19. Portail

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- Je pars voir Zénaïde, déclarais-je en descendant l’escalier en bas desquelles ma mère passait.

- Quoi ? Et c’était prévu ?

- Non, on discutait là et voilà.

J’ignorais ce qui me trahissait mais elle ne me croyait pas. Son regard me détaillait de la tête au pied, l’air suspicieux.

- Ecoute Sofia, si tu as d’autres amis que Zénaïde dont tu ne veux pas me parler, tu peux me le dire.

- Et comment, tu sais bien que je ne vois personne d’autres.

Elle soupirait. Soit elle était à court d’argument, soit elle souhaitait me die quelque chose mais ne parvenait pas à y mettre des mots. Et je penchais pour cette seconde option. Elle soutenait mon regard, hésitante.

- J’y vais. A plus.

- Rentre avant vingt-deux heures. Ton père risque de rentrer à ces heures-ci. Et s’il voit que tu n’es pas à la maison…

- Oui, promis.

Lorsque j’avais refermé la porte de la maison derrière moi, j’avais osé une dernière œillade à ma mère pour la saluer à nouveau mais ses yeux ne reflétaient qu’une espèce de méfiance. Souvent, je culpabilisais vis-à-vis de ma mère. Je sentais à la manière qu’elle avait de me regarder quelques fois qu’elle regrettait amèrement le peu de contrôle sur sa responsabilité dans mon destin. Alors je m’appliquais à devenir une meilleure personne, pour elle. Mais malgré tout les efforts fournis, je n’y arrivais pas. Je ne trouvais aucune motivation à le faire. Pourquoi l’aurais-je fait ? Cela aurait-il changé quoi que ce soit à notre vie ?

Je n’en savais rien et m’interdisais régulièrement d’y penser. C’était plus simple de fuir. J’étais une pro dans ce domaine.

Sur le chemin, assise dans le RER vide, je regardais la nature défiler à travers la fenêtre. Le mois de mai s’installait tranquillement avec son temps agréable et doux. J’appréciais énormément ce début de printemps. Il sonnait comme un renouveau prometteur.

Si j’avais choisi ce moment précis pour aller le voir et lui faire ma déclaration c’était pour le retrouver devant chez lui, pile à l’heure où il rentrait chez lui, après son service. Depuis qu’il m’avait offert le cadeau pour mes 20 ans, je n’avais pas osé l’ouvrir. Alors j’avais pensé que cette fois serait une bonne occasion de le faire.

J’attendais patiemment, en tripotant nerveusement mes doigts autour de la boîte enroulée dans le papier. Mon cœur battait mille fois plus qu’il n’avait jamais battu. J’allais vraiment le faire. J’en doutais encore. Je me pinçais pour me réveiller de ce songe mais la douleur était bien présente et bien vive. Je ne rêvais pas alors… j’allais le faire.

Je poussais un long soupire. Des spasmes traversaient le long de mon corps. Mais au lieu de ressentir de désagréables douleurs abdominales, je ressentais une étrange excitation danser au creux de mon ventre. Penser à lui me procuraient ces frissons de désir. Peu importe sa réponse, j’allais goûter à sa présence délicieuse. Enfin…

Il devenait vital à ma vie. J’avais besoin de lui, chaque jour, à chaque heure. Chacune des secondes avec lui étaient un plaisir dont je me délectais.

Lorsque je l’apercevais enfin s’avancer lentement jusqu’à chez lui, je constatais à son regard qu’il était très surpris de me voir ici. Une fois passée, un petit sourire naissait sur ses lèvres alors qu’il arrivait enfin à ma hauteur.

- Tu m’avais pas dit que tu passerais ! Et si j’avais su que tu te souvenais encore d’où je vis te souviendrai d’où je vis, avait-il gloussé.

Si seulement il savait que je connaissais par cœur absolument chaque détail sur lui. J’avais passé tellement de temps à l’observer, à apprendre à savoir quel genre de personne il était. Ce qu’il aimait. Qui il aimait. Et à l’inverse, tout ce qui ne lui plaisait pas et quel genre de personne il évitait. Je l’avais placé au-dessus de tout afin de devenir la femme idéale pour lui. Et j’y étais presque.

- Bah, en fait, je voulais qu’on ouvre mon cadeau ensemble. Ça… ça te gêne pas ?

- Quoi ? Mais non, ça me fait plaisir. Aller viens.

Il avait entré le code du portail et m’avait invité à monter chez lui.

- Tu sais, ça tombe bien, je voulais te parler de quelque chose, déclarait-il, en fouillant sa poche, à la recherche des clés.

