3/1 - Thomas

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Tout a vraiment commencé le soir où le père Seuzac est venu prendre l’apéritif. En fait, il était là presque tous les soirs. Dès que Sébastien ou papa sortait la bouteille, il rappliquait, comme par hasard. Ça amusait tout le monde.

Ce soir-là, après une gorgée de pastis, qui avait vidé son verre, il dit :

— Traverser la route est dangereux pour les enfants !

— Ils ont l’habitude des voitures à Paris ! Et ici, il ne passe personne.

— Demain, je vous montre un autre chemin et le secret de cette maison !

— Formidable, c’est quoi ?

— Attendez demain ! Vous avez des lampes de poche ? Et des bâtons ? Je reviens demain matin.

Je ne vous dis pas comme on avait hâte d’être le lendemain. Cette maison avait un secret !

— Pourvu que ce soit un fantôme, je lance.

À voir les têtes d’Éloïse et de Mélodie, j’ai réussi mon coup. Mais Éloïse me rétorque

— Monsieur le malin, les fantômes, c’est la nuit, et il a dit qu’il nous le montre demain matin…

Alors nous partons dans des délires, sans pouvoir imaginer ce que nous découvrirons le lendemain.

Le père Seuzac arrive au milieu de la matinée, les yeux rieurs en voyant nos bouilles impatientes. Nous l’attendions depuis des heures.

Il nous dit de nous équiper. Nous nous regardons, ne comprenant pas pourquoi. Ça ne dure pas longtemps, car on obéit vite fait.

Puis, quand nous sommes revenus,

— Allez, venez. On y va !

Il pénètre dans la cave, par l'entrée sous le bolet. Nous suivons tous. Nous n’avions pas encore exploré cette cave, à part les toilettes et le lavabo pour se laver les dents. Nous ne voyons rien de spécial : il doit se moquer de nous ! Il la traverse jusqu’au fond, dégage une porte qu’on ne pouvait pas voir avant. Il essaie de l’ouvrir. Elle coince.

— Pardi ! Ça fait au moins quarante ans que je ne suis pas passé par là.

Il l’avait prévu ! Il sort une burette d’huile, en met dans la serrure, sur les gonds.

— Il faut attendre un petit peu…

Nous, on piaffe, on a envie de connaitre la suite. Il ressaye, et là, il arrive à l'ouvrir en tirant fort.

Il nous explique :

— Doucement, il y a un escalier, assez raide. Allumez vos lampes et suivez-moi sans vous bousculer.

Les lampes sont allumées et nous descendons derrière lui. L’escalier n’est pas si raide que ça et nous arrivons vite dans une autre pièce, sous la cave. Pour nous, ça allait, mais les adultes étaient obligés de se tenir courbés. Il commence à faire frais et une drôle d’odeur règne dans cette pièce, complètement vide, à part deux portes sur les deux côtés opposés.

— Par cette porte !

Celle-ci s’ouvre facilement sur un souterrain qui s’étend devant nous.

— On est profond et c’est plat. Mais faites attention à vos têtes et à vos pieds : il peut y avoir des pierres qui se sont détachées de la voute. Et ça risque de glisser par endroits.

Il fait froid, humide, toujours avec cette odeur bizarre. Nous avançons en faisant très attention. Les bâtons nous servent à écarter les toiles d’araignée, qui pendouillent partout. On se moque des filles qui crient dès qu’elles en frôlent une. Cela dit, moi aussi, ça me dégoute, mais j’évite de crier pour ne pas le montrer. Le souterrain tourne très souvent, formant des coudes à angle droit, à droite, à gauche, impossible d’aller vite. Enfin, nous apercevons la lumière et nous sentons l’air chaud du dehors en nous approchant. Une grosse grille barre le chemin. Le père Seuzac nous fait signe de nous regrouper :

— Regardez comment c’est astucieusement fait, ça m’étonne toujours autant ! Cette serrure est facile à manipuler de l’intérieur, mais on ne peut pas l’atteindre du dehors. Ils étaient malins, les anciens. Pas besoin de clé, mais impossible d’entrer en venant de l’extérieur !

Il met une goutte d’huile, puis il manipule la serrure et ouvre facilement la grille.

— C’est incroyable comme c’est bien fait, ça n’a pas bougé depuis tout ce temps ! Par contre, impossible de sortir, il y a trop de végétation. Il va falloir dégager de l’extérieur. On retourne par le même chemin !

Nous refaisons le parcours dans le sens inverse. Nous retrouvons la cave, puis l’air libre.

— Magnifique, vous nous expliquez, père Seuzac ?

— Avec plaisir. Ce n’est pas difficile. Vous avez vu le château, presque en haut de la falaise ? Plutôt les ruines. Eh bien, c’était son souterrain, avec une première sortie sur la route, en passant par la cave de la maison, et une autre plus loin, si le chemin était barré, sur la rivière. C’est ce dernier tronçon que l’on vient de parcourir.

Il enchaine en disant qu’il rapportera des outils cet après-midi et que l’on ira dégager la sortie de l’autre côté. Il termine en clamant :

— Tout ça donne soif !

L’après-midi, nous l’accompagnons de l’autre côté de la route, en portant tous les outils coupants qu’il a rapportés. Nous arrivons à notre coin baignade, puis nous remontons presque jusqu’au dolmen. À un moment, il dit :

— Si je me souviens bien, ça doit être par là.

Il s’enfonce dans les broussailles, revient, repart un peu plus loin.

— Ah, c’est là !

Nous approchons sans rien voir. Il y a des ronces, des taillis, des arbustes et plein d’orties.

— On y va ?

Chacun, avec un outil, nous dégageons la végétation, en faisant attention à soi et aux autres, comme il nous a montré. On continue tout l’après-midi, avec plein d’ampoules aux mains, et enfin, on peut rentrer à la maison par le souterrain, car il avait laissé la grille ouverte. Même dégagée, l’entrée est à l’écart du chemin et positionnée de telle sorte qu’on ne la voit que lorsqu'on arrive dessus. On voit une petite grotte de travers et, quand on y pénètre, la sortie du tunnel est cachée par une sorte de mur naturel. Par contre, on sent l’air froid en sortir. C’est vraiment bien foutu, génial. Il nous explique qu’il y a plein de grottes par ici et que les gens sont habitués à sentir l’air froid qui en sort. Personne n’y fait attention et il faut vraiment vouloir y aller pour buter sur la grille. C’est un beau camouflage.

Le soir, la conversation tourne bien sûr autour de ce jeu formidable. Le père Seuzac nous avait fait remarquer que sur la porte de la maison, il y avait gravé « 1756 ». Cela voulait dire qu'elle avait sans doute été construite bien après le souterrain. Vu l'aménagement de la cave, ce n’était pas un hasard. On peut supposer que la sortie précédente était abimée et remplacée par cette maison pour la camoufler.

Il nous dit aussi que la porte de l’autre côté ouvrait certainement sur le souterrain qui venait du château, mais qu’il ne l’a jamais ouverte. Sébastien demande immédiatement si on peut explorer. Isabelle lui lance un regard noir, alors que tous les cinq nous avons les yeux qui brillent.

— Vous pouvez toujours essayer, mais faites attention, surtout avec les enfants.

— J’ai mon idée, n’ayez pas peur, on fera attention.

Isabelle semble de plus en plus inquiète. Nous savons bien qu’ils ne sont pas toujours d’accord, car, parfois, ils se crient dessus.

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