[5] A la croisée des serments (5/7)

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[5.]

Je n’ai jamais passé un repas aussi morose que ce soir-là. J’ai beau avoir l’estomac dans les talons de n’avoir rien avalé le midi même, après la journée que je viens d’encaisser, je suis incapable d’ingurgiter plus de deux petites fourchettes de gratin et une pauvre pomme. Je ne fais que picorer et ma mère finit par s’inquiéter sur mon état de santé mais je préfère éluder la terrible conversation qui s’annonce avec un sourire timide et prétexte une journée longue et difficile pour sortir dans ma chambre prendre un peu de repos.

Après une longue douche chaude et relaxante, j’enfile mon pyjama et me glisse sous mes couvertures dans l’espoir qu’une bonne nuit de sommeil suffise à me faire oublier le calvaire de cet horrible jour. Mais c’est peine perdue… Chaque fois que je ferme les yeux, l’image du blister tombé sur le sol se superpose sous mes paupières. Je revois le visage d’Ethan, sa surprise, son embarras, sa méfiance… Que cherche-t-il à cacher ?

J’écarte mes couvertures et me contorsionne pour attraper l’ordinateur portable posé à côté de mon lit. J’en suis certaine, sous ses airs farouches et condescendants, Ethan dissimule quelque chose… Et je compte bien découvrir son secret ! Le rouge me monte aux joues. Pourquoi tiens-je à tout prix à chercher à le comprendre ? Il serait tellement plus simple de l’ignorer, l’éviter… Je secoue la tête. Simple curiosité, tenté-je de me convaincre. Mais je sais au plus profond de moi qu’il ne s’agit absolument pas de cela…

Baissant au maximum la luminosité de l’écran afin de ne pas avoir à plisser les yeux, je fais une rapide recherche des comprimés bleus dans les cours stockés sur mon PC. Après avoir fait défiler une à une toutes les photos concernant les différents blisters de cardiologie et de pneumologie sans résultat, je me penche sur le détail des cours de virologie.

Et soudain, je stoppe net. Ça y est ! Je me rapproche de l’écran afin de vérifier le moindre aspect de la photo qui se tient devant mes yeux ahuris. C’est bien celle-là. Je sens un frisson me parcourir l’échine. Bordel de merde j’avais raison ! Ethan cache bien quelque chose !

-

Vendredi,

Après deux mois passés à éviter autant que possible les insurmontables visites médicales du docteur Linois, me retrouver à nouveau perdue au milieu d’un groupe d’externes tout neuf, bavard et enthousiaste, me démoralise. J’en viendrai presque à regretter la présence de « Mademoiselle Aguicheuse » et « Monsieur Je-Sais-Tout », d’autant plus que, comme à son habitude, le cardiologue en chef du secteur A est d’une humeur massacrante. A la différence que, aujourd’hui, il a visiblement décidé de ne pas passer ses élans de colère sur moi - ce que j’aurais vraiment pu apprécier pleinement, si l’ignorance totale qu’il manifeste à mon égard n’était pas en train de faire en sorte que cela soit finalement Ethan qui pâtisse de la situation -.

La mâchoire crispée, j’écoute le docteur Linois hurler pour la énième fois contre le « fouillis » du dossier de la patiente numéro quatre. Je dois faire montre d’une violence inimaginable à mon égard pour ne pas laisser toute ma colère et mon ressentiment envers le médecin éclater, de peur que la situation ne devienne encore pire pour tout le monde. A ses côtés, Ethan encaisse les coups sans broncher, le regard sombre et fatigué. J’admire pour la première fois le sang-froid dont il fait preuve car je sais à ses poings de plus en plus serrés qu’il se fait également violence pour ne pas exploser.

— Comment voulez-vous que l’on s’y retrouve dans tout ce bordel ! Pas étonnant que la gestion de ce service soit devenue si catastrophique ces derniers temps ! Non mais vous vous rendez compte de l’importance du risque d’erreurs médicales qu’un tel désordre suppose ! Vous n’êtes tous ici que des incompétents et je…

Je serre davantage les poings à m’en faire à mon tour blanchir les jointures. Encore un seul mot et je ne jurerai plus de la nature de mes actes…

— Docteur Linois, que se passe-t-il ?

