Chapitre 6 : Enès - Partie 3

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Je rejoignis la cuisine, il y avait une conserve de chili con carne que j’ouvris et plaçai dans une casserole tout juste chauffée par la cuisinière. J’attrapai le paquet de riz et j’en versais dans une seconde casserole. Cela sentait bon, vraiment, cela donnait envie de manger. Mon ventre criait famine, car nous n’avions pas ingurgité quelque chose depuis plusieurs heures et j’avoue que même si je n’avais plus d’appétit en apprenant que le tueur était un de nos collègues, la faim m’était revenue.

Tec, Mattéo et Theia étaient tous trois assis sur le canapé et le fauteuil du salon, à se regarder, non se menacer du regard. Tec était gêné, mal à l’aise, à s’arracher les peaux mortes de ses doigts. Sale tic qui était revenu dû au stress. Pourquoi stressait-il autant ? Était-ce parce qu’il était bien l’assassin et qu’il avait peur de se faire démasquer ? Ou bien il ne supportait pas d’être accusé à tort, tout simplement. Tout comme Mattéo et Theia qui s’étaient embarqués dans une colère noire quand Tec les avait soupçonnés d’être le tueur du chalet. Les deux comportements étaient probables, mais connaissant Tec, je pensais plutôt à la deuxième solution. Je le connaissais par cœur, je savais qu’il n’était pas capable de tuer de sang-froid, mais surtout, pourquoi l’aurait-il fait ? Quel était son mobile ?

Si toute cette histoire avec Alicia était fausse, il n’avait aucun lien avec les Abernathy. Cela n’avait aucun sens et je me sentais stupide d’avoir pu douter de lui. J’avais brisé quelque chose dans notre amitié, je le percevais, parce qu’il ne me regardait plus comme avant. Il était distant et froid, blessé par mes accusations. J’avais ressorti cette affaire Lambert en plein dans son visage et cela, c’était la pire des trahisons que j’aurais pu lui faire : il s’en voulait terriblement pour Camille, à en faire des cauchemars chaque nuit, à en pleurer le soir dans sa chambre, oui, il pensait que je ne l’entendais pas, mais je savais tout. Il avait même tenté d’arrêter sa carrière suite à cela, se sentant comme de la merde, comme un déchet à jeter à la poubelle. Il était tombé dans une grosse dépression après la découverte de l’assassinat de Camille. Il lui avait fallu deux ans pour remonter la pente, et une séance chez le psychiatre par semaine avec des tas d’antidépresseurs et de mélatonine pour dormir à peu près correctement. Et moi, je lui avais envoyé tout son mal-être en pleine gueule. J’étais un connard. Je m’en voulais, mais cela n’empêchait pas que j’étais un connard.

Theia, quant à elle, fixait Tec d’un regard assassin, l’air de dire : « Je sais que c’est toi. Je le sais. » alors qu’elle ne savait foutrement rien. J’avais envie de lui hurler : « Mais ferme ta gueule petite catin ! » tandis qu’elle ne parlait même pas. Je ne sais pas, elle pensait si fort qu’on pouvait tous l’entendre et cela me rendait fou. Mais je me tenais, comme un homme décent et éduqué.

La nourriture était chaude, le riz était cuit, je dressai les assiettes et les ramenai sur la table basse du salon. Tout le monde les regardait comme si j’y avais inséré du poison dedans. En fait, nous étions tous gênés par la situation : on s’accusait tous d’un meurtre horrible et inhumain. Alors, l’heure n’était pas à manger.

— Bon, commença Theia. On ne va pas faire comme si de rien n’était. Si Tec n’a pas menti, l’un de nous est le tueur du chalet. Si Tec a menti, il devient le suspect principal.

Tec fronça les sourcils, à bout de nerfs, il n’en pouvait plus de devoir se défendre tandis que c’était lui qui avait démasqué le potentiel tueur. C’était vrai, s’il n’avait rien dit, rien de cela ne serait arrivé. Il continuerait de vivre tranquillement sa vie, loin des potentielles accusations qui pesaient contre lui. Personne n’aurait pu se douter qu’il était responsable du meurtre des Abernathy. Alors pourquoi aurait-il pris le risque d’accuser autrui ? Pire, d’accuser un de ses collègues. Tec ne pouvait pas être le coupable, parce que tout ceci ne voulait rien dire. Je pensais que Theia ou Mattéo étaient bien le tueur du chalet et qu’ils tentaient de se débarrasser des soupçons qui pesaient contre eux en retournant la situation comme de bons manipulateurs. En fait, c’était surtout Theia qui agissait de la sorte. Mais en tant que mère célibataire, qui prendrait le risque d’assassiner trois personnes et d’aller en prison ?

Enfin, célibataire, c’était elle qui le disait. Peut-être qu’elle était la Alicia Delamarre. Peut-être qu’elle sortait en secret avec Anaïs Bouchard et ceci expliquerait la rage qu’elle a eu quand elle a découvert qu’il y avait George dans leur relation. Elle les avait suivis jusqu’à Chamonix-Mont-Blanc, avait pénétré les lieux, volé l’arme de Juliette, tiré sur George, puis Juliette, intriguée par le bruit du tir, était descendue en précipitation, avait vu le visage de Theia, alors Theia l’a tuée aussi. Puis, pour ne laisser aucun témoin et garder un mois d’avance avant la découverte des corps, elle en a fini avec leur fille Chloé.

— Je ne les ai pas tués, articula exagérément Tec.

Je lui faisais confiance : Tec ne les avais pas tués.

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