Ecrit en écoutant notamment : Dr. Peacock – Trip to Italia

Jakub quitta la boîte pour se rafraîchir à l’extérieur. Son souffle se condensait en nuages miniatures qui s’envolaient dans la nuit noire. Le gars du début de soirée, vêtu d’un perfecto, s’approcha soudain de lui.

• Tu es d’ici ? demanda-t-il à Jakub.
• Non… enfin si, plus ou moins.
• T’es mystérieux !

Le gars sourit et forma un angle droit sur son menton à l’aide de son pouce et de son index. Il avait son charme, c'était indiscutable. Il portait une barbe légère, ses cheveux noirs épais dessinaient une élégante vague vers l’avant. Jakub observa ses mains fines, à la peau lisse, scintiller sous la faible lueur de l’enseigne. Les siennes, au contraire, à force d’entraînement et de travaux manuels, étaient calleuses à la base des doigts et constellées de coupures à divers stades de cicatrisation.

• En fait, je suis basé à quelques kilomètres d’ici.
• C’est à peine plus précis !
• Ok, t’as raison, je suis ridicule. En fait, je me suis engagé comme volontaire dans les forces armées, ici, à Charleville.

Il avait dérogé à la règle de discrétion d’Antony, mais tant qu’il ne donnait pas son nom, le risque de mauvaise surprise restait négligeable.

• Genre ! Depuis combien de temps ?
• À peu près quatre mois. Je suis arrivé… en juin, c’est bien ça.
• T’as eu le temps de visiter la ville ? La région ?
• Pas tellement. Je n’ai eu que deux week-ends de permission depuis mon intégration. Il y a eu plusieurs missions en extérieur, mais c’est différent.
• C’est rude ! Donc en ce moment, tu profites de quelques jours de liberté ?
• Mmh… c’est ça. Je dois dire que cette vie entre quatre murs, sans cesse contrôlée, c’est pesant. Enfin, je ne vais pas commencer à me plaindre maintenant. Allez, à ton tour de me parler de toi !
• Avec plaisir ! Je m’appelle Théodore, je suis en études de bio à Reims, et je rends visite à une très bonne amie. Elle est la seule raison valable pour se traîner jusqu’ici !
• Moi, je n’ai pas eu tellement le choix. J’aurais préféré rester dans le sud, près de Montpellier.
• Je vois… Un sudiste expatrié pour son engagement !

Finalement, Jakub évoqua ses dernières semaines, ses derniers mois, puis ajouta de plus en plus de détails en notant l’intérêt croissant du gars.

Pour lui aussi, il était agréable de rencontrer une personne totalement étrangère à l'environnement cloisonné du centre de formation. Il pouvait se permettre de critiquer ses idiots de supérieurs, qui lui collaient aux basques et lui hurlaient dessus s’il n’était pas assez rapide et méticuleux ; il s’amusa à inventorier les surnoms dont étaient affublés ses camarades - “Le Baril” ou encore “Héron blasé” étaient ses préférés - ; il avait le droit de se plaindre des réveils trop matinaux sans passer pour le dernier des fainéants.

• Et niveau gent féminine, pas trop difficile de trouver son bonheur ? glissa Théodore.
• Oh là, je n’ai pas la tête à ça. Et t’imagines bien qu’on n’aurait pas intérêt à se faire attraper sur le site. Il y a toute une section dédiée dans ce foutu règlement intérieur de quarante pages.
• Et entre mecs ?
• Comment ça ?
• Je veux dire, est-ce que t’aurais eu vent d'anecdotes... croustillantes ? Au hasard, des mecs en manque qui auraient encore préféré leurs camarades à leur main ?

Jakub fronça les sourcils.

• Pourquoi cette question ?
• Bon, d'accord. Mon Père, je dois vous confesser d’horribles fantasmes déviants. Les militaires ont tendance à m’émoustiller quelque peu. Disons qu’il ne me dérangerait pas d’entretenir leur matériel. J’ai peur de vouloir passer à l’acte, comment pourriez-vous m’aider ?

Le temps que Jakub comprenne ce qui lui arrivait, son sexe s’était déjà redressé. Il n’avait plus touché à un garçon, ni même rencontré de partenaire potentiel, depuis un long moment.

De plus, lorsqu’on se retrouve à six par chambrée, il est ardu de trouver l’intimité nécessaire pour calmer certaines envies. La solution la plus discrète est encore de profiter des douches ; néanmoins, l’efficacité est de mise pour éviter les remarques graveleuses. De son côté, au rythme de deux séances par semaine, l’affaire pouvait être pliée en trois minutes.

• Désolé si je suis cash, ajouta Théodore. Il est rare que des mecs hétéros me parlent aussi longtemps.

Les intentions du gars étaient claires ; il n’y avait vraiment aucune raison d’hésiter. Jakub frôla le bras de Théodore en cherchant son approbation.

• Tu voudrais venir chez moi, pour ça ? minauda-t-il.
• Euh, tu n’es pas avec ton amie ?
• Elle n’y verrait aucun inconvénient.
• Hmm, je ne voudrais pas rentrer trop tard... Il suffirait de s’éloigner, proposa Jakub. Là-bas, derrière les arbres, au hasard.
• Marché conclu !

La planque était sommaire mais ils la jugèrent suffisante. Théodore posa ses mains froides sur ses abdos. Il l’embrassa nerveusement puis l’attira vers lui en le tirant par les fesses.

• Je vais te faire kiffer, beau gosse, souffla-t-il.

La raison de Jakub flanchait, il allait perdre contact avec la réalité. Son corps était en surchauffe. Mille envies le traversaient simultanément : il voulait embrasser son visage masculin, frotter sa taille contre la sienne, se sentir envahi par ce garçon et le briser en retour. Il se laissa sucer pendant une minute avant de se mettre lui-même à genoux. Il arracha la boucle de ceinture de Théodore en trois mouvements secs et descendit son boxer, tout juste assez pour se pencher sur son partenaire et avaler son sexe jusqu’à mi-longueur. C’était aussi bon qu’inespéré.

• Oh putain, que Dieu bénisse tes lèvres ! râla son amant.

***

• T’es là, enfin ! T’as foutu quoi, il est déjà cinq heures moins le quart ! J’espère au moins que t’as chopé.
• Pas trop mal, et toi ? demanda Jakub en retour.
• Pareil !

Antony lui fit un check victorieux et ils se mirent sur le chemin du retour.