Je suis toute aussi surprise par la voix grave derrière moi que le reste des externes en médecine rassemblés autour de nous. Mes muscles se détendent aussitôt et j’observe par-dessus mon épaule la haute et imposante carrure burinée par le soleil du chef de la cardiologie s’avancer jusqu’à nous, une silhouette bien plus pâle et frêle à ses côtés. Perchée sur des talons aiguilles d’au moins dix centimètres, en tailleur blanc impeccable et jupe crayon, la cadre administrative du service m’adresse un sourire conciliant sous ses épaisses boucles rousses. Je lui réponds timidement, ne sachant trop comment réagir face à cette élan de sympathie.

— Euh… je…

La présence impromptue des nouveaux arrivés semble avoir légèrement décontenancé le docteur Linois. Un sourire mauvais étire mon visage et je m’en serais très certainement fustigée intérieurement si Ethan n’avait pas profité du désintérêt du médecin de sa personne pour disparaître contre le mur le plus proche. Même si je ne peux que comprendre son envie de passer inaperçu face à eux après les récents évènements ayant secoué le service, sa réaction suffit à ce que quelque chose se brise au fond de ma poitrine. Consciente d’être également devenue une cible à surveiller, je baisse la tête à mon tour, essayant de me fondre dans la masse d’externes à mes côtés.

— Qu’est-ce que ? Il y a un problème chef ? demande Linois en fronçant les sourcils, interloqué.

Le docteur Mercier secoue la tête tranquillement, croisant les bras sur sa poitrine. Sa voix grave et calme m’arrache un frisson d’appréhension.

— Non, aucun docteur Linois. Nous avons simplement décidé – de concert avec le reste de la direction – qu’il était temps pour nous de sortir un peu de nos bureaux et de venir assister aux visites de nos confrères. L’occasion de nous assurer que vos méthodes de transmission et d’enseignement sont bien conformes aux attentes de cet hôpital universitaire. Mais je vous en prie, continuez et faîtes comme si nous n’étions pas là surtout. Je crois que vous étiez occupé à expliquer à ce jeune homme derrière vous comment organiser plus méthodiquement les dossiers des patients.

Un sourire cordial éclaire le visage du chef de la cardiologie tandis que son regard se pose sur la haute silhouette élancée d’Ethan. Ce dernier déglutit difficilement, fuyant délibérément le regard de son interlocuteur. Pourtant, j’ai l’étrange sensation que ce dernier n’a pas pour vocation d’agir en ennemi…

— Oui Monsieur. Tout à fait.

Je constate que malgré le calme maîtrisé qu’il tente d’afficher, le regard du docteur Linois ne peut s’empêcher de rester fixé à celui de son supérieur hiérarchique.

— Un problème docteur ? interroge ce dernier.

— Non. Non Monsieur. Bien, reprenons s’il vous plaît. Alors… Patiente de la quatre, admise pour fibrillation auriculaire non contrôlée. Nous en étions…

Tout en faisant défiler les différents documents du dossier à la recherche d’un « je-ne-sais-quoi » visiblement introuvable, un spasme d’humeur secoue le médecin, faisant virevolter le tas de papiers posé anarchiquement devant lui. Une infirmière postée près de nous s’empresse aussitôt de se pencher pour les ramasser. Je sens bien que Linois retient une nouvelle remarque acerbe – à l’intention de qui d’ailleurs ? – et, les dents serrées, il finit par pousser un long soupir en passant une main dans ses cheveux roux.

— Bien. Nous rediscuterons de la meilleure façon de mieux organiser vos dossiers plus tard. Nous avons déjà assez perdu de temps comme ça à cause de cela. [Puis se tournant dans notre direction :] Prenez de quoi noter, suivez-moi et contentez-vous d’observer. Surtout ne touchez à rien sans y avoir été invité, c’est clair pour tout le monde ?

Voir le docteur Linois se décomposer sous mes yeux me procure une sensation de bien-être incommensurable. Et tandis que les autres s’amassent autour du médecin pour le suivre à l’intérieur de la chambre, ma déesse intérieure jubile et je dois retenir de toutes mes forces un sourire goguenard, ce qui me vaut en contrepartie un coup de coude discret d’Ethan dans les côtes lorsque je passe à sa hauteur. Je me masse la poitrine en le fusillant du regard. C’est plutôt moi qui fait ce genre de choses d’ordinaire. Ses yeux sombres me défient d’ajouter quoi que ce soit et je préfère m’abstenir, me contentant de détourner la tête.

