2/3 - Thomas

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Nourrir et s’occuper des animaux nous plait beaucoup. Nous y allons chaque matin et nous devenons vite des petits paysans experts, comme quoi on sait s’adapter ! Le père Seuzac et sa femme n’ont pas pu avoir d’enfants, c’est dommage, car ils auraient été sans doute des parents formidables. Nous les adoptons comme grands-parents de cet été. Ils commencent à être vieux et ils prendront leur retraite l’année prochaine. Pour l’instant, il nous explique, il a diminué ses terres et ses bêtes et il a plein de temps à nous consacrer. Il s’amuse beaucoup à nous regarder découvrir tout ça.

On explore aussi le potager, avec plein de plantes qui poussent dedans. Nous n’avons jamais vu des légumes pousser. Les pommes de terre, on ne voit rien : il faut une fourche pour les déterrer, c’est très dur à manier. Les carottes, on voit juste le bout. Les petits pois sont perdus dans plein de feuilles, accrochées sur de grandes tiges de bois. Les haricots verts, il faut se baisser pour les trouver et les cueillir. Les tomates sont faciles à récolter. Au bout d’une heure, vous avez mal au dos. Pour le jardin, tout est comme ça : c’est drôlement bien, au début, mais rapidement c’est dur et ennuyeux.

— Eh ! les petits Parigots, vous pensez que tout vient dans des boites de conserve ou des sacs surgelés ? Faut trimer pour manger !

Nous sommes quand même très fiers de notre récolte en rapportant tous ces légumes. Je porte une courgette aussi grosse que moi !

Tous les jours, nous passons une grande partie de la journée à la ferme. Finalement, c’est aussi bien que la ville. Nous découvrons sans arrêt de nouvelles choses. Quand nous ne sommes pas à la ferme, nous sommes dans le pré, à attraper des sauterelles ou des papillons, à tailler des bâtons ou des arcs, à jouer dans le ruisseau. C’est incroyable la campagne, il y a plein de choses à faire. De toute façon, comme papa est reparti avec la voiture, on ne peut pas bouger. Tant mieux ! C’est tellement bien ici. Isabelle veut nous apprendre le nom des plantes et des insectes, mais, avec Fatine, nous préférons aller jouer dans le pré ou le ruisseau.

Ce que je préfère, c’est quand le père Seuzac nous emmène voir ses bêtes dans sa deux chevaux. Je n’ai jamais vu une voiture pareille, avec son bruit de moteur bizarre. Surtout, à l’arrière, il y a une grosse barre au milieu du siège, ce qui fait qu’on est obligé de se serrer de chaque côté. Je m’arrange toujours pour être à côté d’Éloïse. Car en plus, on est secoué très fort avec les trous dans le chemin. Et je sens la peau d’Éloïse contre moi, toute chaude, qui glisse et me caresse. J’adore cette impression. Elle ne dit rien et j’espère que ça lui fait aussi plaisir. Le seul problème est de bien faire attention quand on retombe de ne pas toucher la barre du siège, parce que là, ça fait atrocement mal aux fesses.

Avec Sébastien et Isabelle, nous explorons aussi les environs. Un peu plus loin de l’autre côté de la route, sur une petite butte près de la rivière, il y a un dolmen, énorme, entier. On ne peut y arriver que par un petit chemin plein de ronces et d’orties. On peut entrer dans la chambre dessous. Il est impossible de pouvoir monter dessus : il est trop haut et la pierre du dessus dépasse de partout.

