Chapitre 2 - Obscurité - Partie 2

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Les colons venaient de terminer la pose de la dernière tente du camp Alpha. Quelque temps après leur débarquement, ce dernier s’apparentait à un grand cercle découpé en quartiers. Toutes les artères rejoignaient le point central. Une tente, d’une taille plus imposante que les autres, était dédiée aux rassemblements. Chaque quartier se composait des mêmes éléments. Un générateur d’énergie l’alimentait. Les tentes des décuries occupaient un rôle prépondérant, chacune dans un ou deux domaines précis.

L’ensemble du camp était conçu afin que la perte d’un élément n’impacte pas l’ensemble du camp. Cette organisation était le fruit des nombreux retours d’expériences des explorations humaines, qu’elles aient été terrestres ou extraterrestres. Rien n’était laissé au hasard. Chaque équipement était par défaut doublé pour les moins critiques, voire quadruplé pour les plus sensibles et vitaux pour la colonie.

En dernier ressort, trônait la graine au nord-ouest du camp. Ultime refuge. Un cordon humain allait et venait entre elle et le camp, déchargeant les cubes. Un peu plus au sud, Phel ne s’était pas encore habitué à la teinte rouge du sol de Parelas-d, ou Rød, comme ils la nommaient entre eux.

Ce terme provenait d’un dialecte terrestre ancien et était synonyme de rouge. Comme cela est souvent le cas, ce surnom semblait être né de nulle part mais s’était imposé à tous les colons avec un naturel déconcertant.

Le filtre respirateur lui permettait de profiter de l’atmosphère parélienne en sécurité. C’était la seule contrainte à subir sur la surface de cette planète. L’humaniformation avait déjà préparé leurs organes respiratoires à s’adapter à Parelas-d. Cependant, l’atmosphère était plus dense que celle de Baure. Et sa composition pouvait, sans le respirateur, provoquer, en cas d’efforts intenses, des malaises. De plus, cet équipement agissait comme un filtre pour tout agent pathogène inconnu jusqu’alors. Le filtre respirateur était souple et ressemblait à une écharpe blanche courant du nez à la base du cou pour en faire le tour. Sa conception offrait la possibilité de capter l’humidité ambiante pour alimenter un réservoir d’eau rendue potable par l’adjonction de composés chimiques. Phel rejoignit Trabo qui terminait l’inspection d’un robot de maintenance.

« De vrais bijoux de technologie, ces engins, s’exclama Phel.

— Oui, les équipes de Vidar ont vraiment fait du beau travail. Mieux vaut en prendre soin.

— Ahah, si un de ses petits était malmené, Vidar serait capable de débarquer illico sur Rød, répondit Phel en riant.

Trabo acquiesça.

— Ce n’est pas faux ! Et mieux vaudrait se cacher dans le premier recoin de Rød pour lui échapper.

— Toi, tu n’es pas du genre à profiter d’une balade sur Rød sans raison. Tu as besoin de quelque chose ?, demanda Trabo regardant Phel en face avec un regard inquisiteur.

— Tout juste. Je cherche une personne pour m’accompagner sur un site que j’aimerais analyser. Lekia est très sollicitée. Les autres ne souhaitent pas trop s’éloigner du camp de base et, de toute façon, la plupart ont été affectés à des tâches diverses.

— Pour faire simple, je suis ta seule alternative, s’exclama Trabo.

— Tout à fait ! Le transporteur est prêt à l’Est du camp, répondit Phel.

— Ok, je termine avec celui-ci. Je prends quelques ressources et t’y rejoins. »

Sur ces mots, Phel partit en direction du transporteur.

Se replongeant dans sa tâche, Trabo termina les différents réglages et réparations sur le robot de maintenance. Cela consistait à prendre en compte quelques contraintes liées à la gravité, plus forte que prévu, de Parelas-d. Rien de très grave sur le moment, mais qui, à long terme, pouvait réduire la durée de vie de certaines pièces. Mieux valait être économe.

D’ailleurs, le camp de base pouvait se suffire à lui-même durant les premières années d’installation de la colonie. Pour ce faire, l’humanité avait redoublé d’ingéniosité en termes d’économie de matériaux et de recyclage des composants. Pourtant, Parelas-d offrait des ressources intéressantes. Ce fut d’ailleurs un des points positifs et décisifs au lancement de son ensemencement. Cependant, les colons ne commenceraient à les utiliser qu’une fois plusieurs installations de minage et de transformation construites. Phel, en tant que géologue, jouait d’ailleurs un rôle primordial dans cette phase primaire. Tout cela devrait attendre plusieurs mois et le travail préparatoire des géologues et autres spécialistes dans la colonie et du Markind.

Trabo termina d’envoyer son compte rendu d’intervention via son PIM. Je ne devrais pas recevoir de message de Vidar ce coup-ci, pensa-t-il. La dernière avait soulevé une colère du responsable en robotique et automatisme du Markind. Trabo avait dû repasser au peigne fin l’ensemble de ses réglages. Il s’aperçut effectivement d’un léger décalage d’un des paramètres sans une réelle incidence, mais qui aux yeux de Vidar, relevait presque de l’hérésie. Une fois son matériel rangé, il remonta l’allée centrale du camp en direction de la tente qu’il partageait avec Phel et Celet, un des membres de l’équipe et archiviste au sol.

Une des missions de ce dernier était, avec l’aide des autres archivistes de la centurie, de répliquer l’Encyclopedia Humanis 55 Cancri sur Parelas-d. Un chantier qui allait prendre plusieurs mois pour construire le bâtiment. Une tâche sans fin pour maintenir intacte la mémoire de la lignée humaine 55 Cancri. Ces tâches avaient, au fil des colonisations, revêtu un caractère qui avait basculé en partie dans le sacré.

En pénétrant dans la tente, la teinte bleutée de l’éclairage le fit plisser quelques secondes les yeux. La rougeur de Parelas-d avait marqué sa rétine.

« Il faudra que l’on pense à modifier ça, dit Trabo en montrant de la main le système d’éclairage. Celet quitta brièvement sa communication avec le vaisseau mère.

— C’est une bonne remarque ! Je note ça dans un coin, dit l’archiviste.

— Rien ne t’échappe, dit Trabo, saluant rapidement Celet d’une tape amicale sur l’épaule.

Il l’informa de son expédition avec Phel.

— Phel m’a effectivement proposé de l’accompagner. Mais je dois répliquer une partie des données liées à nos travaux de ce début de journée. Soyez prudents !

— Merci Celet. Nos données seront à transmettre sur le canal général ?, demanda Trabo.

— Tu peux désormais te connecter sur un des canaux dédiés. Je vais m’occuper de ton PIM pour le configurer. Cela m’évitera de le faire plus tard à distance. Celui de Phel l’est déjà. »

Celet pianota rapidement sur son pupitre. Une fois terminé, Trabo avait rassemblé les affaires qu’il jugeait nécessaires à emporter avec lui. Il prit congé de son compagnon archiviste et se dirigea vers l’Est du camp de base Alpha en sortant de sa tente. L’étoile d’un orange soutenu illuminait ce début de journée sur Parelas-d.

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