Le docteur Linois inspecte rapidement la chambre à travers les stores avant de frapper quatre fois contre le battant – une première dites donc ! – et pénétrer dans la pièce.

— Madame Whistle ? Bonjour Madame, comment allez-vous ?

Ne sachant trop que faire, les externes échangent un rapide regard entre eux en chuchotant avant de se décider à entrer à leur tour en venant tous s’agglutiner dans un petit renfoncement à l’entrée de la chambre. Je plonge à nouveau mes yeux dans ceux d’Ethan, à la recherche de son approbation. Il hoche la tête en guise d’assentiment et pose une main dans le creux de mon dos pour me pousser à travers l’encadrement de la porte. Ce geste inopiné réveille en moi d’agréables souvenirs. Mais lorsque le jeune homme se glisse derrière moi afin de prendre place dans un autre coin de la petite pièce en essayant de se faire le plus discret possible, je vois bien qu’il est inquiet. Et il est inutile pour moi de réfléchir bien longtemps à ce qui pourrait bien le tracasser. Pourtant, tout en jetant un nouveau coup d’œil au chef Mercier et à Boyer, je reste persuadée que ni l’un ni l’autre ne sont là pour lui. Ou pour moi. Je ne saurais dire pourquoi ni comment mais j’en suis intimement convaincue.

Glissant une main dans le dos de sa blouse, je viens discrètement pincer son pull, sortant le jeune homme de sa léthargie. Ethan fronce les sourcils en reposant son regard sur moi. Je roule exagérément des yeux. Qu’il ne s’avise même pas d’essayer de me faire croire qu’il est en train d’écouter quoi que ce soit au discours soporifique tenu par son chef de secteur, je ne le croirais pas le moins du monde ! « Ne t’inquiète pas » forment mes lèvres afin de le rassurer. Ethan sourit en croisant les bras. J’ignore si mes paroles ont réellement eu l’effet escompté mais au moins semble-t-il plus détendu qu’à son entrée dans la chambre.

— Mademoiselle Miller ? Etes-vous avec nous je vous prie ? Comme vous me semblez bien plus intéressée par votre camarade que par mon enseignement, peut-être pourrez-vous nous dire grâce à vos récentes connaissances à quelle pathologie est associée cette triade de symptômes ?

— Pardon ? dis-je en papillonnant du regard, essayant de me recentrer sur mon interlocuteur.

Je sens tous les regards se tourner dans ma direction et je ne peux m’empêcher de piquer un fard de m’être faite surprendre aussi facilement. Le médecin lève les yeux au ciel.

— Allons bon ! Douleur thoracique, fatigue, essoufflement…

— Ah oui pardon ! m’excusé-je en rassemblant rapidement mes pensées. Un infarctus. Ce sont les signes d’un infarctus.

Le docteur Linois semble faussement impressionné.

— Bien. Bonne réponse Mademoiselle Miller, ce serait bien une première mais c’est juste. Et quelle est donc la marche à suivre dans ce genre de cas ?

— Faire un électrocardiogramme.

Je dois bien l’avouer : je me surprends moi-même et je ne peux d’ailleurs pas retenir le large sourire qui vient illuminer mon visage lorsque je songe à ce que ces horribles visites m’auront au moins appris durant ces derniers mois.

— Encore une bonne réponse. Décidément, vous vous surpassez aujourd’hui Mademoiselle Miller ! ricane le médecin. Docteur Barbier, avez-vous fait un ECG à Madame Whistle ?

Je sens Ethan se rigidifier dans mon dos et je ne peux que compatir en silence. C’est reparti pour un tour…

— Pas encore Monsieur.

Je trouve sa voix plus faible qu’à l’ordinaire. Mon cœur se pince douloureusement. Décidément, j’ignore ce que le docteur Linois tient à faire payer à Ethan aujourd’hui mais il n’est visiblement pas prêt de vouloir lâcher le morceau…

— Comment ça « pas encore » ?

— J’attends que ma demande soit supervisée.

Les sourcils du docteur Linois se haussent de surprise. La couleur prise par ses prunelles m’arrache un étrange frisson glacé.

— Comment cela ? Seriez-vous en train d’insinuer que le fait que l’examen n’ait pu avoir lieu serait la faute de votre superviseur en chef ? En l’occurrence, moi ?

