13. Bouteille à la mer

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Habillée le plus discrètement et sombre possible, je m’étais glissée dans la pénombre aveuglante du couloir de notre maison, prenant garde à ne pas faire le moindre bruit pour ne pas réveiller mes parents. Une fois avoir descendu les escaliers le plus silencieusement possible, j’avais rejoint la cuisine. La vitre était grande ouverte. J’avais poussé un long soupire avant de me défenestrer. La distance entre la fenêtre et le sol n’étant pas énorme, je parvenais à atterrir sur mes deux pieds, sans la moindre douleur. J’enfilais rapidement mes baskets. Méfiante, à l’afflux du moindre son suspect, j’avançais à pas de loup jusqu’à la plus proche bouche de métro, pour emprunter le RER. Lorsqu’il était arrivé, celui-i était presque vide. Tout le trajet s’était fait dans la peur, l’appréhension et surtout un immense sentiment de culpabilité. J’essayais de faire taire ce dernier semblant d’humanité qui me restait et me concentrer à ne pas croiser le regard des types arrachés jusqu’aux os, assis à l’autre bout du wagon à brailler et chanter, puant la boisson et autres substances d’ici.

C’était pour lui que je faisais tout ça… tout cela en valait la peine. Même si je devais y laisser ma peau. Ou pire.

Arrivée à bon port, le cœur battant si fort que j’avais cru le laisser sur mon siège, je quittais en courant presque la station pour rejoindre la rue. Celle-ci était aussi pleine que le train. C’est-à-dire pas du tout… il y avait quelques fêtards, un groupe d’amis inoffensifs comme des âmes errantes. Je ne m’attardais pas sur les passants, il me fallait mettre le champignon sous peine de sûrement me faire accoster par quelqu’un de suspect ou que la peur me fasse changer d’avis. Je me rendais au salon de coiffure où bosse Carole. J’avais étudié cet endroit attentivement cette dernière semaine. Je connaissais chaque issue et entrée et savais comment y entrer sans me faire prendre par l’alarme. L’adrénaline à son maximum avait complètement anesthésié mon esprit m’empêcher de remettre en question les faces de mon plan. J’avais pu me faufiler au bureau et éteindre toutes les caméras afin d’opérer tranquillement. Enfin arrivée au vestiaire du salon, j’allumais la lampe torche et recherche le nom de Carole sur les casiers. La main tremblante je sors de ma poche le papier où j’avais inscrit « N’as-tu pas honte d’avoir fait tout ça ? C’est vraiment ça la vie que tu voulais ? ». Un geste et il sera à toi pour toujours, Sofia. Plus de Carole sur ta route.

Je l’avais glissé sur la fente du cahier avant de m’en aller, triomphante. Je sentais encore ces cognements contre mes tempes. Mais tant pis. J’étais soulagée et libérée d’un poids. Je pars en laissant les caméras éteinte. Je n’avais aucun intérêt à les réactiver. Je prenais le risque de traîner davantage ici et puis, le lendemain, le surveillant n’aurait plus qu’à les allumer. Il s’étonnera simplement de les avoir fermées en partant.

J’avais eu du mal à me réveiller au petit matin. En rentrant suite à mon escapade nocturne, je m’étais à peine déshabillée pour vite rejoindre mes draps, frissonnante. J’étais dévorée par la culpabilité et la terreur. Mais je ne regrettais rien. Tout serait vite finie… je n’avais pas cessé de ressasser mon plan. Quelques temps après mes trouvailles avec Zénaïde, on s’était rendu chez Anaïs, un soir. Tao ainsi que Romain avaient pu se libérer pour se joindre à nous. Cette histoire tournait en boucle dans mon esprit alors j’avais finie par rassembler assez de courage afin de demander davantage de détaille à Romain. Brièvement, il m’avait expliqué qu’une des employés avait vendu la mèche sur la circulation de pognon sale et d'autres trucs macabres dans le salon : ce n’était autre que Carole, elle-même. D’après ses dire, celle-ci était désespérée et elle comptait sur lui pour rendre justice mais il n’avait rien pu faire quand ces trois types étaient venus l’acheter. Quand j’avais demandé à Romain pourquoi avoir laissé tomber un tel dossier quand il aurait pu lui apporter autant de gloire et surtout par devoir d'intégrité, il m’avait simplement répondu qu’un journaliste indépendant fait parfois des choses qu’il n’aurait pas forcément envie de faire pour vivre.

A partir de là, j’avais échafaudé le plan suivant : enfoncer Carole, visiblement au fond du gouffre et pleine de regret, en lui écrivant que je savais son rôle dans les magouilles de son père. Pour la suite, je préférais l’observer de mes propres yeux.

Le lendemain du plan, je devais aller en vacances avec ma mère, au bord de la mer, pour rendre visite à une parente, quelques jours. J’avais passé le trajet entier à comater, pour rattraper quelques petites minutes de sommeil. Une fois là-bas, elle était restée avec celle-ci tandis que j’étais sortie me promener sur la rive. En admirant le spectacle de l’eau qui s’échouait sur le sable, une grande mélancolie s’était installée au creux de mon âme. J’avais longuement prié pour qu’il n’arrive rien à Carole. Comment pouvais-je décider du destin d’une autre, par simple désir égoïste ? C’était moi seule qui méritait de mourir…

Mais une partie de moi que je n’avais pu refouler espérait qu’elle s’était déjà porté à elle-même le coup fatal.

J’avais sorti une bouteille d’eau de mon sac, pour la finir d’une traite.

Lorsque j’étais petite, à l’instar des autres enfants qui allaient se baigner et jour, quand nous venions ici, je préférais m’installer un peu plus loin du bord de l’eau pour dessiner. La nature qui nous entourait, l’écume de la mer, le monde profitant de leurs vacances. Encore là, je n’avais pas dérogé à la règle, emportant un calpin avec moi. Nous étions encore en plein printemps, le vent continuait de souffler fort, dans l’horizon vide. Mais cette fois-ci, je decidais d’écrire.

« Je suis sincèrement désolée. Je ne voulais pas le faire et j’espère que je n’aurai plus jamais à reproduire quelque chose de similaire. »

Cela n’effacerait rien à ce qu’il allait se suivre mais j’avais au moins l’impression d’être libéré d’une lourde charge. J’enroulais cette feuille pour la glisser dans la bouteille vide pour la lancer dans l’eau. Heureusement, elle était en verre.

J’ignorais où le courant et les vagues la porteraient mais je priais pour que mes repentirs soit entendus.

De retour à Paris, j’apprenais par Zénaïde que selon une source sûre de Romain, Carole s’était suicidée.

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