La chasse

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Je ne sais pas comment tout est parti en vrille ? Comment tout s’est déréglé ? Mais, j’en situerais les premiers signes lors de cette chasse au fugitif qui s’est tenue il y a environ deux ans sur Alcinia. La planète blanche. Là, où j’ai été créé et, où ma propriétaire Soreen d’Assingart m’a acquis pour la modique somme de 150 crédits Alciniens.

Alors que je suis le dernier survivant de cette épopée, et que mon liquide vital s’écoule peu à peu sans que je puisse bouger pour me réparer, je veux tout raconter. Je veux qu’il en reste une trace. Je veux témoigner que ma très estimée Soreen, maîtresse des terres brûlantes d’Assingart, n’était pas traîtresse à sa patrie. Mais, qu’elle a été victime d’une perfide machination.

Oui, tout à débuté à l’époque où elle était encore officier supérieur dans la puissante armée d’Alicinia. Approchant des quarante années de service militaire, elle devait prendre une retraite bien méritée dans quelques mois et se retirer sur ses terres. Là, elle devrait donner vie à sa succession et diriger cet immense territoire jusqu’à sa mort.

Cependant, elle commença, un peu avant la date prévue, à se comporter de façon étrange. Du moins, d’une manière qui n’était pas autorisée par les lois de notre planète. Ainsi, un jour, je l’assistai lors d’une chasse à laquelle elle participait en compagnie de plusieurs de ses officiers subalternes. Nous avions quitté la capitale pour rejoindre une étendue désertique et rocheuse plus au sud. Là, je posai notre navette. Puis, les traqueuses se préparèrent afin de pouvoir ensuite se diriger vers le lieu où avait été signalé le fugitif.

Les trois jeunes officiers étaient surexcitées par la chasse. Toutes, les cheveux parfaitement rasés, portaient une tenue de campagne qui mettait particulièrement en valeur leur impressionnante musculature. Soreen, plus grande et longiligne, se distinguait de ses subordonnées par son âge, même si son visage ne semblait pas marqué par les années et les responsabilités. Un regard vert pétillant éclairait sa figure, qu’elle avait par ailleurs fort jolie. En outre, son port de tête altier et ses manières aristocratiques l’identifiaient immédiatement comme faisant partie de l’élite appelée à diriger la planète.

L’une des jeunes femmes envoya l’un de ses drones de repérage situer plus précisément l’individu en fuite. C’était sans doute l’un de ces mineurs échappés des mines de Zart. Le gouvernement y condamnait aux travaux forcés tous les déviants. Tous les humains en dysfonctionnement qui pouvaient générer des troubles et compromettre la tranquillité de tous sur Alcinia. L’extraction du Kyonium, un minerai servant à la propulsion spatiale, étant particulièrement délicate, de ce fait les humains y étaient indispensables. Et quoi de meilleur marché que des détenus exploités à peu de frais. Mais, parfois, certains forçats particulièrement dangereux s’enfuyaient de ces lieux et, c’était un plaisir et un privilège pour les membres de l’armée de les traquer sans merci et de les détruire.

Pendant que je restais assigné à la garde notre aéronef, Soreen et ses compagnes montèrent chacune sur un AirRider (un sorte de véhicule individuel volant dans les airs). Elles avaient toutes chaussées, par ailleurs, des lunettes retransmettant en direct les indications du drone et étaient reliées à moi en parallèle.

Bien vite, elles tombèrent sur le fugitif qui se cachait derrière des rochers. Ce dernier, à bout de souffle, hurla lorsque l’une des femmes le tira vers un espace plus dégagé.

- Voyez tous ces muscles, qu’il est laid, on dirait une femme ! Grimaça l’une d’elles.

- Moi, muscles ou pas, je lui ferai bien goûter quelque chose avant de le tuer ! Ricana la deuxième.

- Delanda, tu es vraiment obsédée ! Lança la troisième. Puis, les trois officiers commencèrent à chahuter.

Pendant ce temps, le forçat évadé tremblait de tous ses membres et semblait grommeler une sorte de prière dans sa barbe.