Quoi ? Pardon ? Et de quoi exactement ? Une vague de panique me picorait la poitrine.

- C’est quoi ?

Il ouvrait la porte de son appartement et m’invitait à entrer. J’arrivais à mettre de l’impulsion sur mes jambes afin de me pousser vers l’intérieur.

L’appartement était si minuscule que j’arrivais à le balayer en entier d’un regard.

La porte d’entrée donnait directement sur une petit pièce cosy composée d’un canapé dépliable je supposais, contenant en bras des tiroirs et un bureau, à l’opposé. Mais le tout était dominée par une immense bibliothèque formant l’intégralité d’un des mur, celui du lit et de la table de travail. A côté du lit, un long rideau se dressait, donnant sûrement sur la cuisine. Et juste à côté, une porte probablement pour la salle d’eau.

Il avait décoré l’ensemble de sa petit chambre d’une façon plutôt adorable en accrochant ça et là des plantes murales, une horloge et je vis des boules accrochés à un fil collé au plafond peignés avec la couleur des planètes du système solaire. Mais ce qu’on remarquait surtout était ces mille et une fiches de révisions placardées, partout.

- Elle est mignonne, ta maison, avais-je commenté.

Entrer ainsi dans son intimité me rendait presque fébrile. Comme si nous étions déjà plus proche qu’on ne l’avait prévu.

- Merci, riait-il. Enfin, c’est une chambre pour étudiant quoi.

Je lui lançais un sourire un peu ému.

- Quand tu devras partir, ça te fera quelque chose ?

- Un peu. Au début, je haïssais cet endroit. Mais j’ai finie par m’y attacher. Ce sont ces murs qui m’ont vu réviser des nuits…

- T’aime bien l’espace ?

- Alors ça ! Attends !

Il s’approchait de son bureau, tout joyeux et m’intimait d’éteindre la lumière, à l’entrée. Je m’exécutais et au même moment, il activa un planétarium se trouvant sur sa table et nous nous téléportions au même moment dans une pièce remplie de partout de pleins d’étoiles, de constellations et de brume spatial. C’était un moment presque magique. Et son visage coloré du bleue nuit de de la galaxie le rendait encore plus magnifique et rendait son regard si mystérieux et attrayant.

- C’est vraiment magnifique.

- T’as vu. Bon, aller, on va ouvrir ton cadeau. En plus, c’est un peu en rapport avec ça.

On rallumait tout et nous nous installions confortablement sur son canapé. Je ne tardais pas à ouvrir le paquet puis retirais le couvercle du boîtier dans lequel il avait mis le présent. J’osais un dernier regard vers lui et il m’envoyait un immense sourire joueur.

A l’intérieur, je trouvais un espèce de télescope orné de décoration de toutes les couleurs, chaudes pour la plupart, avec une pointe de style orientale. Sur le mélimélo de formes et de figure, je distinguais un dragon dessiné. Un majestueux et beau dragon rouge.

- Tu veux qu’on aille observer les étoiles ? rigolais-je.

- Regarde à l’intérieur.

Je m’exécutais et constatais en fait qu’il s’agissait d’un kaléidoscope.

- C’est trop beau ! m’écriais-je, en faisant tourner l’appareil.

- N’est-ce pas ?

A l’instar de l’extérieur très riche en couleur, j’observais ici des étoiles froides se ressemblant.

- J’adore. C’est un très beau cadeau, merci.

Je m’approchais de lui et lui collais un timide bisou sur la joue. J’avais visiblement viré au pivoine puisqu’il me couvait d’un œil amusé.

- Bah, tire pas cette tête, tu vas exploser, on dirait.

Nerveusement, j’abattais une mèche derrière mon oreille. Dis-lui, maintenant. Dis-lui. Il est plus temps que jamais. Il n’y aurait pas d’autres occasions.

- Faut que je te dise quelque chose.

Nous avions tout les deux prononcé cette phrase en cœur.

Merde… oui, il devait me parler.

- Je t’écoute, articulais-je.

J’étais tellement sur le cul que ma gorge avait complétement séché, en une seconde.

- C’est par rapport à la dernière fois. Au carnaval. Enfin, il a été annulé. Mais, le carnaval quand même.

- Ça s’était bien passé, n’est-ce pas ?

- Oui, très bien, même. J’ai vraiment passé un bon moment. D’ailleurs… à propos de ça.

Il plantait son regard dans le mien et rapprochait son visage du mien. A nouveau, les papillons dans mon ventre valsait san ménagement en moi.

- Ça te dirait qu’on retourne l’année prochaine ? Et les années qui suivront ?

