Chapitre 10: La faim

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La faim. Voilà ce qui consumait désormais chaque fibre de son être, chaque battement d’aile, chaque soupir de vie qui s’échappait de ses minuscules poumons.
Ce n’était plus une faim ordinaire, celle qui pousse à chercher un repas. Non, c’était une faim insatiable, une faim qui rongeait l’âme, qui dévorait l’essence même de sa raison d’être.
Le ciel était gris, lourd, chargé de nuages épais, comme le poids de son désespoir qui alourdissait son vol. Les vents qui jadis le portaient avec légèreté semblaient désormais vouloir le repousser, le rejeter, le punir pour son arrogance passée.
Il voletait entre les herbes folles, les fleurs fanées et les branches dénudées, chaque endroit lui rappelant son échec cuisant.
L’anophèle se souvenait du goût du sang des dignitaires, ce nectar chaud et puissant, qui le remplissait d’une force presque divine. Mais ce temps-là était révolu. Les corps forts avaient disparu, emportés par la maladie et le mal sournois qu’il avait lui-même propagé.
Désormais, il ne restait que le sang faible, celui des paysans, des enfants chétifs, des vieillards épuisés.
Il voulait ce sang, pourtant. Son corps en avait besoin, mais son orgueil refusait.
Il était devenu prisonnier de sa propre fierté, comme une fleur qui se fane faute d’eau, incapable de s’abreuver à la source même qui la maintient en vie.
Le vent se leva soudain, faisant bruisser les feuilles mortes et soulevant un nuage de poussière dorée. L’anophèle se laissa emporter, tourbillonnant dans un dernier élan de désespoir.

Il atterrit sur un brin d’herbe, si fragile qu’il plia sous son poids.
Ses antennes palpèrent l’air, cherchant une trace, un indice, un souffle de vie qui pourrait calmer cette faim dévorante.
Mais il n’y avait rien. Rien que le silence pesant de la contrée désertée, rien que le souffle rauque du vent dans les branches cassées.
Il tenta encore, frêle et hésitant, de puiser un peu de cette énergie qui le maintiendrait debout, mais son corps le trahit. Ses pattes fléchirent, ses ailes frémirent puis s’immobilisèrent.
Il se sentait fondre, se dissoudre dans le néant.
Chaque goutte de vie semblait s’évaporer, emportée par le vent glacial qui lui mordait les ailes.
Il se coucha alors sur une feuille morte, son dernier refuge, et ferma ses yeux fatigués.
Son esprit dériva vers des souvenirs lointains, ceux d’un temps où il était puissant, invincible, maître du festin des puissants.
Mais ces images s’estompaient, comme un rêve effacé au réveil.
Il n’était plus qu’un insecte perdu, naufragé d’un monde cruel, victime de sa propre arrogance.
Et dans ce silence lourd, il comprit que sa faim ne serait jamais apaisée.

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