Lundi 1er Octobre 1990

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Gageac, Lundi 1er Octobre 1990

Anna resserra son écharpe autour de son cou et pressa le pas. Elle avait l'impression que quelqu'un la suivait depuis un bon quart d'heure, mais à chaque fois qu'elle s'était retournée, elle n'avait vu qu'une rue déserte, battue par la pluie.

- Anna, attendez…

La jeune fille s’arrêta, elle connaissait cette voix, c'était celle de l'homme vautour.

Il portait toujours la même redingote aux manches trop courtes et tenait à la main Le trèfle à quatre feuilles qu’elle avait pourtant jeté dans la tombe il y avait de cela plusieurs années.

- Les choses ne sont pas toujours ce que l'on croit, il arrive parfois que la vie nous…

- Vous m'avez déjà dit tout cela, à l'enterrement, l'interrompit Anna, vous pouvez le garder votre vieux trèfle tout ratatiné, ça n'a pas marché la dernière fois, alors…

- Votre mère doit revenir demain…

- Cela suffit ! J'en ai assez de vivre avec de faux espoirs, mon père me prend pour une folle et la plupart de mes camarades de classe aussi.

- Il n'y a rien de mal à garder l'espérance.

- Qui êtes-vous pour me donner des leçons ?

- Je suis Bertrand DEVIN.

- Le copilote ?

- Oui, tout est de ma faute, avant de partir, j'ai trouvé ce trèfle à quatre feuilles sur le sol dans l'aéroport, j'ignorai à qui il appartenait, je l'ai ramassé en faisant le vœu de connaitre l'avenir, et puis, l'avion a été propulsé dans le futur avec tous les passagers. Mais à présent, je le sais, il appartenait à votre mère.

- Quoi donc ?

- Le trèfle ! Je voulais le lui rendre, mais elle a refusé. Elle ne voulait pas rentrer. J'ignore pourquoi, et je ne sais pas non plus ce que sont devenus les autres passagers et membres d'équipage.

- Que voulez-vous de moi ?

- Vous êtes la clé du mystère, prenez cela, dit-il en lui tendant le minuscule porte bonheur.

- Que va-t-il m'arriver si je l'accepte ?

- À vous rien, mais ainsi vous me libèrerez de cette malédiction. J'erre dans le temps sans jamais pouvoir me fixer quelque part. Il y a moins de cinq minutes pour moi, j'étais avec vous à l'enterrement et à présent, je suis ici cinq ans plus tard.

Anna arracha le trèfle des mains du copilote. Rien ne se passa, Bertrand était toujours là, regardant la jeune femme avec étonnement.

- Bon, alors qu'est-ce que je fais maintenant ?

- Je n'en sais rien !

L'homme vautour semblait réfléchir, puis tout à coup il eut une idée qu'il s'empressa d’exposer.

- C'est vous qui avez donné ce trèfle à votre mère ?

- Non, c'est mon père qui l'a trouvé le jour où ils se sont rencontrés.

- C'est donc à lui que je dois le donner.

- Pourquoi ?

- Pour rompre la magie qu’il contient. Cela fera revenir votre mère.

- Attendez un instant, vous m'avez déjà donné ce trèfle, à l'enterrement, vous vous souvenez ?

- Oui.

- Je l'ai jeté sur le cercueil, dans la tombe ! Ce n'est donc pas le même ?

- Si, mais cela prouve que je ne l'ai pas donné à la bonne personne,

Thomas sorti à ce moment de la maison.

- Il me semblait bien avoir entendu parler ! Rentre ma chérie. Et vous monsieur, que faites-vous là ?

- Papa, tiens.

- Qu'est-ce que c'est ?

- C'était à maman, tu te souviens ?

A l'instant où Thomas pris le minuscule porte bonheur, Bertrand poussa un soupir de soulagement, émit un son rauque de surprise avant de disparaitre comme s’il n'avait jamais existé.

Thomas regarda l’emplacement où le copilote se trouvait quelques secondes auparavant.

- Qu'est-ce que c'était ? Demanda-t-il avec étonnement.

- Rien qu'un mauvais rêve, allez, viens, rentrons, nous allons attraper froid.

