Chapitre 13 : Visite inattendue

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Il est vingt heures trente quand je me gare à l’endroit indiqué par mon GPS. J’avance la tête vers mon pare-brise, pour observer le bâtiment qui se dresse face à moi. En soit, il est assez bas, cinq étages grand maximum, et la façade fraîchement rénovée, aux vues des échafaudages encore présents, révèle une architecture alliant modernité et moulures anciennes. Finalement, quelque chose d’assez Haussmannien et donc typiquement parisien.

« Pas mal » reconnaît ma conscience, en validant d’un hochement de tête. « Enfin, ça ne doit pas être donné de vivre dans ce quartier ».

Je balaye sa remarque et sors de la voiture. En me dirigeant nerveusement vers le hall d’entrée, je recherche le message dans lequel Robin m’avait donné le code d’accès. Face à mon incapacité à y voir clair, je finis par faire défiler les noms sur l’interphone.

« Bon et maintenant, qu’est-ce que tu attends ? » s’impatiente ma conscience alors que je reste figée sur « ECHURTI ». « Si tu n’appuis pas, la sonnette ne va pas se mettre en route toute seule ».

Est-ce vraiment la bonne solution de venir trouver refuge chez Robin ? Après tout, on ne s’est pas quittés en très bon terme au boulot, cet après-midi.

« Oui, enfin, c’est parce que tu ne voulais pas venir chez lui. Il va se calmer puisque tu es là ! ».

Sacrée conscience ! Elle a toujours réponse à tout.

Je respire un grand coup et prends mon courage à deux mains pour appuyer sur le bouton. Soudain, les secondes se transforment en minutes qui, elles-mêmes, deviennent interminables.

Et s’il n’était pas chez lui ? Après tout, il a très bien pu prévoir autre chose de sa soirée. Tout le monde n’aime pas rester au chaud sous un plaid, un vendredi soir. Tout à coup, une voix hurle dans l'interphone, me sortant de ma rêverie :

— Oui ?

— Heu… Heu…

« Oh punaise, le retour de la bégayeuse ! », se moque ma conscience.

De son côté, le beau brun s'impatiente :

— Qui est-ce ? Si c’est une blague, elle n’est pas drôle.

— C’est Roxane.

Le silence envahi l’espace après cette annonce. Je ne saurais dire si c’est une bonne chose ou pas. Moi qui espérais trouver un peu de joie dan sa voie, je suis déçue lorsqu'il m'énonce sèchement :

— Cinquième étage à gauche. Les ascenseurs seront face à toi, une fois que tu seras à l’intérieur.

Vu son accueil, je me demande vraiment si j’ai bien fait de venir chez lui.

Un « clic » de déverrouillage se faire entendre sur la grande porte vitrée du hall, que je peine à pousser tant elle est lourde. Une fois à l’intérieur, je suis émerveillée. Je me retrouve dans une grande pièce lumineuse recouverte de marbre blanc du sol au plafond. Sur ma droite se trouve un gigantesque miroir qui reflète un peu trop mes yeux rougis, à mon goût. À gauche, sur tout le pan de mur, sont accrochées les boites aux lettres de la résidence. Ce ne sont pas de vulgaires réceptacles comme on en voit plein les rues. Non ! Celles-ci sont peintes en blanches, argentées ou dorées, ce qui se marie à la perfection avec le côté chic du marbre. Après avoir fini d'inspecter cette entrée, je me dirige vers les ascenseurs qui, comme indiqué par Robin, sont face à la porte.

Au fur et à mesure que le vehicule s’approche de ma destination, mon estomac se noue.

« Il est trop tard pour faire demi-tour, ma fille » constate ma conscience. « Maintenant, prends ton courage à deux mains et affronte tes choix ».

Les portes s’ouvrent sur un long couloir sombre. Alors que je sors, pour partir à la recherche de l’interrupteur, les lumières s’allument automatiquement dévoilant un espace blanc immaculé, plutôt étroit, décoré ici et là par des peintures semblables à du Picasso.

"Tu dis ça, mais je suis certaine que tu ne ferais pas la différence entre un Picasso, un Van Gogh ou un Monet" se moque ma conscience, visiblement moins stressée que moi.

Je me gonfle de courage et m’aventure sur la gauche. Postée devant la monture en bois, je m’apprête à frapper quand la porte s’ouvre d’elle-même sur un Robin au visage fermé. Sans que je ne puisse rien contrôler, l’émotion monte et me submerge, si bien que je m’effondre contre le torse de l’interne. Instinctivement, il referme ses bras autour de moi et pose son menton sur ma tête. Lovée ainsi, dans un silence seulement rompu par mes sanglots, je laisse aller toute la tristesse refoulée depuis ce début de soirée.

Au bout de ce qui me paraît être une éternité, Robin entoure mon visage de ces deux mains si douces et plonge ses deux billes noisette dans les miennes. Il tente une petite plaisanterie, tout en essuyant mon oeil gauche avec son pouce.

— Il est vrai que j’étais contrarié que tu ne viennes pas ce soir, mais inutile de te mettre dans un tel état pour autant.

— Si ce n’était que ça, je ne serais pas là.

Il semble réfléchir un instant.

— C’est ton père, c’est ça ?

Je cligne des yeux pour valider ses propos, mais mes larmes repartent de plus belle. Il lâche son étreinte et me propose :

— Entre, tu seras bien mieux à l’intérieur et puis, à force de t’entendre pleurer sur mon palier, mes voisins vont me prendre pour un bourreau.

Il rigole alors que je lui assène un petit coup dans les côtes. Il n’y a pas à dire, il sait comment faire pour remonter le moral de quelqu’un.

