La terre
Bonjour, je suis la terre, et si je tourbillonne
Sous des voiles légers à la jeune saison,
Je mets ma robe rouille aux frimas de l'automne,
Cheveux pâles d'argent ou blés à l'horizon.
J'ai l'ingrate senteur du fumier qu'on déverse,
La délicate odeur de l'herbe coupée ras,
De la rosée qui perle au sortir de l'averse,
Baie, ambroisie, miel, blanche fleur de lilas.
Et si vous me croquez, sous votre dent je crisse ;
Quand on me foule aux pieds, j'ai l'accent du terroir.
Une saveur mouillée sur la langue se glisse,
Un goût fade et fangeux, métallique ou vasard.
Quand la pluie a creusé ses profondes ornières,
On m'entend craqueler au soleil qui renaît,
Des gouttes irisées nées de larmes amères,
Tant de perles dorées que la brise défait.
Accomplissant sans fin sa tâche routinière,
Semant le grain au vent, voici le laboureur !
Seule la mère sait ce que ressent la terre
Quand grandit en son sein la semence labeur.

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