Chapitre 1

6 minutes de lecture

Une ou plusieurs

L'azur couché sur l'orage

La neige sur les oiseaux

Les bruits de la peur dans les bois revêches

Une ou plusieurs

Dans les coques de glaise on a semé des corbeaux

Aux ailes fanées au bec de tremblement de terre

Ils ont cueilli les fantastiques roses rousses de l'orage

Extrait de Paul Éluard, Une pour toutes.

***

Écrit en écoutant notamment : Enko – No Shelter

« Salut »

« Salut, ça va ? »

« Pas mal… Aurais-tu une photo de toi ? »

Alban avait tapé le message en moins de cinq secondes : une sorte de mémoire musculaire bien entraînée à force de traîner sur ces applications de rencontre. La réponse tarda et il jeta son téléphone sur le matelas avant de se laisser tomber lui-même dessus. Il s’étira au maximum de ce que ses muscles pouvaient supporter. Pour une fois que le profil du gars semblait intéressant…

Il ouvrit le bouquin qui traînait sur sa table de nuit depuis plusieurs semaines. Un morceau d’enveloppe faisant office de marque-page dépassait pas loin derrière la page de garde. Alban fit plusieurs allers-retours en tâchant de se rappeler l’introduction du roman, mais vite agacé, il le reposa et récupéra son téléphone à la place.

Le mec avait envoyé une photo de son visage, montrant des yeux bleu foncé et des cheveux noirs mi-longs. Une seconde dévoilait un torse assez sec et des bras musclés. Un joueur de tennis, ou de handball, pensa Alban. Cela compensait assez bien son manque de conversation et les nombreuses fautes de français émaillant ses messages suivants. Il se lança en proposant à l’autre une rencontre d’ici une heure, non loin de chez lui. Il ne ferait pas tellement mieux en ce dimanche après-midi.

***

C’était un des premiers jours de printemps où le soleil brillait fort sur Montpellier. De nombreux parfums printaniers, de fleurs et d’herbe grasse, se mélangeaient, réveillés par l’énergie lumineuse.

Il reconnut le garçon à une cinquantaine de mètres. Il avait une démarche assurée et une paire de lunettes de soleil reposait sur le haut de son front.

  • Hello, dit Alban lorsqu’il ne resta plus qu’une dizaine de pas entre eux deux.

Il est mieux en vrai qu’en photo ; assez rare mais sympathique. J’espère que je fais aussi bonne impression, pensa-t-il.

L’autre lui serra la main en décrochant un grand sourire.

  • On va chez toi, du coup ? demanda-t-il.
  • Oui !

Alban prit les devants pour le guider. Il comprenait au fil des minutes que le gars n’était pas loquace. Avec lui, l’affaire serait pliée en une heure. Il avait déjà eu ce genre d’expérience quelques fois : une fois seul, après l’acte, il s’étendait dans son lit en savourant le reste de chaleur allumée par son partenaire. Il appréciait cette illusion d’attachement, pourtant déjà révolue, mais qui perdurait plusieurs heures, avant de s’éteindre le lendemain. Pouvait-on espérer mieux ?

  • Regarde ! C’est un tarier pâtre ! s’exclama Alban en désignant une petite boule de plumes roussâtre, posée sur une brindille de cerisier.
  • C’est quoi ?
  • Un passereau, mais ceux-là sont assez rares en ville. C’est cool de les voir ici !
  • Ah oui, si tu le dis.

***

Alban fit monter le garçon au quatrième étage de sa résidence étudiante, située à cinq minutes de la fac. C’était une construction assez moderne, avec de larges escaliers métalliques en extérieur. Ceux-ci grinçaient fort la nuit dès que quelqu’un grimpait, mais sinon, l’endroit était confortable.

Très à l’aise, sa connaissance du jour retira son t-shirt dès qu’Alban l’invita à passer le pas de sa porte. Il arborait un bronzage balbutiant, limité aux avant-bras, et le sillon entre ses pectoraux était piqué de courts poils sombres entremêlés. Magnifique !

Alban fit de même sans réfléchir. Le gars le scruta de haut en bas, en soufflant :

  • Ah ouais, quand même.

Il fit semblant de ne pas avoir entendu la remarque, ce qui était ridicule étant donné qu’ils se tenaient seuls dans l’appartement, porte et fenêtres closes.

