Chapitre 5 : Erzic

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Erzic :

Le comte entra dans la salle et alla s’asseoir au bout de la table, sur la chaise la plus grande.
Du coin de l’œil, Erzic le vit commencer à parler, mais n’entendit rien. Les paroles de Gwenn résonnaient encore dans son esprit.

Elle est… intrigante…

Il se dit qu’il devrait avoir une vraie conversation avec elle.

Une main posée sur son épaule l’arracha à ses pensées.

Il tourna la tête et lança un regard inquisiteur à son voisin. Le conseiller chauve lui indiqua le comte d’un mouvement de menton.

— Eh bien, Erzic ? Êtes-vous avec nous ?

Erzic se racla la gorge, ravalant ses pensées.

— Excusez-moi. Je vous écoute, Comte Ostir.

— J’expliquais au conseil que vous alliez nous raconter ce qui s’est passé cette nuit-là.

Erzic allait commencer son récit quand une voix le coupa :

— Ne vaudrait-il pas mieux écouter le début de l’histoire ? Sinon, pourquoi ces deux morveux seraient-ils ici ? lança une femme aux cheveux grisâtres.

Plusieurs conseillers acquiescèrent.
Le comte, après avoir scruté les deux jeunes, hocha la tête avec un soupir agacé.

— Très bien. Écoutons d’abord le début de l’histoire.

La femme fit signe à Gwenn et Draiss de parler.
Ils racontèrent, chacun leur tour, leur décision d’entrer dans la forêt pour ressentir un semblant de liberté. Draiss évoqua leurs jeux, tandis que Gwenn répéta qu’elle n’avait pas voulu y aller, qu’elle s’était sentie observée.

Intéressant songea Erzic, un léger sourire en coin.

Gwenn raconta le moment où elle avait aperçu la bête, leur fuite éperdue… puis elle éclata en sanglots. Draiss reprit le récit.

Des hoquets de surprise fusèrent parmi les conseillers, notamment au moment où Draiss évoqua la course-poursuite.

Je me souviens bien de ce moment.

— J’ai voulu… J’ai voulu rester… Mais il m’a crié de fuir. De protéger Gwenn. J’aurais dû... J’aurais dû le sauver.

— Et comment aurais-tu donc pu sauver ton ami, mon garçon ? demanda un vieil homme assis à la droite du comte.

— Je… je sais pas. Il serra les poings, les yeux rougis. J’aurais dû trouver un moyen. N’importe quoi.

— Tu n’aurais rien pu faire, voilà tout. Si vous étiez restés, vous seriez trois blessés… ou morts.

Le comte reprit d’une voix dure :

— Vous connaissiez les règles. Les enfants ne doivent pas pénétrer dans la forêt sans adulte. Et vous y êtes tout de même allés… Pour quoi ? Quelques heures d’un semblant de liberté ?

Les deux jeunes baissèrent la tête et murmurèrent des excuses.

— Bien, se reprit le comte. Maintenant que le début est raconté, pouvons-nous passer à la suite ? demanda-t-il en se tournant vers la vieille femme.

Elle ouvrit la bouche, mais il leva la main :

— Les questions viendront après. Quant à vous deux, ajouta-t-il en regardant Draiss et Gwenn, nous discuterons des sanctions à la fin du conseil.

Un silence pesant s’installa.

— Nous sommes enfin tout ouïe, Monsieur Erzic, dit le comte en sondant les conseillers.

Erzic ferma les yeux.

— Je vais reprendre là où Draiss et Gwenn se sont arrêtés.

Inutile de leur dire tout ce que j’ai vu.

Il vit que Gwenn avait levé la tête, le fixant d’un air interrogateur.

— J’étais en route pour le royaume de Drazyl. Ce chemin me paraissait le plus court, et le moins risqué. Mais j’ai entendu un cri, suivi d’un hurlement… qui n’avait rien d’humain. Quand je suis arrivé sur les lieux, tout s’était figé. Un loup gigantesque, gueule béante, se tenait au-dessus du jeune garçon.

