Chapitre II
Je pense souvent à mon but, à où je vais et pourquoi. La mer. Il me faut un océan, un bateau et des provisions pour cent hommes et milles jours. Je veux me barrer loin de cette terre, partir sur une autre plus calme pour en finir avec ma vie. Il est hors de question que je sème la terreur un jour. Jamais, vous entendez ?
Je m’arrête. Quelqu’un traverse la rue, avec une naïveté qui me donne la chiasse. Son petit pistolet attaché à la ceinture ressemble à un jouet tellement il fait pitié. Ce genre d’arme n’intéresse personne, mais le sac qu’elle porte entre ses bras lui, me fait de l’œil.
N’importe qui aurait deviné qu’elle aussi devait appartenir au gang de cette ville miteuse. Elle est trop bien fringuée et parfumée pour avoir fait du voyage. Oui, je sens l’odeur de son parfum à l’eau de rose tout pourave d’ici, mon nez est assez sensible.
Aujourd’hui, personne ne mourra de mon arme. Il n’y a aucun intérêt à ce qu’elle crève en tout cas. J’attrape le silencieux, tire bien devant la fille. L’impact de la balle à ses pieds la stoppe dans son élan. Elle se retient de crier, et de regarder du mauvais côté avant de me trouver en train de braquer mon arme vers elle.
Ses lèvres tremblent. Je sens sa peur. Pourtant elle arrive à me sourire pour sortir de sa bouche :
— S-salut, tu es une survivante toi aussi ? Tu peux venir avec nous, on se trouve plus loin dans le-
— Pose.
Elle a compris. Elle regarde le sac, totalement désemparée. Le pose par terre, et s’écarte. Encore et encore, jusqu’à ce que j’atteigne moi ce sachet en carton. Je regarde du coin de l’œil l’intérieur : quelques pommes, des médocs, un paquet de clope. Maintenant je doute que ce gang soit là depuis trente-six décembre.
Je pose mon sac, l’ouvre et range les médocs et trois pommes dedans. Les clopes iront dans mes poches. Le reste est qu’un tas de babioles pour gosse. Ce groupe inconscient transporte avec eux des sacs à larmes.
— Tu sais, tu n’as pas besoin de survivre seule. Avec nous tu serai en sécurité et au chaud…
Cette fille essaye un peu trop de me convaincre. Mon arme est toujours tournée vers elle. J’hésite sérieusement à tirer. Je pose assez longtemps les yeux sur elle, assez pour trouver son minois joli et lui donner un âge dans ma tête. Ce ne sont que des détails sans importance, j’essaye juste de me concentrer et de prendre une décision.
— Je peux te ramener des trucs plus importants si tu veux, dit-elle désespérée, mais s’il te plait, je veux récupérer les médicaments au moins. Nos enfants sont malades.
— C’est la loi du plus fort. Pars avant que je t’en mette une entre les yeux.
Son regard est insistant, mais effrayée. Ce n’est pas avec ça qu’elle arrivera à me convaincre. Elle ne pourra pas de toute façon. Une fois en ma possession, ses cachets sont miens. Que ces gosses aillent crever je m’en fiche, l’humanité se condamne à laisser sortir des inconscients avec les futures générations dehors.
Mon canon lui laisse des sueurs froides. Elle recule encore, je fais de même pour laisser une distance entre nous. Je pense courir plus vite qu’elle, et le temps qu’elle prévienne ces potes, je serai trop loin pour qu’ils me poursuivent. Je doute aussi qu’ils pourchassent une personne pour des médicaments, ils en trouveront ailleurs si ça ne fait pas longtemps qu’ils sont là.
Je ne la vois plus, et elle non plus. Je me retourne et cours aussi loin que je peux. Là où ces enfoirés ne viendront pas m’en mettre une dans le crâne.
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