Chapitre VIII
Mes yeux n’ont pas réussi à se fermer de la nuit. La pluie a frappé fort tout du long, rythmant mes hantises et mes pensées. Je suis restée loin du feu, loin d’elle, de cette « Laetitia » ci. Elle a mis un moment avant de s’endormir, sûrement car elle souhaitait encore ma présence comme ours en peluche. Je pense que je me serais tuée sur place.
Je l’ai réveillé à l’aube. Il pleuvinait encore, mais les rayons de soleil réussissaient à s’infiltrer parmi les nuages. Ils ne resteraient pas longtemps, et tant mieux.
Le vent était déchirant, capable de croquer la chair et les os. On s’est couvertes jusqu’au cou. Je lui ai confié un pistolet pour couvrir nos arrières, mais la vérité, j’aurai préféré ne pas le faire…
Je grimpe une butte trempée pour observer l’horizon : brumeux et humide. Impossible de savoir ce qu’il y avait devant. Il n’y avait que des formes indistinctes, qui pouvaient faire penser à tout et n’importe quoi.
— De souvenir, il y a un village plus loin, m’informe Laetitia dans un bruissement.
— Tu connais le coin ?
— J’habite plus à l’ouest, alors… oui. J’ai dû passer à côté pour venir. C’est un chemin retour pour moi.
— ça n’a aucun intérêt, de rebrousser chemin. Allez.
Je descends la butte, me concentre sur les chuchotis lugubres de la nature. Le frottement de l’herbe et des fourrures ; la lutte des branches d’arbres entre elles ; le faible chant d’un rouge-gorge, rend le silence pesant. Je me conforte dans cette atmosphère sans histoire apparente.
Brisée par la voix de Laetitia.
— Aucun monstre n’a hurlé hier soir.
Remarque très pertinente.
— C’en est presque étrange. Restons vigilantes.
Elle acquiesce, me suit sans rien ajouter. Parfois elle zieute derrière elle, aux aguets et la respiration rapide. Elle ne sait pas distinguer les bruits dangereux de simples souris qui courent entre nos pieds. Son innocence est presque adorable, si on oublie le contexte dans lequel on se trouve.
La pluie cesse, la brume commence à se dissiper. Je vois au-loin une première pierre humaine. Une maisonnette vieille de plusieurs siècles, sur le point de céder. Massacrée par quelconque explosion qu’elle a pu subir. Je distingue la silhouette cadavérique d’un monstre éventré, aussi sec qu’un saucisson. Répugnant.
Les autres maisons ne tardent pas à nous apparaitre, et nous à nous rapprocher. Un petit village en façade de colline, réputée pour sa laine, à en croire la pancarte à l’entrée de route. Le nom s’est effacé avec le temps.
— Cherchons un commerce ou on pourrait probablement trouver de quoi se nourrir, je suggère sans quitter la rue des yeux.
— Je crois qu’il y a une épicerie sur la place centrale, répond Laetitia. Un tabac aussi.
— Bien. Prudence est maitresse de vie.
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