Chapitre 11: Le dernier vol
Le ciel était chargé, lourd, comme un voile épais posé sur la contrée. Le soleil, voilé par un manteau de nuages sombres, peinait à percer l’horizon. Une atmosphère de fin du monde planait sur les terres désertées, un pressentiment funeste dans l’air chargé de silence.
L’anophèle, ce petit prédateur autrefois audacieux, se préparait à son ultime envol. Il savait que ce serait son dernier ballet, sa dernière danse dans l’immense théâtre de la vie.
Ses ailes, fragiles et effilochées, frémissaient avec difficulté sous le souffle d’un vent froid. Chaque battement était un effort titanesque, une lutte contre la gravité et contre le temps lui-même.
Il s’éleva lentement, presque cérémonialement, quittant la feuille morte qui avait été son refuge. Le monde autour de lui s’effaçait, devenant un tableau flou de verts fanés et de bruns ternes.
Le vent caressait ses ailes usées, lui murmurant des secrets oubliés, des chants d’ancêtres insectes qui avaient volé bien avant lui.
Il survola les ruines du village, ces maisons en terre craquelée, ces sentiers déserts bordés de pierres oubliées, comme autant de témoins muets de son règne passé.
Chaque battement d’aile le rapprochait de la fin, de ce point invisible où la vie se retire, où le souffle s’éteint.
Son regard perçant chercha un dernier hôte, un dernier cadeau, un dernier instant de vie à s’approprier.
Il aperçut, dans la pénombre naissante, une silhouette frêle, un enfant dormant sous un abri de branchages.
L’espoir brûla une dernière fois en lui.
Il fondit, avec toute la lenteur d’un dernier adieu, vers cette source de sang tiède et vivant.
Il posa sa trompe avec une délicatesse infinie sur la peau douce de l’enfant.
Mais la vie s’était retirée de lui.
Son corps s’immobilisa, figé dans un dernier effort.
Une faiblesse terrible l’envahit, paralysant ses ailes, alourdissant ses membres.
Il tenta encore, dans un souffle, de prendre ce dernier nectar.
Mais la nature fut impitoyable.
L’anophèle s’écrasa dans l’herbe, ses ailes rabattues comme des feuilles mortes.
Son corps, vidé, desséché, ne portait plus aucune trace de ce festin jadis glorieux.
Sous ce ciel lourd et silencieux, dans l’herbe haute qui frémissait doucement, il expira son dernier souffle.
L’anophèle mourut.
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