— Non, bien sûr que non ! proteste Ethan en se redressant. Je répondais juste à votre question comme vous…

— Insinuerais-tu donc également que ton incompétence à gérer ces patients soit due à un manque de soutien et de prévenance de ma part ?

— Docteur Linois, je ne crois pas que vos propos soient appropriés.

J’observe le docteur Mercier s’avancer au-devant du lit de la patiente, visiblement interloquée par le drôle d’échange qui est en train de se produire sous ses yeux. J’avais presque complètement oublié que nous étions dans une chambre occupée avec tout ça ! D’un signe de la main témoignant de son agacement, le médecin choisit visiblement toutefois d’ignorer les paroles de son supérieur.

— Réponds-moi Barbier ! Je t’ai posé une question.

— Je vous l’ai dit ! explose Ethan à son tour, ma demande n’a pas encore été validée !

— A quelle heure l’as-tu déposée ?! poursuit Linois sur le même ton sec et péremptoire.

Je me pétrifie devant la tournure prise par les évènements, comme presque tous les externes autour de moi. Du coin de l’œil, je vois les sourcils de la cadre se froncer d’agacement.

— Je ne sais plus, fait remarquer Ethan en soufflant, l’arête du nez pincé entre son pouce et son index comme pour réfléchir, entre huit heures et huit heures et demi. Neuf heures tout au plus !

— Eh bien voilà ! Voilà pourquoi ta demande n’a pas encore été traitée ! Elle n’est faite que bien trop tard ! Tu aurais dû la demander immédiatement, dès que tu avais eu connaissance des symptômes de la patiente ! Et pas juste avant les visites ! Tu…

— Docteur Linois, un mot je vous prie.

Le ton du docteur Mercier n’aurait en temps normal souffert aucun refus, pourtant, le docteur Linois semble bien décidé à ne tenir compte d’aucune directive en cet instant.

— Non ! Monsieur, c’est tout simplement inacceptable ! L’absence d’ECG alors que la patiente présente des symptômes d’infarctus pourrait lui coûter la vie… Ou une intervention pouvant être aisément évitée. Si l’on était moins porté sur le fait de laisser nos internes se débrouiller seuls et…

Docteur Linois. Un mot en privé je vous prie.

Semblant enfin prendre la mesure de ce qui se passe autour de lui, le chef du secteur A se détend instantanément, son regard oscillant entre les iris furibondes de la cadre et celles, toutes aussi noires, de son supérieur.

— Oui… Oui, oui, bien sûr.

Contournant le lit de la patiente, il s’empresse d’emboîter le pas aux deux intervenants afin de s’éclipser hors de la pièce. Tandis que les deux hommes quittent la chambre sans un mot, je vois la jeune rousse se retourner tout en fixant Ethan de ses prunelles assombries par la colère.

— Monsieur Barbier, terminez les visites s’il vous plaît. Le docteur Courbel vérifiera vos comptes rendus avant d’aller manger, annonce-t-elle de sa voix calme et pourtant chargée de ressentiment.

Le visage du jeune homme se défait brusquement.

— Moi ? Mais que voulez-vous que je leur ensei…

— Faîtes ce que bon vous semble. Tout sera forcément mieux que ce à quoi ils viennent d’assister.

Haussant les sourcils d’un air ostentatoire à l’intention des jeunes externes toujours amassés sans un bruit dans un coin de la pièce, elle repousse la porte dans son dos. Juste avant qu’elle ne se referme sur elle, mon regard happe les échanges houleux qui se tiennent désormais dans les couloirs. Le visage d’Ethan trahit ses doutes et sa stupéfaction. Aucun de nous ne s’attendait à ce qui vient de se produire.

— Tu en es capable, chuchoté-je en me tournant pour lui faire face. Tu peux le faire et tu le sais. Suis juste ton instinct, exactement comme lors de la garde.

Un sourire railleur étire les lèvres du jeune homme tandis qu’il retient un ricanement.

— Je ne suis pas sûre d’avoir joué les maîtres d’école pour les bonnes raisons lors de la garde tu sais…

Je pique un fard en m’efforçant de ne pas chercher à comprendre le sous-entendu.

— Je ne te parlais pas de tes raisons à le faire mais la façon de le faire ! répliqué-je dans un chuchotement afin de détourner l’attention. Montre-leur exactement ce que tu m’as montré, explique-leur, fais-leur toucher, manipuler…

— Pas sûr que ça te plaise !

