Chapitre 14 : Aïna et Laïus, duo d'enquêteurs

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Je fais les cents pas dans le bureau pour réfléchir à la façon de procéder, sous l'œil attentif de Laïus, qui reste parfaitement immobile.

  • Les responsables du domaine affirment ne rien savoir, mais peut-être que les domestiques ont vu ou entendu des choses. Il faudrait les interroger.
  • Je peux m'en charger pour vous, propose l’intendant.
  • C'est gentil, mais je pense qu'à deux, nous serons plus efficaces. Je vais commencer par mes femmes de chambre.
  • Bien, Madame, dit-il en inclinant la tête.

*

  • Entre, Laïus !

La porte du bureau s'ouvre sur l'intendant. Il se courbe et la referme.

  • Alors ? le pressé-je. As-tu appris quelque chose ?
  • Malheureusement, rien, Madame, dit-il en secouant la tête d'un air navré. Tous les esclaves du château ont vu l'intendant partir, mais aucun n’a la moindre idée de ce qu'il comptait faire.
  • Elles m’ont répondu exactement la même chose, avoué-je en baissant la tête.
  • C’est étrange. . .
  • Quoi donc ?
  • Comment est-ce que tous les serviteurs ont pu voir l'intendant quitter le château ? Ils sont censés vaquer à différentes tâches dans divers coins de la demeure. Il est difficilement possible qu'ils aient tous vu l'intendant sortir, à moins que ce dernier ne les ai volontairement réunis, mais ce n'est pas ce qu'ils ont affirmé.
  • Tu penses qu'ils nous cachent des choses ? demandé-je en écarquillant les yeux.
  • Pour qu’ils aient l’audace de nous dissimuler des informations, c'est qu'elles sont suffisamment graves pour les condamner à mort. . .

Mes poings se serrent.

  • Laïus, je t'en prie : n’en parle pas au comte. Pas pour l'instant, du moins.
  • Vos désirs sont des ordres, dit-il en s'inclinant bien bas.
  • Merci.

Je m’assieds sur mon fauteuil et lui fais signe de prendre place face à moi. Pendant qu'il s'installe, je lui demande :

  • Que pouvons-nous faire d’autre pour découvrir la vérité ?
  • Je vais relire attentivement tous les documents laissés par mon prédécesseur. Je remarquerais peut-être quelque chose auquel je n'avais pas fait attention.
  • A-t-il laissé des effets personnels ? Ils pourraient nous révéler des choses intéressantes.
  • Les esclaves en ont peu, mais plus leur poste est important, plus ils peuvent acquérir de possessions. Je vais voir ce qu’il est advenu des siennes.
  • Elles n'ont pas simplement été léguées à sa famille ?
  • C'est un peu plus compliqué. Quand un esclave meurt, son maître a le droit de récupérer toutes ses affaires, étant donné que c'est généralement lui qui les lui a données. Il est cependant rare qu'il en veuille. Ce sont souvent des objets sans valeur matérielle. Si l'esclave a une famille, elle peut alors récupérer ce qui lui appartenait. Sinon, tout est partagé entre les autres esclaves de sa maison ou vendu. Il faut que je vérifie ce qu'il en est des possessions de l'ancien intendant.
  • Laisse-moi lire les documents qu’il a laissés, dans ce cas. Nous avancerons plus vite.
  • Comme il vous plaira, Madame. Je vous les apporte tout de suite en main propre, ajoute-t-il en se levant.

Je fronce les sourcils. Maintenant que Laïus suspecte les domestiques de nous cacher des choses, il ne leur fait plus confiance. S’il tient à m’apporter personnellement ces papiers alors qu'il pourrait parfaitement confier cette tâche à l’un de ses subordonnés, c'est qu'il les pense capables de subtiliser les documents compromettants entre-temps. Je ne veux pas penser le moindre mal de l'un de ces pauvres serviteurs, mais je ne peux pas m'empêcher de repenser à la crainte de mes femmes de chambre, pendant que je les interrogeais. Elles qui sont d'habitude si à l'aise avec moi fuyaient mon regard et se tordaient les doigts. Elles semblaient terrifiées !

“Plutôt coupables.”

Je sursaute presque et secoue la tête pour chasser cette pensée fugace de mon esprit. Comment ai-je pu me dire une chose pareille ?

*

Je prends une nouvelle feuille et m’étire. Les nombreuses heures passées sur ce fauteuil commencent à m’engourdir. Je fais quelques pas dans le bureau pour me reposer. Je n'ai toujours rien trouvé qui explique la raison pour laquelle le défunt intendant est sorti de la bulle du domaine. Les seuls qui en savent probablement quelque chose sont les esclaves de ce château, mais ils ont peur de nous en parler. Laïus a dit que c'était certainement parce que ces informations les condamneraient. C'est donc quelque chose qui pousserait leur maître à les tuer si jamais il l'apprenait. Qu'est-ce que ça peut bien être ? Le fait que l'ancien intendant soit sorti pour agir contre les intérêts du comte ? Non, ils auraient eu tout intérêt à le rapporter pour prouver leur dévouement.

Trois coups contre la porte me tirent de mes réflexions.

  • C'est toi, Laïus ?
  • Oui, Madame.
  • Entre, je t'en prie !

Il s'exécute et pose une boîte sur le bureau en m'annonçant :

  • J'ai retrouvé toutes les anciennes affaires de mon prédécesseur. Certains esclaves se les étaient partagées. J'ai eu beau les examiner attentivement, je n'ai rien trouvé qui puisse apporter une réponse à nos questions.

J'observe la boîte. Elle est bien petite. Si un serviteur plutôt bien placé comme un intendant n’a que ça, qu'en est-il des autres ? Ont-ils seulement autre chose que les vêtements qu'ils portent sur le dos ?

Mes sourcils s’affaissent face à ce triste constat. Mon partenaire de recherches le remarque :

  • Est-ce que tout va bien, Madame ?
  • Oh, euh. . . Oui. Ne perdons pas espoir, Laïus. Je n'ai pas encore fini de relire tous les documents laissés par ton prédécesseur. Je vais d'ailleurs de ce pas me remettre au travail.
  • Je crains que ce ne soit pas possible, Madame, déclare-t-il d’un air contrit. Il est l'heure de dîner. Monseigneur et Madame de Véresbaba sont rentrés. Ils vous attendent dans la salle à manger.
  • Oh. . . Fort bien. Je vais les rejoindre sans plus tarder, dans ce cas. Je reprendrai la lecture des parchemins demain.
  • Vous pourrez compter sur moi, m’assure l'intendant.

Je me frotte les yeux et l’observe plus attentivement. J’ai dû rêver. . . Pendant un bref instant, j'ai cru le voir sourire.

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