Chapitre 15 : Comme une étoile qui fend le ciel
Pour ce chapitre je vous propose : Made of stars de Marnik ft Polly Anna.
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Je le regarde qui vole, qui s'élance, qui virevolte comme si ce sport était fait pour lui, comme si son BMX était en réalité des ailes qui le propulsent dans les airs. C’est dans ce genre de moment que je comprends ce que c’est de vivre. Sacha est plus qu’un simple rider, c’est un gamin qui croit en lui. Un gosse qui transforme sa passion en magie. Et à côté y’a moi... Un pauvre con qui ne sait pas ce qu’il veut. Je tente juste de survivre à mes propres démons.
Je me hisse dans la foule, qui borde le terrain. Je parviens à trouver un spot pas trop mal qui me permet à la fois de voir Sacha dévaler les pentes et remonter les bosses, tout en restant en retrait. La honte me submerge. Je ne veux pas qu’il me voie, pas comme ça... Je ne veux pas entacher son moment, Sacha a le droit de briller comme une étoile qui scintillent dans l’immensité du ciel, comme une galaxie qui s’étend à l’infini loin du trou noir que je suis.
Sur la piste Sacha, ne s’arrête pas, il ne relâche pas. Il virevolte, négocie ses courbes avec une précision millimétrée. Chaque saut semble parfait, chaque réception s’écrive comme un poème silencieux. Chaque dépassement le rapproche de sa légende.
Et moi, je suis là ... silencieux, capuche sur la tête... Je l’observe sans un bruit. Comme quand j’étais môme et que je regardais les étoiles filantes en attendant de faire un vœu. Mais là mon étoile filante c’est lui, il fend le ciel comme une météorite. Du coin de l’œil je peux apercevoir Marcus qui est avec deux mecs qui semblent un peu plus vieux que nous et en couple. Je présume qu’il doit s’agir d’Allan et Zach dont m’a parlé Sacha.
J’hésite une seconde à les rejoindre mais je me ravise, ils pourraient me juger et puis je sais que Marcus ne me porte pas très haut dans son cœur, une forme de jalousie peut-être.
Finalement, je m'assois sur une barrière métallique, les jambes ballantes, les poumons encore un peu embrumés. Ma clope s’est éteinte mais la fumée reste. L'Antelax continue de courir dans mon corps, dans mes veines. Je sens son effet, mais mon cœur cogne dans ma poitrine dans un rythme endiablé pour une tout autre raison. Ce n’est ni la baston, ni la drogue, c’est lui.
Il termine sa manche à la première place dans un tonnerre d'applaudissements. Je le vois qui enlève son casque, secoue ses cheveux blonds et son sourire éclate, que dis-je il scintille comme des milliers d’étoiles. Son sourire qui a encore un mélange d’insouciance, saupoudré d’une lueur d’enfance et d’un feu dans les yeux. Ce petit truc que j’ai perdu depuis bien longtemps... Mon sourire à moi n’existe plus, mes yeux reflète la noirceur de mon cœur. J’ai entendu dire que le regard était le reflet de l’âme. Si c’est vrai, mon regard doit être sacrément morcelé et dévasté.
Quand je dis que je n’ai pas souris depuis longtemps c’est faux. Il avait réussi à me faire sourire, un de ces soirs où on a observé les étoiles, avec toutes ses questions, son désir d’en apprendre autant que moi, de découvrir l’immensité du ciel nocturne. Ça m’avait fait du bien, et là en ce moment comme s’il était une étoile brillant de mille et une couleur, je souris à nouveau.
Il ne m’a pas encore vu. Tant mieux.
Je devrais en profiter pour fuir, partir loin d’ici avant qu’il ne me voie comme ça... Mais je ne peux pas, je lui ai promis. Et puis ... Le cœur battant, les jambes flageolantes je ne parviens plus à bouger.
Et là, il me voit. Nos regards se croisent. En une fraction de seconde je sais que je ne peux plus fuir. Son sourire se referme. Son regard se fige. Je peux lire dans ses yeux une forme de surprise accompagné d’une inquiétude et d’une foutue tendresse qui me fout le cœur en vrac... Pourquoi il s’intéresse à moi.
Il court dans ma direction, passe au-dessus de la rambarde qui borde la piste. Je me lève trop vite, la douleur dans mes côtes revient au galop. Il est à moins d’un mètre de moi, tout près.
—Nolan ! Qu’est ce qui t’es arrivé ? Pourquoi t’as l’air en vrac comme ça...
— Bof... rien de grave t’inquiète. Mais toi t’étais impressionnant on aurait dit que tu volais. Que t’étais un météore qui fend le ciel. T’étais, t’étais magnifique...
Il sait que j’essaye de fuir. De changer de sujet, de masquer la vérité. Mais il ne dit rien, me regarde simplement avec son regard réconfortant dont il a le secret. Il dit simplement :
— T’es venu... merci !
Je hoche la tête. Lentement. Puis je me surprends à sourire.
— Je t’avais promis non ?
Et il sourit. Ce sourire-là, reste graver dans mon esprit, il est un savoureux mélange entre reproche et réconfort. Il aimerait savoir mais je ne peux pas lui dire... Je ne veux pas gâcher son moment, sa victoire éclatante. Il n’en demande pas plus... il comprend.
Je n’ai pas le temps de savourer d’avantage ce moment que l’on partage. Un des deux types que j’ai aperçu avec Marcus, arrive en courant. Il déboule derrière lui et le prend dans ses bras :
— Putain Sacha ! T’as géré sur ce coup-là !
Les cris de joie retentissent, tout autour de moi. Ils semblent tous très proches voir même complice. Surtout ce type avec ses cheveux châtains clairs qui reflètent la lumière du soleil comme s’ils étaient fait d'or et ses yeux d’un vert émeraudes qui pourrait t’absorber comme un trou noir. Ils ont l’air de bien se connaître.
Marcus m’explique qu'il s'agit de Zach, le fameux Zach l’ex de Sacha, ce qui explique cette proximité entre eux. L'autre, à côté de lui c’est Allan, Sacha m’a beaucoup parlé de lui. Dans son regard c'est tout l’inverse de son petit ami, on y perçoit des souvenirs profonds, douloureux, enfouis. J’ai une sensation étrange comme si je voyais mon reflet avec quelques années de plus, comme si je me voyais une fois que tout serait derrière moi. Ses yeux racontent une histoire que je devine familière : celle d’un être brisé, qui a su pourtant remonter des abysses pour respirer de nouveau, fier, la tête haute.
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