2/2 - Thomas

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Le lendemain, les choses nous semblent un peu moins terribles. On explore la maison partout, et, finalement, on se dit qu’on pourrait bien se mettre dans la grange. On descend les lits, les bouts de moquette, et on installe le tout. Il n’y aura pas de lumière, mais de toute façon, il n’y en a pas non plus dans le grenier. On aura chacun une lampe de poche, aussitôt inscrites sur la liste des courses. Ça commence à sentir l’aventure, mais on ne veut pas montrer que ça devient amusant.

Une fois le couchage résolu, nous explorons l’autre côté de la maison, en traversant la grange. Nous découvrons une immense plantation, des noyers, à ce qu’on nous dit, plus loin un grand pré aux herbes hautes, avec au fond un ruisseau. Nous le remontons les pieds dans l’eau, difficilement car ça glisse beaucoup, et nous arrivons en bas de la falaise. Là, il y a un grand bassin et le ruisseau qui en part. Du côté de la falaise, on voit l’eau bouger, car une source arrive au fond de ce bassin. C’est la première fois que je vois une source pour de vrai.

Nous longeons le pied de la falaise et nous revenons par un autre chemin. Nous passons alors chez Monsieur Seuzac, le père Seuzac, comme tout le monde l’appelle, le propriétaire de la maison que nous louons. Sébastien et papa le saluent. Avec sa femme, ils nous accueillent très gentiment.

Il demande si nous avons trouvé la baignade.

— Oui, les enfants l’ont adoptée complètement !

— Oui, elle est géniale, nous précisons.

— Faites attention de ne jamais aller vers l’aval. Il y a un barrage à environ un kilomètre et c’est dangereux de s’en approcher. Vous savez quoi ? Je vais vous gonfler des chambres à air, cela va vous faire des bouées ! Je vous les apporterai cet après-midi.

Il enchaine :

— Allez, venez, les petits citadins, je vais vous faire visiter la campagne et les bêtes, c’est l’heure où il faut que je m’occupe des bestiaux.

Papa et Sébastien restent deux minutes, puis ils nous disent :

— Soyez sages. On vous abandonne, la maison est au bout de ce chemin et il y a des petits cailloux blancs tout le long pour que vous vous retrouviez !

Des fois, leur humour est bizarre, ils nous prennent pour des enfants !

On avance sur la pointe des pieds, car il y a plein de crottes dans la cour. C’est complètement dégoutant. Le père Seuzac se moque de nous.

— Attention, les crottes d’oies et de canard, ça glisse. Allez, venez voir les poules et ramassez les œufs.

Il nous fait entrer dans le petit poulailler. Ça pue ! Il nous montre où les poules ont l’habitude de pondre. Là encore, il y a plein de crottes, mais comme il nous encourage, nous fouillons dans la paille et nous rapportons, très fiers, quatre ou cinq œufs. Il nous dit que c’est l’heure de les nourrir, ainsi que les lapins et le cochon. Nous regardons faire le père Seuzac et sa femme. Ils nous donnent alors la nourriture et nous disent de la distribuer aux animaux. Nous ne sommes pas rassurés, car toutes ces bêtes s’approchent de nous, de beaucoup trop près, pour avoir leur alimentation. Nous la jetons, d’abord maladroitement, puis de mieux en mieux. C’est amusant tous ces animaux en train de manger, ils ne sont plus menaçants. Puis il nous dit qu’il faut aller aussi nourrir et traire la vache. Là encore, il nous demande si nous voulons essayer de la traire. Mélodie veut bien se lancer. Je la trouve courageuse, car la bête est énorme quand on est à côté d’elle. Il commence par donner des coups de poing dans le pis, là où il y a le lait, en nous disant que les coups de tête du petit veau sont bien plus forts. Puis, il lui explique et lui montre comment faire descendre le lait dans le trayon, en le serrant et en descendant avec toute la main, sans simplement tirer dessus comme une sonnette ! Il lui attache ensuite un drôle de tabouret à un pied autour de la taille, c’est marrant. Mélodie commence, mais il ne vient pas grand-chose.

— Il faut serrer plus fort.

Finalement, on entend des gouttes tomber dans le seau.

— Allez, du nerf !

Elle trouve le geste et bientôt on entend le lait gicler. Au bout de quelques minutes, elle s’arrête :

— C’est vachement dur ! C’est trop fatigant !

— Qui veut essayer ?

Je m’y colle. À mon tour d’avoir le tabouret noué autour de la taille. La vache bouge sans arrêt, mais j’y arrive assez bien, jusqu’à ce que je reçoive un grand coup de queue dans la figure. Ça me fait mal, je tombe à la renverse, le dos en plein dans une bouse. Tout le monde rigole, sauf moi !

— Allez, retire ton t-shirt, c’est tout.

Le père Seuzac finit de traire, la tête appuyée contre la vache.

— En se mettant comme ça, elle ne peut pas te renverser.

Ça explique aussi l’odeur qu’il a !

Il nous invite ensuite à venir boire le lait. Il nous remplit des verres, c’est plein de mousse, ça sent fort la vache et c’est chaud. Nous nous regardons. Ça ne ressemble pas du tout au lait que nous connaissons, froid et propre, qui sort de la brique au frigo. Éloïse se lance, goute et dit :

— Mais c’est drôlement bon.

Nous l’imitons. C’est vrai que ce n’est pas mauvais. Mais c’est bizarre quand on boit ça.

— Vous pouvez venir quand vous voulez. Je vous montrerai aussi le potager. Mais filez, il est tard.

Je me fais gentiment moquer en revenant torse nu, mon t-shirt puant au bout d’un bâton. Un coup de jet d’eau, toujours aussi froide, et je ne sens plus rien. Je veux dire que je ne sens plus la bouse de vache.

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