suis juste la copine avec qui l’on parle, l’on rit ou l’on couche, mais qui ne sera jamais acceptée dans leur sphère.


Je ne suis pas Tess et Harrison Ford ne déplacera pas des montagnes pour moi.

Je ne comprends pas pourquoi je suis aussi touchée par cet incident.
Je suis peut-être tout simplement jalouse d’Amélie, parce qu’elle a tout et que moi je n’ai pas grand chose.

Au réveil, je me sens nettement mieux. Je vais passer la journée avec mon amie d’enfance Marie et sa fille Héloise. Cette perspective me réjouit. Au programme la Cité des Enfants à la Villette et pic-nic dans le parc.

Marie est la personne la plus douce et la plus calme que je connaissance. Etre avec elle, m’apaise toujours. Elle est le médiateur et moi l’exaltée.

Nous venons toutes les deux de Rouen, nous nous sommes connues à l’université.

A cette époque, nous n’avions qu’une seule obsession : voyager, quitter cette ville. Nous avons parcouru l’Europe en bus à chaque vacance. Ce fût une période bénie.

Je suis partie la première à Paris. Marie est venue 2 ans après me rejoindre, quand elle a été acceptée à l’Ecole du Louvre. Nous avons partagé un appartement, sommes beaucoup sorties et avons rencontré énormément de monde.

Elle n’a jamais voulu vivre en couple. Elle est trop éprise de liberté. A 32 ans, elle a décidé de faire un bébé toute seule. Elle est restée quelque mois avec, Tom, a arrêté la pilule sans lui dire et dès qu’elle a su qu’elle était enceinte, a rompu. Il n’a jamais su qu’il était papa d’une merveilleuse petite fille.

Comme toujours Marie trouve les mots justes pour me réconforter.


Elle fait preuve d’indulgence vis à vis des 3 protagonistes, leur trouvant des excuses, elle ne croit pas en la méchanceté des gens, l’entendre jouer les médiateurs apaise quelque peu ma colère.
Je suis ravie d’avoir passé du temps avec des personnes que j’aime, je me sens de nouveau sereine en cette fin de journée.

Je reçois de nombreux SMS de Paul durant la journée, je garde un silence obstiné. Oui, je boude, cela n’est pas très mature, mais j’ai vraiment été blessée par son attitude.

A peine suis-je rentrée chez moi que j’entends des coups discrets à ma porte. Je sais que c’est Paul, je ne souhaite pas le voir, mais les enfants se précipitent pour ouvrir.

- Paul, Paul !!!!

Je vais à sa rencontre, et là, je vois un énorme bouquet de roses blanches surgir de son dos. Il à l’air si désabusé et triste que je lui pardonne aussitôt, je lui souris, il me prend dans ses bras

et me murmure à l’oreille

- Je suis sincèrement désolé, je ne sais pas pourquoi j’ai dit cela. Je sais que je t’ai blessée, J’ai parlé sans réfléchir. Excuse-moi.

Je reste blottie dans ses bras sans parler, il reprend.

- Je ne veux surtout pas me trouver des excuses, mais, Amélie, est le genre de femme à qui ont dit ce qu’elle veut entendre, sans se rendre compte des conneries que l’on peut débiter.
- N’en parlons plus, oublions tout ceci. Tu veux rentrer ?
- Je te remercie, j’aimerai beaucoup mais je dois bosser encore sur un dossier, je
plaide demain. Je suis venu pour être certain qu’il n’y a pas de malaise entre nous.

- Merci pour les fleurs, rassure toi, il y a aucun malaise.

Il est à peine 7h du matin qu’une lutte s’engage avec mes enfants pour :
Les sortir du lit, leur donner leur petit-déjeuner, les habiller et les déposer à l’heure à l’école.
Je n’ai pas le temps de souffler que la lutte reprend cette fois-ci dans le métro. Je dois éviter d’être bousculée, trouver une place assise, arriver à lire à proximité d’un énième roumain qui interprète la Vie en Rose, faire la connexion à Châtelet alors que le tapis roulant ne fonctionne pas et surtout accomplir l’exploit d’être de bonne humeur à mon rendez-vous.

Pour y arriver, je m’isole en écoutant Elvis Presley.

