Joyeux anniversaire!

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La princesse Ida et le Royaume des fleurs

Inspiré du conte « Les fleurs de la petite Ida », d’Hans Christian Andersen

 Il y a fort longtemps, en Safranie, vivait un puissant seigneur qui régnait d’une main de fer sur la ville d’Autric et ses alentours. S’il y avait déjà bien un Empereur à l’époque, le Seigneur d’Autric lui avait juré fidélité, lui assurant une certaine tranquillité sur son territoire.

 Le noble seigneur n’était pas du genre à poser de problème. S’il se montrait parfois dur avec sa population, il rendait aussi la justice et ne leur en exigeait pas plus que ce qu’ils pouvaient produire. Il était sévère, mais juste, et sa gestion de son territoire était même admirée de ses voisins qui, parfois, devaient réprimer des colères de paysans exploités, ce qui ne semblait pas exister près d’Autric.

 Cependant, tout homme a une faiblesse, et celle du Seigneur d’Autric était bien connue de tous. Il s’agissait de sa fille, la Princesse Ida. Elle était son unique enfant, et sa mère était morte en lui donnant la vie. Rongé par le chagrin, le Seigneur d’Autric s’était juré de ne jamais se remarier et avait offert à sa progéniture toute l’attention possible et imaginable. Il répondait à la moindre de ses exigences, et chacun savait qu’il devait se plier aux volontés de l’enfant s’il ne voulait pas qu’elle fasse une crise de colère difficilement imaginable.

 Ainsi, lors des dix premières années de sa vie, la Princesse Ida avait eu une vie sans jamais connaitre la moindre frustration. Si elle voulait quelque chose, elle n’avait qu’à l’exprimer, et on se pressait autour d’elle pour lui procurer l’objet de ses désirs. Sa chambre était la plus grande pièce de tout le palais d’Autric, et certainement la plus grande de tout l’Empire. Elle était remplie de jouets de toutes les couleurs, de tableaux magnifiques qu’elle regardait à peine, mais aussi de quelques esclaves de jeune âge qu’elle avait exigés et qui, au moindre travers, risquaient rien de moins que la décapitation. Elle avait aussi une écurie remplie de chevaux qu’elle n’avait jamais montés, ou d’animaux de toutes sortes, qu’elle se plaisait plus à embêter qu’à cajoler. Pas moins de dix armoires étaient nécessaires pour ranger tous les bijoux qu’elle possédait, et on avait dû fermer l’accès à tout un couloir du palais pour pouvoir y ranger ses innombrables robes aux couleurs chatoyantes.

 Où qu’elle aille, la Princesse Ida était suivie de quelques serviteurs et gardes qui veillaient sur elle et devaient se plier à ses ordres, même les plus humiliants. Elle n’avait jamais ressenti le besoin d’être seule car, quand elle ne voulait pas qu’on sache ce qu’elle faisait, elle n’avait qu’à ordonner qu’on arrache les langues des personnes qui l’accompagnaient alors. Heureusement, comme elle n’avait jamais été punie pour la moindre faute, ni même réprimandée pour quoique ce soit, ce dernier ordre n’avait été que rarement prononcé.

 La Princesse Ida vivait ainsi une vie heureuse dans le Palais d’Autric, en compagnie de son père qui l’adulait tant. Ce dernier fermait les yeux sur le comportement parfois immoral de sa fille et partageait partout sa joie et sa fierté en l’évoquant. Ainsi, à part pour les employés et habitués du château, la petite princesse avait une réputation merveilleuse au travers du territoire de son père et même au-delà.

 Vint alors le jour du dixième anniversaire de la petite princesse. Celle-ci exigea la plus belle cérémonie en son honneur, afin de rivaliser avec la fête déjà somptueuse qui avait été donnée pour son anniversaire précédant. Le palais travailla des semaines durant pour préparer une célébration à la hauteur des désirs de l’enfant, n’hésitant pas à abuser du faste et du luxe.