- STOP ! Cria Soreen en direction de ses trois subalternes turbulentes. Puis, elle s’approcha plus près de l’homme pour écouter ses paroles. Il s’agissait d’une sorte de complainte qu’elle reconnut aussitôt. A ce moment, elle interpela les trois militaires :

- Lico a un problème. Des Sharmaks attaquent la navette et ses armes sont enrayées. Ces monstres des sables risquent d’endommager notre transport ! Filez , je me charge de « terminer » ce déviant.

Les trois jeunes femmes s’exécutèrent immédiatement et s ‘éloignèrent à toute vitesse sur leurs engins volants. A ce moment, Soreen me contacta discrètement sur une liaison privée :

- Dis leur que tu as fait fuir des démons des sables lorsque ton laser a fonctionné de nouveau !

- Mais, c’est que… Bredouillai-je.

- Lico, c’est un ordre !

J’obéis. Il y avait bien longtemps que Soreen avait bricolé mes fonctionnalités afin que ses ordres priment sur les lois d’Alcinia programmées par défaut dans mes circuits.

Lorsque les jeunes militaires atteignirent la navette et que je leur servis le conte ordonné par leur officier supérieur, elles étaient plutôt déçues. Pour une fois qu’il y avait, potentiellement, un peu d’action.

Pendant ce temps, Soreen avait interrogé le fugitif :

- D’où tiens-tu cette complainte homme ?

- De Dinaah d’Isguir. J’étais l’un de ses protégés.

« Dinaah » Il y avait bien longtemps que l’officier n’avait pas entendu ce nom. C’était celui d’une de ses camarades de combat bien des années plus tôt. Elles avaient fait partie d’un petit détachement fourni par le gouvernement d’Alcinia à l’immense coalition qui s’était constituée pour repousser leur ennemi commun : les Darns. Dinaah lui avait sauvé de nombreuses fois la vie lors des combats épiques contre la chasse adverse. Cependant, à leur retour de la guerre, son amie avait beaucoup changé. Soreen avait entendu dire qu’elle avait viré déviante, puis qu’elle s’était donnée la mort en prison. Du moins, c’était la version officielle. L’officier, se remémorant les glorieux faits d’armes de sa collègue pilote, décida que c’était enfin le moment de lui rendre la pareille.

- Comment te nommes-tu, homme ?

- Mirko… Murmura le fugitif toujours aussi tremblant.

- Veux-tu vivre Mirko ?

- …

L’homme restait muet, interdit, interrogeant l’officier du regard pour sonder ses intentions.

- Veux-tu vivre, abruti ?

- Euh… Oui.

- Bien ! Je vais désactiver ton collier. J’ai ce qu’il faut pour le faire sans te tuer.

L’homme attendait la suite toujours inquiet. Il savait que tenter de retirer le collier provoquait la mort instantanée. Mort qui aurait pu être déclenchée à distance par les gardiens des mines. Mais, ces derniers préféraient que l’armée s’amusent en les poursuivant de façon impitoyable. La vie ainsi ôtée, souvent de façon beaucoup plus violente, démotivait un moment la majorité des autres forçats de tenter leur chance. Sauf, s’ils voulaient se suicider en mourant dans d’atroces souffrances.

- Voilà, ton collier est retiré. L’homme se massa le cou. Il y avait bien longtemps qu’il n’avait senti cette sensation.

- Merci.

- Ne me remercie pas. Remercie plutôt cette chère Dinaah. Maintenant, nous sommes quittes. S’il n’y avait que moi, je t’aurais abattu comme le Sharmak que tu es ! Maintenant, cache-toi, je reviendrai te chercher à la nuit tombée. Et pour être certaine que tu seras encore là, en retirant le collier je t’ai injecté une nano-bombe que moi seule peut désamorcer. Donc, ne tente pas de t’enfuir. Je serai sans pitié la prochaine fois !

L’homme acquiesça de la tête et retourna se dissimuler derrière les rochers tous proches.

Peu de temps plus tard, Soreen revint à la navette. Là, elle jeta sur les genoux d’une de ses camarades, le collier désactivé du fugitif prouvant qu’il avait bien été « terminé ». Puis, elle m’ordonna de rentrer en ajoutant un clin d’oeil. J’espérais bien qu’elle me donnerait plus tard des explications sur son inquiétant comportement.



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