Le Prince

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Curieusement, bien après avoir quitté le palais, Soreen gardait bien vivace l’image du prince dans ses pensées. Comme si ce dernier avait gravé son visage dans son esprit.

Au soir, alors qu’elle rentrait chez elle, elle eut droit à un comité d’accueil plutôt déterminé à lui faire changer d’avis au sujet de son invité. Elle eut ainsi la surprise d’y trouver sa meilleure amie Deandry d’Ostria qui avait quitté son poste au commerce extérieur et qui semblait préoccupée :

- C’est Loam qui m’a demandé de venir avec tellement d’angoisse dans la voix que j’ai quitté précipitamment mon travail pour venir ici. Lorsqu’il m’a tout expliqué et que j’ai su l’objet de son tourment, j’ai jugé que je devais t’attendre pour en discuter.

- Loam, sale traître. Va-t-en, hors de ma vue !

Le jeune homme, furieux, quitta la pièce.

- Ne le blâme pas. Il a fait ce qu’il devait. Alors qu’il aurait pu avertir les autorités, il a préféré m’appeler. Franchement, Soreen, as-tu perdu la tête ? Amener ici un fugitif, c’est du suicide ! Lico m’a dit que tu voulais l’emmener chez toi à Assingart. Mais, d’ici là, combien de fois pourra-t-il être découvert par les sbires du palais ? C’est de la pure folie !

- Je n’ai rien de mieux à proposer pour le sauver. Je le dois bien à Dinaah.

- Nous devons toutes quelque chose à Dinaah. Mais, pas au prix de ta propre vie. Je te propose une autre solution. Je le prendrai avec moi dans une semaine lorsque j’effectuerai mon prochain voyage d’affaire en dehors d’Alcinia. Là, je paierai des contrebandiers pour qu’ils l’emmènent bien loin de notre système.

- C’est une très bonne idée. Je te remercie de m’aider.

- Je ne le fais pas pour toi, mais pour Dinaah. D’ici là, évite de te faire remarquer !

- Difficile de ne pas me faire remarquer, j’ai une mission au palais. Au service de notre divin prince figure-toi.

Lorsqu’elle nous conta son incroyable entrevue avec le fils de la souveraine, nous étions émerveillés, mais aussi un peu inquiets. C’était la première fois que nous la voyions aussi bouleversée par un garçon. Avec sa situation, sa beauté et ses exploits, elle aurait pu avoir qui elle voulait, mais elle avait toujours décliné les propositions. J’avais toujours pensé qu’elle cherchait un homme d’exception. Mais, qu’elle ne l’avait jamais trouvé. Jusqu’à aujourd’hui.

Cependant, cet homme exceptionnel n’en était pas réellement un. C’était plutôt un mutant. Une créature hermaphrodite qui vivait homme durant sa jeunesse et qui, à l’âge d’enfanter, évoluait en femme. Au moment de cette mutation, il s’opérait aussi une auto-fécondation qui donnait naissance à un jeune mâle après une très longue gestation. Cette transition du jeune prince en une nouvelle être suprême était à la base de la culture et des lois alciniennes. C’était ce qui expliquait la primauté du féminin sur le masculin. Le féminin étant définit comme l’évolution parfaite de l’être humain. De ce fait, la composante mâle de l’espèce était jugée comme inférieure et tout ce qui s’y référait était considéré comme de seconde zone ou revêtant une moindre importance. Les garçons étaient exclus de l’éducation et, leur unique rôle dans la société était de rendre agréable la vie des femmes.

Ces moeurs Alciniennes, jugées discriminatoires, étaient condamnées par une majorité de peuples de la communauté interstellaire, ce qui avait entraîné de longue date un repli sur soi du gouvernement de la planète. Seul un très petit nombre d’habitants d’Alcinia étaient habilités à voyager à l’étranger. Et c’était essentiellement dans le cadre de transactions commerciales autour de l’échange de Kyonium contre des produits ou des matières premières dont ne disposaient pas les alciniens.

Après avoir refusé de passer la nuit avec Loam, Soreen se rendit le lendemain au palais à l’heure du rendez-vous fixé par le prince. Ce dernier, comme chaque matin, devait assister au lever de sa mère, l’être suprême, en compagnie des androïdes supérieures. Puis, alors que cette dernière poursuivait sa matinée en d’intenses méditations, il vaquait à ses propres occupations, essentiellement centrées sur son éducation politique et militaire.