Je commence la semaine par une réunion fleuve chez l’un des plus gros clients de l’agence. Nous gérons pour lui ses campagnes média. Nous travaillons sur sa dernière campagne depuis plus de 6 mois. Tout était quasiment validé, quand est arrivé un nouveau chef, qui pour marquer son territoire, a trouvé bien entendu que tout le travail fourni, était à mettre à la poubelle.

Donc retour à la case départ. Nous sommes sur le sujet depuis 3 semaines et nous venons présenter le fruit de notre retravail au Comité de Direction.


Je n’ai pas envie d’être ici. Je trouve que mon job est de plus en plus est vide de sens.

Pourquoi rester ? Malheureusement je connais la réponse, je suis seule et je dois élever mes enfants, je n’ai pas les moyens de penser à une reconversion et de tout recommencer à zéro.

Je dois trouver un autre job. J’avais commencé à réfléchir à des projets de reconversion, il y a quelques temps mais avec la séparation, je n’ai pas eu la force d’affronter un changement de job en plus d’un changement marital.

Une de mes conversations avec Marie de ce week-end, me revient à l’esprit. Elle aussi, se disait frustrée par son job. Au fils des années, elle s’aperçoit que les gens sont de moins en moins intéressés par l’histoire, par l’art, ce qu’ils veulent c’est consommer et faire des selfies. Le parcours idéal pour un touriste à Paris, est d’aller à la tour Eiffel, prendre des photos, aller vite sur les champs Elysées chez Vuitton et manger des macarons Ladurée. En fonction des groupes elle adapte ses tours. Ce qu’elle aime maintenant, ce sont les groupes de retraités, qui lui posent des questions, et particulièrement, ces vieux messieurs avec leurs colliers de barbe et leurs chaussures de marche Quechua qui ne cessent de l’interrompre.

Nous entamons notre crise de la quarantaine. Fin des illusions.

Un rapide tour de table nous permet de nous présenter. Je ne retiens évidemment ni leur nom, ni leur fonction car je ne prends aucune note. Je sais qu’ils vont me donner leur carte de visite et qu’il va y avoir une fonction de type head manager, key account. Ils sont tous plus jeunes que moi mais paraissent tellement plus vieux et terriblement sérieux avec leur costume APC ou leur robe Sézane.

Tout le monde est à sa place en ce lundi matin.

Je pense à mon prochain week-end à Londres, j’ai un sourire qui se dessine sur mes lèvres. C’est cette perspective qui va me faire tenir cette semaine. Ma boss me regarde en me faisant un clin d’œil. Elle interprète ce sourire comme de la motivation. La réunion commence, je me concentre.

La semaine passe très vite, je fais de gros efforts pour accorder à mon travail toute mon attention

Le vendredi soir arrive enfin. Je rentre très rapidement chez moi, je prépare les affaires des enfants, Romain doit venir les chercher à 19h.

C’est la première fois, que je vais les laisser, sans être triste, je suis tellement excitée de partir quelques jours à Londres.

Je ne rentre que mercredi soir, ce qui signifie que je vais y rester 5 jours là-bas, seule... le bonheur.

Romain arrive. Depuis notre séparation, il refuse de monter dans l’appartement. Je les accompagne donc. La porte s’ouvre et il apparaît. A chaque fois que je le vois, j’ai un petit pincement au cœur. Il porte son éternel jean avec un tee shirt blanc et une veste militaire. Il ne s’est pas rasé depuis un moment. Je le trouve toujours aussi beau. Je ne peux m’empêcher de détester la fille avec qui il est parti.

- Bonjour Papa
- Bonjour les enfants, ça va ? Salut Constance
- Salut
- Tout va bien ?
- Oui
Il me regarde attentivement
- Tu es sure ? tu as l’air étrange
- Ah bon, non tout va bien. Allez bon week-end et bonne semaine, à vendredi
prochain.


Je suis assez expéditive, ce qui le déconcerte. Je dois encore préparer ma valise et aller boire un verre chez Paul et Emma.
Je sonne chez eux à 20h30, C’est Emma qui m’accueille


La soirée se passe très bien. Je ne suis pas très l’aise avec Paul, lui de son côté, semble gêné aussi. Emma le remarque et fait preuve de toute son intelligence pour nous laisser souvent tous les 2.


Heureusement qu’au 3ième verre, nous retrouvons vite notre complicité, je rentre plus tard que prévu, je me couche à 1H du matin et mets mon réveil à 6H « je dormirai dans le train »

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