Nouveau ricanement. Agacée, j’envoie gentiment mon poing contre le torse de l’interne que la surprise fait sursauter.

— Bon sang ! Mais tu veux bien rester concentré deux minutes oui ? m’emporté-je à voix basse, ma conscience souriant toutefois de ses dents blanches impeccablement alignées.

— Je veux bien oui, murmure Ethan en se massant le ventre, mais je ne suis vraiment pas sûr d’être le plus doué pour ça…

— Eh bien, il faut bien un début à tout ! Alors en piste Monsieur !

D’une pression de la main, je repousse Ethan en avant, le forçant à approcher du lit de la patiente, encore sous le choc après l’altercation entre les deux médecins.

— Bonjour Madame Whistle, je suis Ethan Barbier, c’est moi qui vais donc prendre le relai aujourd’hui pour m’occuper de vous. Cela ne vous dérange pas ?

La vieille femme le contemple de ses grands yeux ébahis, semble réfléchir une minute puis secoue la tête sans prononcer le moindre mot. Se tournant vers nous, Ethan reprend :

— Commencez toujours par vous présenter. Cela rassure les patients de connaître votre identité et instaure une sorte de lien de « confiance » entre vous. Et puis, cela nous rend aussi plus « humains ». Bien, Madame Whistle, j’ai vu dans votre dossier ce matin que vous vous étiez plainte de douleurs thoraciques cette nuit, c’est exact ? Est-ce que je peux vous ausculter pour vérifier ?

Semblant enfin reprendre contenance après l’étrange scène qui vient de se passer sous ses yeux, la vieille femme adresse à l’interne un hochement de tête approbateur. Attrapant son stéthoscope dans la poche de sa blouse, Ethan le glisse autour de son cou. Alors qu’il s’apprête à le poser sur le torse de la patiente pour l’examiner, je me risque à tenter quelque chose.

— Vous pourriez peut-être nous montrer ?

Je sais que c’est osé et que je dois paraître complètement folle aux yeux des externes qui m’entourent car je sens un flot de regards éberlués se tourner dans ma direction. Cependant, mes yeux restent indubitablement rivés devant moi, sur la silhouette du jeune homme en blouse blanche, son stéthoscope autour du cou. Ethan me regarde étrangement, comme surpris. Je tente de contenir tant bien que mal le rouge qui me monte aux joues. Je sais qu’après ce qu’il vient de se passer, les regards anxieux des externes passent successivement entre moi et Ethan, retenant leur souffle dans l’attente d’une réponse de ce dernier et je n’arrive pas franchement à savoir s’ils sont inquiets pour moi ou simplement impatients de connaître la fin de ce duel silencieux entre nous. Car, tout comme moi, les prunelles sombres d’Ethan ne me quittent pas et je dois faire appel à toute ma force intérieure pour ne pas détourner le regard, ce qui constituerait une preuve de faiblesse indéniable de ma part.

Pendant quelques secondes, la pièce toute entière semble en suspens, dans l’expectative. Mais c’est finalement, Ethan, qui, à ma grande stupéfaction, détourne le premier le regard, le reportant sur la patiente toujours allongée près de lui.

— Cela ne vous dérange pas Madame Whistle ?

— Bien sûr que non voyons ! Ces jeunes sont là pour apprendre !

Sans m’accorder le moindre regard, Ethan remercie poliment la patiente avant de se tourner vers l’externe la plus proche. Même si je me sens profondément vexée par sa soudaine ignorance, je tente de rester impassible tandis qu’il fait signe de venir à une jeune blonde visiblement intimidée par la carrure de son supérieur. Je frissonne. Une blonde… Je crois que je commence à haïr les blondes…

— Viens, approche. Je vais t’expliquer.

J’observe le reste de la scène avec satisfaction, me retenant toutefois de lever les yeux au ciel lorsque les joues de l’externe s’empourprent brusquement au contact des doigts d’Ethan lorsqu’il l’aide à poser son stéthoscope sur la poitrine de la patiente. Mais cela n’est finalement rien comparé aux scintillements enthousiastes qui illuminent ses pupilles quand – je le sais – la jeune femme finit par entendre les battements cardiaques. Un sourire étire les lèvres d’Ethan. Je souris à mon tour. Quelque part, je savais qu’il y arriverait…

***

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