  • Qu’est-ce que tu penses de ma vue sur la ville ? C’est sympa, non ? s’écria-t-il.
  • Ouais, je confirme. On va dans ta chambre ?
  • D’accord. Suis-moi.
  • On fait comme on a dit ?
  • Oui !

Alban se positionna en travers de son lit, les coudes sur le rebord du matelas. En face de son visage, le garçon retira sa ceinture et baissa son pantalon. Il appuya la forme de son boxer bleu marine contre les lèvres d’Alban. Assorti avec ses yeux ! se dit-il avec un sourire d’extase. Il s’occupa lui-même de descendre la barrière de tissu jusqu’en bas de ses cuisses. Il enfourna le sexe de son amant, pas encore totalement en érection. Il s’appliqua dans le but de lui faire prendre du volume, alternant coups de langue précis et mouvements plus osés, plus profonds. L’autre donnait de timides coups de bassin irréguliers, sans enthousiasme débordant.

Entre ses lèvres, Alban sentait bien qu’il ne bandait pas à fond. Il décida alors de changer de technique et saisit le sexe dans sa main gauche, démarrant des gestes vigoureux. Pas trop rapides, mais bien amples, depuis la base jusqu’au sommet. Il ne pourrait pas résister à ce traitement ! Il avait envie de faire monter son excitation, puis de le faire languir sur un plateau interminable, jusqu’à ce que lui, uniquement lui, décide du moment où il couvrirait son visage de jets réconfortants.

Il dut malheureusement constater que sa bonne volonté était vaine. Des crampes lui saisissaient le poignet et il ne parvenait même pas à obtenir l’érection virile espérée. Ce sexe restait désespérément inanimé. Il s’arrêta et lança un regard confus vers le gars. Avec un froncement de sourcil, celui-ci remonta son caleçon et fourra son membre à l’intérieur.

  • Je suis désolé. Je n’y arriverai pas, dit-il.
  • C’est à cause de…
  • Bah ouais, c’est vrai que t’es super mince, j’avoue que ça me fait limite flipper. J’aurais préféré quelqu’un d’un peu plus…mec, tu vois. Essaye la salle, ça t’aidera.

Alban accusa le coup.

  • Mais pourtant, tu l’as bien vu sur mes photos ! Pourquoi t’as rien dit avant ? lança-t-il en sentant qu’il ne lui resterait que deux ou trois phrases avant de craquer.
  • Ça ne se voyait pas tant que ça… Pas à ce point, je veux dire. Encore une fois, je te prie de m’excuser, mais le désir ne se contrôle pas. Je ne sais pas me forcer.
  • Mais merde ! cria Alban en se levant. Je suis trop con ! Pourquoi ai-je cru qu’un beau mec comme toi pourrait m’apprécier ?
  • Dis pas ça… Tu trouveras plein de gars qui t’aiment comme tu es !
  • Balivernes ! Tu dis juste ça pour avoir bonne conscience.

L’autre entr'ouvrit la bouche, mais se ravisa. Alban avait raison, des larmes lourdes grossissaient dans ses yeux.

  • Finalement, ce connard en troisième avait raison. Je m’en rappelle parfaitement : lui et sa bande adoraient m’emmerder dans la cour du collège. Ils me répétaient sans cesse que j’avais un physique de « pédé » et que « je n’aurais jamais de meuf ». Ni de mec ! C’était un visionnaire, en fait ! De toute manière, les seuls qui m’aiment sont des pervers qui s’imaginent baiser un ado de seize ans !

Il avait crié cette dernière phrase si fort que son vis-à-vis sursauta. Il ramassa ses vêtements et s’enfuit en quelques secondes.

Depuis la rambarde de l’escalier, Alban le vit marcher le pas pressé à travers l’allée qui rejoignait l'avenue principale. Belle performance ! Désabusé, il monta sur la balance de sa salle de bain et lut « 52,9 kg » . Pour un mètre soixante-quinze, c’était effectivement mince… Il n’y avait rien à faire, son corps fonctionnait de cette manière. Il y a quelques années, son médecin lui avait simplement conseillé de rester au-dessus de cinquante-deux kilos pour éviter tout risque. Il scruta son torse : forcément, ses abdos ressortaient nettement, mais on voyait aussi les proéminences successives de ses premières côtes.

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