Étonnement, personne n’est blessé, pas physiquement en tout cas. Difficile d’en dire de même de la santé mentale d’Harry Potter. Celui-ci s’élance vers la Forêt Interdite, talonné par Gorgory, l’épée tirée.

- Reviens ici, sombre gueux ! J’ai besoin de ta magie pour tuer Jeneid !

- J’ai pas le temps ! Cassez-vous, espèce de malade !

- Hors de question, je me suis pas brisé les noix durant une dizaine de minutes pour des cacahuètes. Donc tu viens avec moi, sale vermine !

Harry pousse un cri et accélère. Sa frêle constitution lui permet, dans un premier temps, de rapidement distancer Gorgory pataugeant dans sa lourde armure. Mais c’est également son endurance d’asthmatique qui cause sa chute, littéralement.

Sa robe cossue se prend dans un nid de ronces et le sorcier s’écrase tête la première dans une nappe de boue fécale. Empêtré dans la glaise, il esquisse un mouvement de fuite, seulement pour sentir le pied cuirassé de Gorgory, lui compresser le dos.

- S-Stop ! Stop ! Vous avez gagné, je viens ! Laissez moi me relever !

- Silence avorton ! Écoute !

Silence. Un court instant cependant, car tendant l’oreille, Gorgory perçoit les grondements d’une créature dans les profondeurs de la Forêt. Tout un coup, un terrible rugissement déchire le calme apparent. Une masse rougeoyante fore la terre, embrase les troncs noueux et dévore la noirceur de la nuit.

Gorgory n’en croit pas ses yeux. En dépit de tout bon sens, Jeneid est là, à tout au plus une demi-mile de lui. Se pourrait-il que ce lépreux rencontré dans la Forêt de l’Oubli ait tout planifié ?

Meh. Le chevalier hausse les épaules, faisant grincer la rouille de son armure et relève Harry. Tant que le dragon est là, il ne va pas se creuser les méninges plus que de raison. L’heure de l’affrontement à sonner, c’est tout ce qui compte.

- Très bien, nabot ! Le dragon est juste devant. Prends ta baguette. A nous deux, nous allons mettre un terme au règne de terreur de Jeneid, l’immonde pourriture d…

- C’est un Hongrois à pointes, ça, non ?

- Quoi ?

- Le dragon là-bas, c’est un Hongrois à pointes ? Pourquoi il y en aurait un dans la Forêt Interdite ? Hagrid est vraiment aller trop loin cette fois.

- Silence, merdeux ! Hongrois ou Brouzouc, n’importe ! Tant que ce dragon vivra, le monde ne connaîtra aucun repos.

- Vous exagérez, un peu. En plus c’est une espèce en voie de disparition, il serait malvenu de l…

- Silence ! A la charge ! s’écrie Gorgory, en s’élançant droit sur le dragon. Balance des sorts, le gueux !

L’écume aux lèvres, épée en l’air, le chevalier pousse un cri guttural. Pas de quartier pour les écailles ! Jeneid l’Hongrois, va payer pour le massacre de son clan. Harry le gueux sur ses talons, Gorgory éructe un nouveau cri de guerre avant de s’immobiliser brusquement. Devant eux, il n’y avait pas un dragon, mais deux. Jarnibleu ! Qu’est ce que c’est ce foutoir ?!

Le plus grand, tourne son immense tête squameuse vers lui. Son corps massif est noir comme les Abîmes d’Ervagr. Ses yeux rubis brillent dans l’obscurité et sur son front luit un diamant bleu. La créature ouvre une gueule garni de crocs acérés et laisse échapper un long hurlement assourdissant.

L’autre dragon, plus gracile voire élancé, découvre à son tour une rangée de dents parfaitement rangées et étonnement humaines. Loin d’hurler à la lune, il commence à parler d’une voix claire, presque chantante.

- Des humains… Je savais que ce jour arriverais. Fuyez-donc ou nous vous dévorerons. Du moins mon infortuné compatriote. La chaire humaine m’indispose depuis quelques siècles.

- Es-tu Jeneid, gros lézard ?! s’écrie Gorgory.

- Jeneid… Voilà longtemps que je n’ai plus entendu un tel nom… Oui, on m’appelait ainsi autrefois. J’étais un Dieu pour vous jadis...

- Fort bien, raclure ! Tu vas payer pour la mort de ma famille et de la petite Lily !

- Je ne pense pas, jeune paysan.

- Ah ! De quoi tu me traites, espèce de sale iguane volante ?!

- Tss… futile. Je crois qu’il ne nous reste plus qu’à vous dévorer.

- Essayez donc saloperies ! Allez le gueux, à l’attaque !

- S-Stupefix !

Un éclair rouge vient frapper la tête de Jeneid qui s’ébroue en grognant. L’autre dragon s’avance en déversant une rasade de flamme sur l’humus, qui s’embrase aussi sec. L’affrontement est chaotique. Gorgory n’a pas prévu de combattre deux monstres de cette ampleur en même temps. Les sorts ricochent sur les écailles, explosent sur le sol. La lame d’Arcane pare, contre-attaque, égratigne Jeneid, tranche l’épaisse carapace du Hongrois, avant de pourfendre une de ses pattes.