Je manquais de m’évanouir. Je ne parvenais pas à remuer ne serait-ce le petit doigt. Avais-je bien entendu ce qu’il avait dit ? Et si c’était le cas, il sous-entendait bien que…

- Ce que je veux dire c’est que, tu…

Il avait été coupée par ma sonnerie de téléphone. Purée, mais qui osait me téléphoner à cet instant ?

- Réponds, vas-y, c’est peut-être important, me disait-il.

- Je suis désolée…

Zénaïde. Mais pourquoi me téléphonait-elle ? Et surtout sans m’envoyer un texto en amont ? C’était ce qu’on faisait d’habitude.

Je poussais un soupir et en relevant les yeux, je constatais sur l’horloge qu’il était bientôt quatorze heures… d’un coup, j’avais eu un éclair. Mais c’est vrai ! Je n’avais pas totalement menti à ma mère. Je devais vraiment retrouver Zéni. Mais un peu plus tard, dans un parc où nous avions convenu de nous y retrouver afin de réviser notre dernier examen avant l’été.

Bordel… je n’avais pas vu le temps passer. Je devrais normalement y être dans une vingtaine de minutes.

- Je… je vais bientôt devoir y aller, en fait. Une amie a besoin de moi. Ou je peux annuler !

- Non, non, si ta copine a besoin d’aide, vas-y, Sofia. Je ne vais pas te retenir.

Je sondais son regard, pour essayer de deviner à quoi il pensait. Il ne démontrait aucune déception particulière mais n’avait l’air très enchanté non plus. Bordel, mais pourquoi je ne réfléchissais jamais… qu’allait-il penser de moi ? Que je ne tenais pas mes engagements et que je n’étais pas digne de lui et de sa confiance. J’aurais voulu qu’il me rassure.

- Mais tu disais quoi ?

Un son de notification se fit entendre. Encore une fois, c’était Zénaïde.

« J’ai eu une empêchement de dernière minute, je suis désolée je pourrais pas venir. Mais on remet ça à demain. »

Malgré moi, un gigantesque sourire s’était crée sur mon visage. Je peinais à croire ce que je lisais. C’était comme si les étoiles s’étaient alignés. J’écrivais très rapidement « pas de soucis, rien de grave j’espère ». Je savais qu’elle ne me répondrait pas tout de suite, à son ton évasif, elle devit être occupée et assez irritée. J’ignorais ce qui se produisait mais je souhaitais réellement que tout cela se règle. J’aimais sincèrement Zénaïde. Je m’empressais donc d’éteindre mon appareil pour le jeter dans mon sac.

- Désolée. C’est réglé et je peux rester.

- D’accord. Alors écoute… je crois que… je te plais.

J’avais vite détourné le regard, franchement mal à l’aise qu’il m’avait percé ainsi à jour. Non… ce n’était pas prévu. Pas comme ça…

- Ne sois pas gênée. C’est pas un reproche. Mais ça fait des années qu’on se connaît.

Oui, trois ans. Trois ans que je me noyais dans les eaux sombres de mon addiction à lui.

- Et puis, ça nous engagerait à rien, n’est-ce pas ?

- Non, non…enfin, non.

Maintenant que cette perche m’était tendue j’allais la saisir et la mettre de mon côté. Plus jamais il ne se séparera de moi. Je ferais tout pour que tu ne manques de rien et que tu n’ailles jamais chercher ailleurs.

- Alors, Sofia, tu voudrais qu’on sorte ensemble ? il finissait par demander.

Ce n’est que lorsque vingt heure a sonné que j’avais décidé de m’en aller. Après avoir passé une de mes plus belles après-midi chez lui, il avait fallu que je décampe.

Il m’avait proposé de m’accompagner jusqu’à la gare ou chez moi mais nous nous sommes séparés devant le portail de son immeuble. Il m’avait pris dans ses bras avant que je m’en aille et alors que je trottinais devant la gare, je pleurais de joie.

J’avais réussi. J’étais enfin avec lui. Et c’était lui qui me l’avait proposé. Et bientôt, il me vouerait un amour fidèle et sans limite. Bientôt…

A partir de maintenant, je ferai tout pour être parfaite à ses yeux. L’idée de me quitter ne le traverserai jamais. Nous nous dévouerons l’un à l’autre corps et âme. Nous formerons un tout insécable et complémentaire.

Et si les choses venaient à mal tourner un jour, jamais je n’hésiterais à employer les grands moyens pour me débarrasser de ceux qui se dresseront contre nous.

J’irai jusqu’à le tuer puis retourner le geste contre moi afin que nous soyons ensemble pour toujours et à jamais.

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