De l’autre côté, il y a un chemin qui grimpe le long de la falaise. Au milieu, de la montée, sous et dans les rochers, il y a les ruines d’un vieux château, à moitié troglodyte, nous explique Isabelle. On voit encore des pièces, ressemblant à des grottes, avec des traces de fumée, des morceaux de mur. Comme ils sont dans la même pierre que la falaise, on ne voit plus très bien ce qui est caverne et construction. Il y a aussi des passages entre les salles. C’est un endroit un peu magique. Il y a trois étages et on traverse de l’un à l’autre par ces escaliers creusés dans la roche, formant des souterrains ou des passages secrets. On s’amuse beaucoup. Tout en bas, un dernier escalier descend. Il est barré par un morceau de bois, mais de toute façon, on voit qu’il est éboulé un peu plus bas. On imagine qu’il devait conduire aux oubliettes ou aux culs-de-basse-fosse (Sébastien nous apprend ce mot que nous adoptons complètement !). Une très vieille pancarte à peine lisible prévient du danger de s’aventurer dans les ruines, et elle nous indique que c’est le château de Laroque. Nous reviendrons plusieurs fois, c’est un formidable terrain de jeux.

Isabelle et Sébastien voudraient que nous fassions des balades à pied, un peu plus loin. Franchement, entre la ferme, le pré, le ruisseau, le dolmen, le château et surtout la rivière, nous ne voyons pas pourquoi il faudrait bouger ! Ils ont voulu venir ici, nous avons eu du mal à nous adapter, maintenant, qu’ils nous laissent tranquilles ! On fait la mauvaise tête par habitude, mais ils n’insistent pas trop. Ils nous connaissent et ils ont compris que nous nous amusons bien avec toutes ces occupations. Ils cherchent juste à nous énerver en essayant de nous faire dire que c’est super, trop facile !

Papa vient de nous rejoindre, et il va rester avec nous jusqu’au retour.

Je suis content qu'il soit arrivé. Juste avant, j’ai fait un cauchemar sur maman. Mon rêve commençait bien, je retrouvais maman. Après, c’est devenu horrible et je me suis réveillé et j’ai pleuré en silence. Papa est arrivé le lendemain. Comme chaque après-midi, nous faisons la sieste sur des couvertures, sous les noyers. Habituellement, je la faisais à côté d’Éloïse. Nous ne nous parlons pas beaucoup, on ne se touche jamais, mais j’aime tellement être contre elle, m’endormir alors qu’elle est près de moi. Les premiers jours, j’ai eu besoin de papa, de sa force, de sa protection, j’ai horriblement peur qu’il lui arrive la même chose qu’à maman.

Et puis c’est dur pour moi en ce moment. J’ai beaucoup grandi, j’ai dû changer trois fois de chaussures depuis la rentrée. Je ne sais plus faire bouger mon corps comme avant. J’ai du poil qui a poussé au-dessus de mon sexe, sur mes jambes, sous mes bras. Ce n’est vraiment pas beau, ça me dérange. J’ai vu Fatine se déshabiller, il a beaucoup plus de poils que moi, mais ça ne semble pas le gêner. Moi, j’essaie de me cacher quand je me déshabille. Il parait qu’on finit par s’habituer, moi, je ne sais pas si je vais y arriver. Je voudrais bien en parler avec Joachim, sûr qu’il m’aiderait.

***

Depuis que papa est arrivé pour de bon, c'est encore mieux. D’abord, il était là et j’avais besoin de lui. Il m'arrive souvent d'avoir un peu peur quand il n’est pas avec moi, je ne sais pas de quoi. Surtout, pour bricoler des choses, il a toujours plein d’idées et plein d’astuces. Il nous aide à faire des moulins sur le ruisseau, à améliorer nos arcs. Il sait toujours tout sur tout. Depuis tout petits, on peut lui demander n’importe quoi, il a régulièrement une réponse qu’on comprend. Un jour, je lui ai demandé comment il avait appris tout ça et il m’a dit que c’est parce qu’il est ingénieur et qu’un ingénieur, ça sait comment fonctionnent les choses et qu’ils savent inventer des nouvelles machines, de nouveaux objets. C’est trop fort. C’est décidé depuis longtemps, mon métier, ce sera aussi ingénieur.

Jusque-là, malgré nos craintes du début, il faut reconnaitre qu’on s’éclate vraiment. Ce sont réellement de formidables vacances. Mais il va y avoir encore mieux.

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