Chapitre 2- Pine Hills.

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L’air était plutôt doux, pour un mois de Février. Enfin, frais, mais moins qu’à l’accoutumée… Le parc, à deux minutes à pieds, consistait en une petite colline boisée en plein milieu du vieux centre, encerclée par la rivière qui passait tout autour…
Comme au-dessus de douves, il fallait franchir un pont pour y accéder. Comme attendu avec la pluie, il n’y avait pas foule. Avant d’atteindre le banc abrité du milieu de la montée, Harry ne croisa qu’une dame âgée promenant son teckel, et deux joggeuses forcenées, trempées jusqu’aux os… Autant dire que les rangs du foyer de résistance des vivants de Palimburgh s’étaient considérablement réduits.
Comme il arrivait à destination, il constata que le banc était déjà occupé. Une femme brune fumait, accoudée sur son bras, en contemplant la ville d’en haut… Elle tourna la tête vers lui tandis qu’il approchait. Harry fut saisi par l’intensité de son regard, d’un bleu profond, qu’il trouva magnifique. Elle ne lui était assurément pas déplaisante, plutôt très jolie, même. Et c’est de sa propre absence totale de trouble, dont Harry s’étonna. Il trouvait, pour tout dire, un charme parfait à cette femme.

Elle s’adressa à lui:
« J’ai pris votre place. fit-elle, au ton de l’évidence.
– C’est ici que je viens habituellement. »
Il ne sut qu’ajouter… Il décida de la rejoindre, et réalisa du même coup qu’il s’était proprement arrêté de marcher.
« Vous venez vous asseoir? dit la femme en souriant… Vous allez être trempé, si vous restez comme ça! »
Une fois de plus, Harry fut surpris de l’aise qu’il éprouvait… Dans cette posture, bras ballants, figé sous la pluie, il se serait empourpré de honte devant la première jolie dame, jusqu’à trébucher dans un demi-tour précipité… D’habitude si gêné en présence d’inconnus, la dame au teckel l’aurait elle-même d’autant impressionné. Néanmoins, la voix de l’inconnue l’apaisa tant qu’il vint s’asseoir à côté d’elle dans la quiétude dont il n’aurait su faire preuve qu’aux côtés d’une amie de longue date…
« Je m’appelle Catherine, Kate. Et vous? demanda-t-elle…
– Je m’appelle Harry. »
Il hésita.
« Est-ce que… Nous sommes-nous déjà rencontrés?… »
Elle l’évalua un instant, semblant réfléchir…
« Si c’est le cas, alors cela fait vraiment très longtemps. » finit-elle par répondre…
« Assez de temps pour que vous m’apparaissiez en parfait étranger. Pourtant… »
Elle tira sur sa cigarette. Harry en sortit une de son paquet.
« J’ai l’impression qu’on se connaît. fit-il.
– Moi, c’est pareil. » dit-elle, en regardant le ciel. Puis, se tournant vers lui:
« C’est bizarre, hein? »

La dénommée Kate le regardait fixement, d’un regard magnifiquement sincère, simple et doux… Rien ne laissait suggérer qu’elle s’amusât de l’ironie du constat. Pas plus qu’Harry ne s’en amusait lui-même, en réalité… Cette rencontre était-elle vraiment des plus spéciales?… Car, à bien y penser, elle paraissait des plus simples, tout au contraire, des plus évidentes… Comme si un feu venait de prendre en lui, Harry sentit son cœur irradier littéralement. Il lui sembla qu’un amour et une paix infinis s’en épanchaient tout à coup…
Et Kate lui parut soudain comme une étincelle resplendissante de vie, et qu’il lui fallut éminemment et instamment chérir… Dès l’instant, il eût la certitude que rien ne compterait plus, pour lui, davantage que cela. Celle aux côtés de qui Harry venait de prendre place, et qu’il avait cru n’être l’objet que d’une banale rencontre quelques secondes plus tôt, venait tout à coup de se changer en une fleur fragile, si belle et si vivante que manquer à son soin serait devenu si inenvisageable que même la mort ne le justifierait pas; en un joyau précieux dont il lui faudrait sans cesse prévenir l’éclat… Était-ce trop?… Avait-il jamais éprouvé pareille sensation, par le passé?
Au fond de son cœur, Harry se demanda si ce moment n’avait pas été l’objet de l’attente de toute sa vie… Cela aurait pu sembler fou au premier témoin de ces pensées, mais pour Harry, tout ce qui paraissait délirant, à présent, était le rêve dont il venait de se réveiller, et dans lequel Kate n’avait jamais existé…
Il n’avait effectivement, de tout ce qu’il ressentait en cet instant, pas l’ombre du moindre doute…

Elle le regardait toujours, silencieuse, en souriant.
Et comme elle rougissait tout en le fixant, il sourit également.
Alors ils s’embrassèrent.
Promptement. Sur les lèvres…
Comme deux enfants vivant leur premier amour.
Exactement comme ça.
Puis, ils se dévisagèrent…
« … Vraiment très bizarre. » chuchota-t-elle.

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