Chapitre 5 : Tec - Partie 3

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— Tu es mariée ? demanda Enès.

Theia lâcha un léger rire autant amusé que gêné, une mine qui cachait tant de souffrance dans son passé. Cela se voyait sur son visage, à sa réaction, elle était mal à l’aise, le regard fuyant, un raclement de gorge. Oui, elle avait l’air d’avoir subi une mauvaise expérience avec son ou sa conjoint.e.

— Non, sourit-elle maladroitement. Je suis séparée.

Séparée, hein ? De qui ? D’Anaïs ? Peut-être qu’Anaïs l’avait quittée pour se concentrer sur George, Theia n’a pas supporté et à tuer les Abernathy. C’était une possibilité à ne pas évincer tant cette histoire était, de toute manière, surréaliste. Nous étions persuadés, avec mon client, qu’elle restait avec lui pour son argent. Anaïs ne travaillait pas, elle était pauvre et vivait des aides françaises style RSA. Mais Alexandre lui offrait tout ce qu’elle voulait par amour. Enfin, jusqu’à ce qu’il découvre qu’elle le trompait. Mais elle ne l’aimait plus depuis bien longtemps, celui qu’elle aimait, c’était George.

D’ailleurs, je ne comprenais pas comment on pouvait aimer un type violent. Et je ne parle pas d’emprise psychologique, mais du vrai amour qu’on ressentait pour autrui, avec des papillons dans le ventre quand nous le croisions, l’envie de chialer comme une fillette dès qu’on se séparait de la personne pour un court moment, genre quand il partait en voyage pendant un mois avec sa femme et sa fille. Bref, qu’est-ce qu’Anaïs pouvait bien lui trouver ?

Quoi que… C’était bien cela le pouvoir des pervers narcissique, si on pouvait l’appeler comme cela. Il paraissait parfait sous tout rapport, séduisant, amusant, accueillant et ouvert d’esprit, mais dès qu’il était en privé avec sa femme, il devenait violent, odieux, grossier. Anaïs était tombée sur son bon côté, pour le moment. Je pariais qu’il aurait fini par la tabasser comme il le faisait avec Juliette. Une fois qu’il se serait lassé de l’amour nouveau, que ses papillons dans le ventre auraient disparu et qu’il serait à cran à cause de Juliette.

— Oh, désolé, s’excusa Enès. Ça fait longtemps ?

— Pourquoi toutes ces questions ? Si vous avez quelque chose à dire, dites-le.

Merde. Cramés. Il n’y avait, de toute façon, aucune façon de savoir si l’un d’eux avait une relation intime avec Anaïs sans que nous soyons démasqués. C’était bien trop précis et indiscret pour cela. Enès me fixa avec des yeux de merlans frits, comme s’il s’excusait à travers son regard. Je haussai les épaules, l’air de dire « Ça ne fait rien. ». Nous nous lorgnions sans réellement savoir quoi répondre. Y avait-il une bonne réponse dans ce moment précis ? J’en doutais. Je croyais que peu importait notre réponse, nous serions foutus.

Puis merde à la fin. Je n’avais plus rien à perdre. Ma vie était misérable, sans partenaire, sans famille, sans rien d’autre qu’Enès. Je n’étais pas en froid avec mes parents, contrairement à lui, mais je n’étais pas proche d’eux non plus. Nous nous appelions de temps en temps, mais nous pouvions ne pas nous voir pendant six mois sans problème.

Je détournai le regard vers Theia et Mattéo qui attendaient patiemment une réponse. Elle croisait les bras tandis que lui fronçait les sourcils. Bien, puisque vous vouliez une réponse, en voilà une :

— Qui de vous deux sort avec Anaïs Bouchard ?

Leurs yeux s’écarquillèrent, les sourcils levés et la bouche entrouverte. Ils étaient sans voix, comme si j’avais appuyé sur pause et que le temps s’était arrêté. Puis Theia explosa de rire, un rire aux éclats que je n’avais jamais entendu jusque-là alors. J’étais assez surpris d’entendre son rire comme étant délicat et doux, je l’aurais imaginé franc et disgracieux. J’étais mal à l’aise, une goutte de sueur perla sur ma tempe, j’avais chaud, très chaud. Peut-être était-ce la tempête qui alourdissait la température extérieure d’été, ou bien j’avais une bouffée de chaleur suite à ce que je venais de demander. Je venais de me rendre compte de la connerie que je venais de dire. Mais il était trop tard, je devais assumer et aller jusqu’au bout.

Mattéo, quant à lui, était bien plus sérieux. Ses traits du visage étaient marqués par des rides, les muscles tendus, il était en colère. Je ne savais pas exactement pourquoi, peut-être parce que je l’accusais d’un meurtre qu’il n’avait pas commis, mais c’était le cas.

— Qu’est-ce que ça signifie ?

— La garagiste est Anaïs Bouchard. C’est elle la maîtresse de George Abernathy.

— Et en quoi ça nous concerne ?

— Eh bien. Anaïs avait trois partenaires : son petit-ami, mon client, Alexandre Aubertin. Notre victime, George Abernathy. Et un ou une troisième, une soi-disant Alicia Delamarre, enquêtrice notamment dans l’affaire Duval et l’affaire Abernathy. Vous avez tous les deux bossé sur ces affaires, non ?

— Et pourquoi ça ne serait pas Alicia Delamarre que vous recherchiez ?

— C’est un faux nom. Il n’existe pas d’Alicia Delamarre.

En effet, je n’étais pas stupide. J’avais cherché sur internet, et je n’avais rien trouvé. Ni réseaux sociaux, ni journal, ni rien. Elle était invisible, un vrai fantôme. En 2023, j’avais des doutes quant au fait de pouvoir être aussi éloigné des réseaux, même mes parents avaient un compte Facebook. C’était dire à quel point tout le monde s’y mettait. Soit, admettons qu’elle soit décomplétèrent déconnectée d’internet, je ne connaissais aucune Alicia Delamarre et Enès non plus. Cela faisait une drôle de coïncidence pour que ce ne soit pas véridique.

Mattéo m’observa droit dans les yeux, un sourcil levé, l’autre baissé. Je pouvais l’entendre m’insulter d’idiot tant il le pensait fort. Mais c’était lui l’idiot, parce que je l’avais démasqué malgré tous ses efforts pour cacher son crime.

— Qu’est-ce que tu veux qu’on dise ? Oui, c’est moi qui sortais avec Anaïs Jesaisplusquoi. Je ne la connais pas ta foutue Anaïs.

— Il y en a un de vous deux qui ment.

— Et si c’était quelqu’un d’autre ? Nous n’étions pas quatre à enquêter sur l’affaire Duval et le tueur du chalet.

— Et si c’était vous ?

— Pense ce que tu veux.

Monsieur était sur la défensive. Un comportement bien louche. Ou peut-être était-ce normal quand on accusait quelqu’un d’avoir commis un triple homicide ? Étais-je complètement paranoïaque ? J’avoue que je commençais à douter de moi. Bordel, je m’étais tellement monté la tête avec cette Alicia Delamarre que j’en devenais fou. C’était vrai quoi, quand on y pensait, quelle serait la probabilité pour que je me retrouve coincé dans un chalet avec le tueur ? Nulle. Elle serait nulle. Ou bien, de 0,00000001 %. Et tant que ce micro pourcentage existait, je devais rester sur mes gardes.

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