Nouveau jet de flamme, cette fois-ci contré par une puissante barrière protectrice. Finalement Harry Potter n’est pas qu’un va-nu-pieds, au cul bordé de nouilles. Un nouveau sortilège vient ricocher sur la mâchoire du Hongrois et frapper le flanc de Jeneid, encore secoué. L’opportunité est trop belle. Laissant Harry repousser les ardeurs du dragon noir, Gorgory s’élance vers Jeneid, esquive un coup de patte, entaille celle-ci et grimpe sur son dos. D’un mouvement lest, il sectionne une aile membraneuse.

Le dragon hurle de douleur et de colère mêlées, avant de se manger un nouveau stupefix entre les deux yeux. Et dire qu’il n’y a même pas cinq minutes, le sorcier trempait la ses guenilles dans la boue et le crottin de centaure, le voilà à présent qui fait pratiquement jeu égal avec deux dragons simultanés. Même Gorgory laisse échapper un sifflement d’admiration, avant de se reprendre.

Un gueux est un gueux ! Pas question de revaloriser cette alliance ridicule !

Sous ses pieds, Jeneid vacille. Un nouveau coup d’épée en travers de la colonne, le met à terre. La seconde suivante, Arcane creuse sa chair et pourfend le coeur palpitant du dragon obscur.

Triomphant, Gorgory brandit le coeur empalé sur son épée vers les cieux. Il a gagné et sans trop de difficultés. L’Hiver Eternel est levé, les Terres Désolées, libérées et le Royaume de Larion, délivré. Il réprime une soudaine envie de chanter, pour l’efficacité d’un long cri victorieux. Ca c’est de la virilité, prends en de la graine, le gueux, pense-t-il à voix haute, en se tournant vers Harry.

Celui-ci ne lui prête plus aucune attention. Le visage balafré, fendu d’un sourire psychotique, l’ex-élu, continue d’envoyer sortilège sur sortilège sur l’infortuné Hongrois à pointes, qui a eu la malchance de croiser sa route. Sur le moment, Gorgory est bien tenté d’aller l’aider, d’ailleurs, il amorce déjà un premier pas en direction du carnage, quand une voix haut-perchée l’interpelle.

Le chevalier se retourne, pour se retrouver nez à pied face à une jeune demoiselle de son âge, perchée sur la carcasse de Jeneid. Grande, le visage en diamant, les cheveux auburn cascadant sur ses épaules, la jeune fille sourit.

- Bravo pour ce combat, chevalier, déclare-t-elle en applaudissant. Je vous observais tout les deux, depuis le haut de la colline là-bas. Tu étais si cool.

- Merci crasseuse, mais qui es-tu pour oser t’adresser ainsi au héros de Larion ?

- Oh, toutes mes excuses. Je m’appelle Summer.

Elle saute au bas du cadavre et s’avance vers Gorgory. Celui-ci est mal à l’aise. Il n’a jamais vu une gamine ni faire preuve d’autant d’audace, ni vêtue comme un homme. Sa démarche est souple, son corps leste, protégé par une armure de cuir ébène, fait son petit effet dans l’entre-jambe du chevalier, qui ne peut s’empêcher de songer à Lily, sa Lily. Morte et carbonisée à présent, il peut bien prendre quelque liberté avec son deu…

Un éclair jaunâtre vient exploser contre le tronc d’un pin voisin. Harry affronte toujours le dragon, avec des attaques de plus en plus destructrices. A ce rythme, la forêt entière va finir aplatie par la frénésie démoniaque du sorcier!

Summer lève les yeux au ciel.

- Allons plus loin chevalier. Ton collègue peut très bien se débrouiller tout seul.

- Ce n’est pas mon collègue, mais un pouilleux trouvé dans un château.

- Quel château ?

- Un gros, là-bas, rempli de fous et de tableaux qui parlent.

- Hogwarts ?

- Voilà.

Summer hoche la tête et chemine avec Gorgory l’esprit ailleurs. Au bout d’un long silence, elle reprend finalement la parole.

- Chevalier, quel est ton nom ?

- Je suis Gorgory l'Étrangleur, héros de Larion et pourfendeur de dragon.

- Rien que ça ? Tant mieux, j’ai besoin de votre aide.

- Quelle aide ? Parle, souillon !

- Inutile d’être si vulgaire.

La main de Gorgory décolle pour foncer vers la joue de Summer. Surprise, la jeune fille bloque le bras du chevalier et, sans effort, le repousse en arrière, où il s'effondre le derrière dans les cendres. Gorgory n’en croit pas ses yeux. Cette fille vient de bloquer son coup. Ce n’était jamais arrivé jusqu’à présent.

Humpf… peut-être que cette gueuse dissimule la splendeur d’un chevalier de sa tempe, ce qui, au regard de ses faits d’armes et surtout de son “altruisme” n’est guère un compliment. Toujours est-il que Gorgory a les fesses dans les braises, tandis que Summer l’observe avec curiosité.

- Pas besoin d’en venir aux mains, je suis naturellement très forte, enchaine-t-elle. J’ai besoin de votre aide pour vous débarasser du Seigneur des Vampires, non loin d’ici.

- Le Seigneur des Vampires ? Voilà un adversaire à me mesure. Où se trouve-t-il ?

- Dans un donjon, derrière la colline, au milieu des Bois de Jévecine.

- Fort bien, allons-y !