Gageac, Mardi 02 octobre 1990

Anna et Thomas mangeaient en silence devant la télévision. Dans le salon, le chat Ballo somnolait devant un feu de cheminée qui réchauffait la pièce.

Dehors, la pluie tambourinait bruyamment sur le toit de la véranda, et le froid formait des perles de buée sur les vitres. Quelqu'un frappa à la porte.

Thomas regarda Anna pour s'assurer qu'il avait bien entendu. Puis il se leva pour aller ouvrir.

- Mon dieu, Liliane !

Anna se précipita à son tour, mais elle n'avait pas besoin de la voir pour savoir que c'était bien elle.

- Maman ! Rentre vite, tu va attraper froid sous cette pluie, je vais te chercher une serviette.

Pendant qu'Anna se précipitait à l'étage, Thomas regarda longuement Liliane. Elle n'avait pas vraiment changé après toutes ces années. Mais les retrouvailles ne furent pas un moment de joie et de partage comme Thomas se l'était imaginé. Liliane ne savait pas comment expliquer son absence. Elle avait fait un voyage dans le futur et elle avait vu Anna alors âgée de quatre-vingt-quinze ans. Cette dernière lui avait remis une liste de dates de supposés attentats qu'elle devrait contrecarrer. Cette vieille folle l'avait prise pour l'équivalent féminin de James Bond !

Mais ce trait d'humour n'amusa pas du tout Thomas qui restait là à regarder cette femme, une étrangère à présent, débiter des inepties.

- Ce n'est pas la peine de raconter des histoires pour justifier ton absence !

- Mais c'est la vérité !

- Dans ce cas, où sont passés les autres passagers ?

- Je l'ignore ! Je parlais avec Gram, le superviseur de la tour de contrôle, quand je me suis retrouvée sous la pluie près d'ici et j'étais seule.

- Bien sûr ! Et moi, je suis la reine d'Angleterre !

- Mais regarde ce document ! Cela prouve que j'ai raison !

- Cela ne prouve rien du tout. Si tu voulais me quitter, il fallait juste me le dire au lieu d'imaginer une histoire aussi farfelue ! Quand je pense que j'ai pleuré à ton enterrement, tu devais bien rire de me voir ainsi ! As-tu au moins pensé à Anna ? J'ai bien cru qu'elle ne s'en remettrait jamais.

- Thomas… je suis désolée.

- C'est trop tard à présent. Et puis, j'ai rencontré quelqu'un…

- Je sais, elle s'appelle Lucie.

- Je vois… tu nous as surveillé pendant toutes ces années et à présent que je vais enfin être heureux, tu reviens, comme ça, sans prévenir ! Donne-moi ça !

Thomas arracha le papier des mains de Liliane et le jeta dans la cheminée.

C'était la liste qu'Anna avait soigneusement détaillée, il y avait des noms, des lieux, des dates, mais, Liliane n'aurait pas l'occasion de changer le cours du temps puisqu'elle n'avait pas encore lu le document, qui brulait dans la cheminée.

Vendredi 02 Octobre 2065, Maison médicalisée des Acacias, Bron

Anna coupa la communication visuelle avec sa mère, elle soupira en songeant à toutes les choses qu'elle aurait voulues lui dire. Mais le plus important c'était de sauver ces milliers de vies humaines, elle avait fait le bon choix et cette liste c'était l'œuvre de toute une vie, des années passées à chercher le moindre indice, à interroger des témoins, à trouver des pistes de réponse. Liliane en ferait bon usage, elle en était sûre.

Si seulement elle avait eu plus de temps, elle lui aurait parlé de cet accident qui la laisserait paralysée et clouée au lit pour le restant de ses jours, et aussi du meurtre de Chloé, sa meilleure amie, et de Thomas… Mais que dire de lui sinon qu’il les avait abandonnées au moment où elles en avaient le plus besoin. Si seulement … Anna ferma les yeux, sur le monde à la dérive, elle était lasse de cette vie interminable qui s’achèverait bientôt elle en était sûre. Grâce à elle, le passé serait complètement réécrit et le futur aussi beau qu'un rêve.

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