Vêtu d’une longue tunique fluide blanche serrée à la taille, le jeune homme apparut dans l’allée au fond du jardin. Sa démarche souple et ondulante avait quelque chose d’hypnotique pour Soreen. Ses longs cheveux d’or volaient autour de lui, le rendant encore plus troublant. L’officier eut du mal de cacher son émotion lorsque le jeune homme arriva à sa hauteur et la salua avec un grand sourire.

- Soreen, je suis impatient de commencer cet entrainement.

L’officier fut surprise de cette familiarité, mais ne le montra que par un sourire. Puis prenant son bras, le prince l’attira vers un coin de verdure à l’abris des regards inquisiteurs de ses chaperons.

- Vous savez, je suis très heureux d’être autorisé à recevoir votre enseignement.

- C’est un très grand honneur pour moi prince.

- Par quoi allons-nous commencer ?

- Eh bien peut-être pas un peu d’histoire ? Au sujet de ces fameux moines de Sarubaa.

- J’en sais assez sur eux ! Passons plutôt à un premier exercice.

- Très bien. Alors, asseyons nous en tailleur sur cette terrasse. Bien… Maintenant, fermez les yeux et décrivez-moi.

Le jeune homme ouvrit de grands yeux.

- Vous êtes certaine que cela fait partie de l’enseignement ?

- Tout à fait certaine. Fermez vos sublimes yeux et décrivez-moi.

- Eh bien, vos cheveux sont châtain clair, vos yeux…

- Je ne parle pas de ce genre de description. Je parle de ce que vous voyez dans mon esprit. Car, vous le voyez, n’est-ce pas ?

- Je ne vois rien. J’entends juste vos pensées.

- Et, à quoi je pense maintenant ?

- Vous voulez vraiment que je le dise tout haut ?

- Oui.

- Ce n’est pas raisonnable. Mes chaperons ont l’ouïe très fine et je ne pense pas que ce genre de pensées les rassure, même si je suis flatté. Bon, mis à part avoir la confirmation que j’avais certains pouvoirs, à quoi sert cette mise en scène ?

- Il ne doit y avoir aucune interférence entre nous. Vos « pouvoirs » doivent être mis en sommeil pendant nos séances.

- Voilà, pouvoirs mis en sommeil. Quoi d’autre ?

- Levons nous alors. Tenez vous debout, les jambes légèrement écartées. Sentez bien le sol sous vos pieds. Maintenant, fermez les yeux et concentrez vous sur votre respiration. Faites le vide dans vos pensées. Toutes vos pensées. Ne restez concentré que sur votre respiration. Maintenant, pensez à un bel arbre de ce jardin. Un très bel arbre. Vous le voyiez. Lorsque vous expirez, vos pieds s’enfoncent dans le sol comme des racines. Lorsque vous inspirez, vous sentez l’énergie de l’arbre vous gagner peu à peu. Vous êtes de plus en plus plus stable, de plus en plus en harmonie avec la terre…

Le jeune homme ouvrit les yeux plutôt agacé :

- Quoi ? Ne me dites pas qu’il s’agit là de l’enseignement des moines de Sarubaa ? Il s’agit d’un simple exercice de méditation tout ce qu’il y de plus ordinaire !

- Oui. Je voulais que vous soyez parfaitement libéré de vos pensées pour ce qui va suivre. A vrai dire, je ne sais même pas comment je vais vous le transmettre.

- Sexuel ! C’est sexuel ? Je l’ai lu dans vos pensées.

- Vu de l’extérieur cela peut sembler sexuel. Mais, il s’agit d’exercices qui permettent de vous reconnecter avec l’ensemble votre corps. Y compris avec vos organes sexuels. Après, l’énergie ainsi acquise peut être utilisée à toutes les fins, qu’elles soient militaires ou plus intimes.

- Pour amplifier les sensations lors d’un rapport sexuel par exemple ?

- Par exemple. Mais, c’est loin d’être la seule manière d’utiliser votre énergie.

- Moi, c’est la seule manière qui m’intéresse vraiment. Murmura le jeune prince en rougissant à peine. Mais, je vous l’accorde, ce lieu n’est pas vraiment l’endroit le plus approprié pour ces exercices. Demain, nous irons dans mes appartements privés. Ce sera plus discret. Rit-il en découvrant deux rangées de dents blanches et impeccablement alignées.

Puis, le prince fit signe à ses androïdes et prit congés. Soreen s’inclina. Et, lorsqu’il disparut, elle quitta le palais plutôt bouleversée et émoustillée. Lorsqu’elle rentra chez elle, ce soir là, elle se jeta sur Loam qui songea qu’il avait dû bien lui manquer. Cependant, alors qu’elle prenait du plaisir avec lui, c’était bien au sublime prince qu’elle pensait.






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