Un frisson traversa la salle. Gwenn ne quittait pas Erzic des yeux, les larmes coulant à nouveau sur ses joues.

Curieuxpensa-t-il en faisant une mine triste.

Il reprit :

— Je n’ai pas réagi tout de suite. J’étais pétrifié. Jamais je n’avais vu une créature pareille. Pourquoi risquer ma vie pour un inconnu ? Je me suis longtemps posé cette question… après coup.

Il laissa traîner son regard sur la tablée, un sourire triste ourlant ses lèvres — mais ses yeux, eux, restaient froids.

— Mais quand la bête a planté sa griffe dans le garçon, je n’ai plus hésité. Je ne pouvais pas rester là, sans rien faire. Je n’entendais plus mes pas, mais la bête, elle, avait tout perçu. Elle a levé la tête. Ses yeux rouges me fixaient. J’ai de nouveau songé à fuir…

Il regarda Gwenn. Elle avait fermé les yeux, accoudée à Draiss, qui lui murmurait quelque chose.

Pathétique.

— J’ai pris mon arc et décocher une flèche dans son flanc gauche. Elle a lâché sa proie et s’est ruée vers moi. Elle m’a frappé d’un coup de patte et je suis allé m’écraser contre un arbre.

Des cris horrifiés s’élevèrent.

— J’étais sonné. Quand je me suis relevé, elle avait disparu. J’ai pris le garçon dans mes bras, et vous connaissez la suite. Vos gardes m’ont trouvé et escorté jusqu’ici.

Il marqua une pause.

— D’ailleurs, je n’ai pas encore pu voir le jeune homme. Comment va-t-il ?

Du coin de l’œil, il vit la vieille femme baisser les yeux. Gwenn, elle, éclata de nouveau en sanglots.

— Il est stable, d’après ce qu’on m’a dit. Mais il ne s’est pas encore réveillé, expliqua le comte.

Bien, très bien.

Erzic hocha la tête, l’air soucieux.

— Bien. Si vous avez des questions…commença le comte Ostir.

— Pourquoi vous rendiez-vous à Drazyl ? Et d’où venez-vous ? lança la femme aux cheveux gris.

— Gabrielle ! N’oubliez pas qui donne la parole !

La vieille femme rougit et pinça les lèvres.

— Bon, maintenant que c’est dit, répondez, Erzic.

Erzic la fixa sans ciller.

— La réponse est complexe. Mais pour résumer : je dois aller à Drazyl pour une affaire urgente. Des gens que j’aime ont besoin de moi. Quant à mes origines… je viens de partout et de nulle part.

— Que voulez-vous dire ? insista Gabrielle.

— Eh bien, je n’ai jamais eu de véritable foyer. Je suis une sorte de nomade.

Des hochements de tête approbateurs l’encouragèrent.

— D’autres questions ? Reprit le comte.

Un conseiller au fond de la salle leva la main.

— Oui, Krislr ?

Le banquier. Trop bavard et imbu de lui-même.

— Merci, Monsieur le Comte, dit-il avec obséquiosité.

Et lèche-bottes, en plus.

— Pourquoi la bête ne vous a-t-elle pas tué tous les deux ?

Tous les regards convergèrent vers Erzic.

— Je l’ignore. Peut-être qu’elle voulait juste jouer. Qui sait ? en tout cas je suis content qu’elle ne soit pas allée plus loin, grimaça-t-il.

Demi-mensonge, pensa-t-il, amusé.

— Cela se tient, répondit Krislr.

— Plus de questions ? Très bien. Je m’entretiendrais de nouveau avec vous Erzic, à la fin de ce conseil.

Le comte se tourna ensuite vers les deux jeunes gens.

— Maintenant que tout cela est clair, parlons de votre cas…

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