Sans s’éterniser dans le petit couloir qui lui sert d’entrée, il m’accompagne jusqu’au grand canapé en cuir noir qui habille son salon.

— Tu veux boire quelque chose ?

— Juste un verre d’eau.

Alors qu’il s’éclipse, dans ce que je suppose être la cuisine, j’en profite pour faire ma curieuse. Le canapé se trouve sur l’avant de la pièce, face à la télévision, elle-même placée entre deux grandes fenêtres qui laissent entrevoir la présence d’un balcon. Derrière moi, un grand mur en brique rouge est habillé de plusieurs étagères, toutes remplies de livres de médecine. Entre le mur et le canapé se trouve une table à manger en bois noir accompagnée de quatre chaises. Un gros lustre, dans un style industriel, vient finir de décorer la pièce. Á mon plus grand étonnement, il n’y a ni photo, ni cadre décoratif.

" C'est aussi chaleureux que les murs du service", s'étonne ma conscience, en croisant les bras. " Je me doutais bien que ce n'est pas le genre de personne à s'attacher aux souvenirs mais bon, une petite photo ça égaye tout de suite une pièce".

Mon intérêt pour la décoration est vite stoppé par le retour du beau brun.

— Le style te plait ?

Je fais mine de regarder de nouveau autour de moi, tout en reniflant disgracieusement.

— Mouais, c’est pas mal. Ce n’est pas ce que j’aurais choisi, mais c’est pas mal.

Je le charrie, évidement, bien sûr que j’aime l’ambiance qui règne dans cette pièce et je trouve que cela lui correspond tout à fait. Sobre et élégant. Mais, pour éviter de trop flatter son égo, je vais bien me garder de lui dire.

Il s'assoie à côté de moi et me prends dans ses bras.

— Bon, et si au lieu de parler déco, tu m’expliquais ce qui t’a mise dans cet état.

Ce n’est pas sans difficultés que je me lance dans le récit de cette terrible altercation. Je lui raconte tout : les mensonges concernant les absences de mon père, sa volonté de vendre la maison et les mots durs que j’ai employés par colère. À la fin, je suis épuisée d’avoir eu à revivre ce douloureux moment.

Après une écoute attentive, Robin prend la parole :

— Tout d’abord, même s’il est très remonté contre toi, il va vite comprendre que tes mots ont dépassé ta pensée. C’est ton père, Roxane, et vu la relation que vous avez, il ne va pas faire une croix sur toi aussi facilement.

Je hausse les épaules, tout en soufflant dans mon mouchoir, alors que l'interne poursuit sa plaidoirie :

— Ensuite, vendre la maison ne signifie pas qu’il n’y accorde plus d’importance. Il est père célibataire depuis de nombreuses années, et c’est le lieu où il a élevé sa fille unique, donc je suis certain qu’il y tient beaucoup. Seulement, il doit sûrement penser que c’est la meilleure solution pour faire un peu de place à sa nouvelle compagne.

— Mais, …

— Laisse-moi finir ! insiste-t-il en posant un doigt sur ma bouche. Mets-toi un peu à sa place. Vu ta réaction aujourd’hui, tu ne crois pas que ça lui donne raison d’avoir attendu pour te dire tout ça ? Est-ce que la maison est le seul problème ou bien il y a aussi des craintes que ton père te porte moins d’attention maintenant qu’il a quelqu’un d’autre dans sa vie ?

Concrètement, sa dernière supposition me frustre.

— Ne dis pas n’importe quoi ! J’ai passé l’âge du complexe d’Œdipe et de toute tes analyses de Pédopsy. Depuis petite j’espère que mon père retrouve quelqu’un et refasse sa vie. J’aurais même été aux anges d’avoir une demi-sœur ou un demi-frère. À la place, j’ai grandi seule, dans cette grande maison, avec Florence pour seule compagnie. D’ailleurs, il ne compte tout de même pas la virer j’espère ! Si c’est le cas je vais…

Il me rattrape et m'incite à reprendre place.

— Du calme, Teddy Riner ! Le combat est clos pour aujourd’hui ! Le mieux est de laisser passer quelques jours et de vous expliquer à tête reposée. En attendant, tu peux rester aussi longtemps que tu en auras besoin.

— Tu as surement raison. Après, je vais tâcher de vite régler cette histoire, je ne voudrais pas m’imposer.

— Ah ce n’est pas ce que tu viens de faire ce soir ?

« Et 1-0 pour Robin ! » se réveille ma conscience. « Je l’aime de plus en plus celui-là »

— Ouais bon d’accord. Mais bon, ce n’est pas le roi de l’incruste qui va me faire la morale. Après tout, j’ai appris du meilleur professeur.

Il me fait une belle grimace en guise de réponse. Dans un élan irréfléchi, je pose mes lèvres sur les siennes et laisse s’en aller toute la tension qui m’anime depuis plusieurs heures.

La discussion close, la soirée se poursuit plus légèrement. En cordon bleu invétéré, Robin a insisté pour que l’on se fasse livrer des sushis. Il n’a pas eu de mal à me convaincre puisque c’est l’un de mes péchés mignons.

Allongée sur le canapé, la tête posée sur les genoux du beau brun, je tente, du mieux que je peux, de suivre le film qui se déroule devant mes yeux. En soit, je le connais bien puisqu’il s’agit d’Harry Potter et les Reliques de la mort partie deux. Cependant, cela fait une éternité que je n’ai pas vu la première partie et, le temps de remettre tous les éléments bout à bout, je finis par me laisser emporter par le Marchand de sable.

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