 Cette année, la Princesse Ida avait appris que, rien que dans la ville d’Autric, on trouvait plus de trois-mille personnes. Elle exigea donc de recevoir un cadeau de la part de chacun des citoyens de la ville, et de tous les visiteurs. Son père prévint ainsi son peuple quelques jours à l’avance seulement et, pour s’assurer que tout le monde vienne lui apporter un présent, envoya sa garde personnelle ratisser la ville pour les obliger à se rendre au palais.

 La matinée de son anniversaire, la Princesse Ida resta assise sur un haut trône serti d’or et de joyaux, au coussin de velours rouge, habillée d’une de ses nombreuses et somptueuses robes. Devant elle, les habitants d’Autric défilaient et lui offraient des cadeaux pour lesquels ils avaient longuement travaillé. Il pouvait s’agir de nouveaux vêtements, de poteries décorées, de poupées ou de jouets hautement travaillés. Mais il survint rapidement qu’aucun de ces présents ne semblait réjouir la jeune fille. Pire, elle semblait parfois dégoutée, dévisageant ce que ces paysans osaient appeler des « cadeaux ». Pas une fois elle ne remercia quelqu’un. D’ailleurs, ce n’était encore jamais arrivé de mémoire d’homme.

 La jeune fille commençait à regretter son choix et envisageait sérieusement d’emprisonner ces hommes et ces femmes qui, lui semblait-il, se moquaient d’elle, quand ce fut le tour d’un homme qui l’intrigua plus que les autres.

 Il était grand et portait une tunique trouée de partout, lui donnant un aspect négligé de vagabond. Pourtant, il portait aussi un chapeau, trop grand pour sa tête, si bien qu’il cachait ses yeux. C’était d’ailleurs ce qui fit sourire l’enfant, qui trouvait cela parfaitement ridicule. L’homme avait aussi de longs cheveux blancs qui dépassaient de son drôle de couvre-chef, et, malgré son apparence pitoyable, il souriait exagérément, exposant des dents étonnamment blanches. Enfin, il portait au dos un grand sac manifestement bien rempli.

 — Votre excellence, lança-t-il sans la moindre gêne à la Princesse Ida tout en s’inclinant légèrement. Vous me semblez bien impatiente de savoir quel cadeau j’ai pour vous, je me trompe ?

 — Donnez-moi mon cadeau, ordonna sèchement l’enfant en relevant un sourcil, fâchée d’un tel manque de respect de cet inconnu.

 — Tout de suite ! répondit l’homme en glissant sa main dans son sac au dos pour en retirer un simple pot rempli de terre et dont dépassait une unique et frêle fleur aux pétales d’un blanc immaculé.

 — Qu’est-ce que c’est que ça ?! s’écria la princesse en se levant soudain de son trône, les poings serrés sous la colère. J’ai demandé un cadeau et vous m’apportez une bête plante inutile ?

 — Mais chère princesse, cette fleur est très particulière…, commença l’homme en ricanant.

 — Saisissez-vous de ce criminel ! s’écria l’enfant en le pointant du doigt. Qu’on le jette en prison et qu’on le pende au petit matin !

 Aussitôt, des gardes armés se précipitèrent vers l’homme au chapeau trop grand. Ce dernier ne sembla pas s’en inquiéter et déposa simplement son présent à ses pieds avant de se faire attraper et relever par les soldats. Il ne manifesta pas la moindre résistance quand on l’entraina pour le jeter dans les geôles du Palais, et continua de sourire excessivement. Cet homme était fou, pensèrent les témoins.

 Mais son intervention avait au moins eu le bénéfice de faire intervenir le père de la Princesse Ida. Comprenant qu’il devait à tout prix détourner l’attention de sa fille des cadeaux si peu somptueux qu’elle avait pourtant elle-même réclamés, il lui proposa de le suivre pour débuter la cérémonie. Les habitants n’auraient qu’à déposer leurs cadeaux avec les autres, et elle pourrait ensuite faire le tri le lendemain. Excédée, la Princesse Ida accepta rapidement et abandonna le peuple venu la célébrer, évitant ainsi un bain de sang inutile.

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