9. Labyrinthe

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Je n’étais pas la seule apprentie du salon de mes parents. Il y avait une autre fille. Les raisons de son embauche m’étaient totalement inconnues à l’époque. Plus tard, j’avais appris que mon père était tombé sur son blog où elle postait ses créations et totalement subjugué par son talent, alors qu’elle n’avait suivi aucune formation, il avait vite fait de la contacter elle et ses parents pour lui promettre une excellente formation peu couteuse qui lui offrirait une place influente dans le monde de la mode. Ce qui n’était qu’un passe-temps pour elle, était en train de devenir sa profession. Elle s’appelait Zénaïde. Au départ, je n’avais jamais cherché à lui parler amicalement ou à nouer un quelconque lien avec elle. Au contraire, je l’évitais comme la peste.

Créer des relations sur le long terme avec les gens n’avait jamais été ma spécialité. J’étais nulle là-dedans. J’avais effectué l’école et le collège dans mes établissement de secteurs, qui étaient des écoles ordinaires, tout ce qu’il y avait de plus normal. Mais suite à des successions de problèmes d’intégration et plusieurs années de harcèlement scolaire, mes parents avaient décrété que je ferais le lycée à la maison et qu’après mon bac, je deviendrai leur apprentie à l’atelier. Je n’avais jamais éprouvé le besoin ni l'envie de manifester un quelconque résistance ou désaccord. Je m’en fichais totalement.

J’avais échoué le bac au premier essai et mon père avait refusé que je le repasse, prétextant que de toute façon que je n’avais pas les capacités intellectuelles pour le décrocher. Alors à la fin de l’été, j‘avais commencé ma formation, avec mes parents comme seuls professeurs avec eux. Zénaïde avait déjà une licence de lettres modernes en poche, lorsqu’elle est arrivée à l’atelier.

Dès le début, elle avait témoigné de beaucoup d’intérêt et de sympathie à mon égard dont je ne lui répondais qu’avec un froid rejet.

Mais le surlendemain, en revenant de la maison de mes grands-parents, pour ma matinée de travail à l’atelier, j’avais eu une succession de réactions inattendues, que je ne contrôlais presque plus.

A l’issu du labeur, je pliais les derniers vêtements fraîchement repassés pour les ranger dans les boîtes, direction les camions de commande, alors que ma consœur avait déjà tout bouclé et se préparait à s’en aller.

Je voyais au loin Zénaïde remettre son écharpe en place. Sans le vouloir, nos regards s’étaient croisés. Prise d’embarras, j’avais aussitôt détourné les yeux, pour me reconcentrer sur les livrets de comptes, qui soudain me semblaient passionnants. La chaleur me brûlait les joues, tant j’avais honte de m’être faite prendre en flagrant à l’observer. Au lieu de s’en aller, Zénaïde s’était approchée de moi, un sourire espiègle en coin, au visage.

- Sofia, je rentre chez moi. A demain ?

J’avais grommelé quelque chose de débile et d'incompréhensible, les yeux dans le vide et en tortillant nerveusement les doigts qui tournaient frénétiquement les pages du livret.

- Arrête de maltraiter ce pauvre cahier, bon sang !

J’avais soupiré en ramenant les mains vers moi.

- On approche de Noël, Sofia. Tu voudrais pas qu’on essaye de trouver un terrain d’entende ? Je sais pas…

Elle avait fourré ses mains dans les poches, en soupirant. Zénaïde était une grande blonde aux cheveux frisés qu’elle attachait toujours dans d’originale et très élégante coiffure. Ses vêtements, qu’elle fabriquait elle-même pour beaucoup alliaient le style victorien et vieille France. J’avais toujours secrètement admiré sa grâce et sa classe. Son maquillage lui, contrastait fortement avec son style, puisqu’il était souvent très extravagant, mêlant plusieurs couleurs et motifs autours de ses yeux. J’imaginais cette fille aimée de tous, passionnée et intelligente.

Je n’avais rien osé répondre alors elle avait repris :

- Désolée, je voulais pas te déranger… j’y vais. A plus.

Elle s’était retourné d’un mouvement de virevolte et avait commencé à s’éloigner vers la sortie de la boutique mais une étrange impulsion s’était emparée de moi, qui m’avait poussé à la rejoindre.

- Attends. Désolée. C’est juste que… je sais pas trop quoi te dire, avais-je prononcé.

Les mots étaient restés suspendus dans les airs. Zénaïde devait ressentir la même gêne que moi. Mais pas pour des raisons similaires. Je n’avais pas finie de parler et elle attendait que je finisse.

- Tu veux… qu’on mange ensemble ? proposait timidement Zénaïde, l’expression assez incertaine.

J’avais instinctivement hoché la tête. Je n’avais aucune idée de ce qui allait suivre. Et j‘étais terrifiée.

- Euh.. d’accord. Si tu veux.

D’un coup, si Zénaïde avait eu l’air davantage détendue, mon angoisse, elle, n’a fait que s’accentuer.

Mais dans quel merdier je m’étais encore fourrée ? j’avais songé au fond de moi.

Ce que j’ignorais, c’est que le début de ma relation avec Zénaïde allait me faire entrer dans un labyrinthe de pensées et d’évènements dont j’avais toujours tout fait pour m’en éloigner, préférant rester dans le cocon chaud mais toxique de ma famille.

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