Un invité encombrant

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       Dans la nuit, Soreen revint récupérer le forçat évadé sans mon aide avec son véhicule personnel. Elle retrouva l’homme au même endroit qu’elle l’avait laissé. Il était grelotant de froid et affamé. Elle le cacha dans les soutes de son engin, lui signifia de se taire et s’envola en direction de la Capitale.

      Là, elle croisa une patrouille qui l’interpela à l’entrée de la ville. C’était la brigade des moeurs qui vérifiait si les humains circulant disposaient bien de toutes les autorisations nécessaires. Elle présenta son laisser-passer permanent aux androïdes qui explorèrent tout de même rapidement son aéronef de leur yeux scanners. Mais, ils ne détectèrent rien d’anormal. L’encombrant passager de Soreen était bien dissimulé dans un compartiment fait d’un métal qui le rendait invisible aux regards des brigadiers. Elle y transportait plus généralement des breuvages interdits ou des produits détaxés en provenance des territoires reculés de la planète. 

      Quelques temps plus tard, elle fut de retour à la maison. J’accourus dès son atterrissage avec un coffre volant qui lui permettrai de dissimuler son invité des drones de surveillance qui naviguaient en permanence dans le quartier. Ayant atteint l’intérieur de la demeure, Loam, le garçon de plaisirs, vint nous rejoindre plutôt intrigué. Alors que nous gagnâmes une petite pièce en sous-sol, il fut surpris en découvrant le contenu du coffre.

    - Que… Qui est cet… homme ? 

    - C’est Mirko, l’un des hommes de plaisirs de Dinaah.

     - Dinaah la déviante ? Mais, tu as perdu la tête Soreen. Tu as vu son allure ? Comment pourrait-il te satisfaire dans l’état où il est ?

     - Cher Loam, il n’est point question de bagatelle, mais juste de fidélité à une parole donnée à mon amie défunte.  Et enfin, ai-je à te donner des explications sur ce que je décide. Retourne à tes fards et parfums !

    Le garçon bouda, choqué des paroles très dures de sa maîtresse. Soreen n’était pas coutumière du fait. Elle était plutôt ouverte et juste, laissant beaucoup de liberté à son jeune compagnon. Ce dernier régissait tout dans la maison, son domaine. Il en allait ainsi dans tous les foyers. Les Alciniennes pouvaient posséder jusqu’à cinq compagnons de plaisirs selon leurs appétits et leur rang dans la société. Bien qu’elle aurait pu en obtenir beaucoup plus, Soreen se contenta d’un seul. Elle aimait la solitude et la méditation. Elle ne voulait pas s’encombrer d’une maisonnée bruyante et trop exigeante.

   Loam alla chercher un peu de nourriture à l’étage, puis revint avec un plateau bien fourni. Le forçat se jeta sur les mets délicieux préparés avec soin par le garçon.  Rassasié, il se détendit un peu et s’adressant à la propriétaire des lieux : 

    - Elle parlait beaucoup de vous, vous savez.

    - Qui ?

    - Ma maîtresse, Dinaah. Elle m’a tout raconté de ses exploits lors de la guerre contre les Darns. Vous étiez son amie, non ?

    - Oui, nous étions très proches. Que lui est-il arrivé ?

    - Quand elle est revenue de la guerre, elle était transformée. Elle commença à prendre des garçons de plaisirs, mais elle ne nous touchait pas. Au lieu de ça, elle nous apprenait à déchiffrer l’écriture Alcinienne, nous enseignait les sciences et l’art du combat. Elle disait qu’un jour tout ça nous servirait. Cependant, l’un de nous n’apprécia pas du tout ce traitement. Il avait été élevé depuis les couveuses artificielles pour satisfaire en tout point une femme. Et il n’avait pas l’intention d’en devenir une en s’appropriant leur savoir sacré. Il l’a dénonça à la brigade des moeurs. Et depuis ce jour, nous avons tous été condamnés pour déviances et séparés. Je n’ai su qu’il y a peu que Dinaah était morte en maison de rééducation. Qu’elle s’y était suicidée. Peu après, j’ai décidé de m’enfuir pour mourir libre à mon tour.

    L’homme était en pleurs lorsqu’il termina son récit. J’observai Soreen qui était émue elle aussi. Elle comprenait son amie. Cette guerre les avait changé en profondeur. Les quelques étrangers qu’elles avaient croisés avaient d’autres moeurs et semblaient plus libres et plus heureux. L’idée de ne pas revenir lui avait même traversé l’esprit. Mais, sa patrie, sa terre d’Assingart et les responsabilités qui l’y attendaient étaient bien plus forts que ses envies de liberté. 

    - Qu’allons nous faire de cet homme ? Osai-je dans le climat pesant qui s’était installé dans la pièce.

    - Nous allons le garder ici caché quelques mois. Le temps que je termine ma période militaire. Ensuite, je le mettrai dans mes bagages avec vous deux lorsque je gagnerai mes terres d’Assingart. 

    Je regardai Loam qui baissait la tête. Visiblement cette intrusion le perturbait au plus haut point. Soreen pouvait compter sur ma loyauté sans faille, mais pouvait-elle faire confiance à son garçon de plaisirs ? 

    Peu après avoir installé un lit pour le fugitif, nous remontâmes à l’étage. Là, les deux humains allèrent se coucher pendant que je me plaçais en veille pour le reste de la nuit. Une veille toute relative, parce que mon unité centrale ne cessait de travailler en étudiant tous les risques et impacts générés par cette dangereuse situation. 


      

      

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