Chapitre 7 : Sombre réalité
" L'aveu d'un amour qu'on partage est un trait de lumière qui porte un nouveau jour dans nos idées. Un charme inconnu se répandit sur tout ce qui m'environnait ; les objets changèrent à mes yeux. " Marie Jeanne Riccoboni
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Il hésita un fragment de seconde avant de tapoter sur la porte. Une voix masculine lui intima d'entrer. Lorsqu'il pénétra dans la bibliothèque, il vit Nobuyuki assit derrière un bureau, penché sur un livre de comptes avec des plans détaillés de Tokyo, disposés tout autour. Le jeune Yakuza leva le regard vers lui et lui fit un sourire des plus charmants. Il désigna un canapé à deux places de la main, se leva et les deux hommes s'y assirent en concert.
- Avant de parler du déménagement et du contrat, commença Nobuyuki, je voulais te poser deux ou trois questions te concernant personnellement et concernant ton rapport avec les gens et tes clients du bar.
- Oui, vas-y, de toute façon, j'ai pris la décision d'être franc avec les seules personnes qui me sont venues en aide sans abus, c'est à dire ta famille et toi... répliqua Kazuma avec assurance. Je t'en prie, j'y répondrais au mieux !
- Très bien... Pour commencer, ton collier m'a intrigué... Tu as l'air vraiment d'y tenir et je me demandais qu'elle était sa signification ?
- Oh ! Tu l'as vu quand vous avez défait ma cravate et ma chemise tout à l'heure, n'est ce pas ? Nobuyuki hocha la tête. C'est la seule chose qui me reste de ma mère. Elle me l'avait offert quand j'étais plus jeune, pour mon anniversaire, je ne l'ai jamais quitté et malgré tout ce qu'elle a pu me faire, je n'ai jamais réussi à m'en séparer. Comme-ci c'était le seul bien qui me restait d'elle... finit-il tristement.
- Je suis navré pour toi Kazuma... Je souhaite plus que tout te rendre heureux. Je ne dis pas cela par pitié, je peux te le promettre. Je dis cela plus par compassion car je n'ai jamais eu une vie aussi difficile que la tienne et je tiens réellement à ce que notre pays change. Bien trop de mauvaises choses se passent sans que les autorités ou les associations ne puissent réagir, et c'est ce pourquoi je veux reprendre les affaires de mon père, dans un but certes politique, mais surtout pour améliorer les vies des personnes démunies. Enfin, je m'éloigne. Je souhaitais donc savoir ce que tu penses des gens en générale, et comment sont tes clients avec toi ?
- Eh bien... répondit-il en baissant les yeux, pour moi les gens vivent dans l'indifférence totale d'absolument tout. Je parle bien entendu de ce que je connais, c'est à dire des quartiers malfamés de notre chère capitale. Pour ceux que j'ai pu croiser dans la rue ou en faisant mes courses, je les trouve antipathiques et, ou, complètement perdus. Quant à mes clients qui sont issus, comme tu le sais, pour la plupart, des classes aisées de Tokyo, ils me sont d'une grande aide et sont assez intelligents pour remarquer que mon patron abusent de nous tous. Beaucoup ont tenté de faire fermer le bar et le club, mais à chaque fois, il y avait toujours la même menace venant de mon cher patron, disant « voulez-vous vraiment que tous ces jeunes se retrouvent de nouveau dans la rue par votre faute » les refroidissant forcément et tout redevenait comme avant mais en pire. Les retombées étaient telles qu'il se doutait que c'était à cause de nous que les clients voulaient fermer le bar, donc restriction alimentaires et de sorties. Ainsi, tu as peut-être remarqué que lors des remerciements de mes clients, à la fin de mes représentations, beaucoup ignorent totalement mon patron lorsqu'il s'adresse à eux. Mais cet être vil et cupide s'en fiche, du moment qu'il est payé et qu'il empoche nos pourboires... Après je ne te cache pas que certains clients ont tenté de m'acheter à des prix exorbitants. Monsieur Yamamoto leur disait qu'il allait réfléchir, ce qui m'exaspérait au plus haut point, il faisait le calcul de ce que je lui rapportais et voyait si c'était rentable sur plusieurs années. Alors, je n'ai pas été vendu car c'était trop peu pour payer ma dette et lui faire faire du bénéfice. Ce fut un mal pour un bien car sinon je ne vous aurais jamais rencontrés... sourit-il.
- J'en suis ravi, ce que tu viens de dire me touche énormément et j'apprécie ton point de vue... souffla-t-il tendrement, avant de garder le silence pour que son protégé continu.
- Ton discours m'intéresse beaucoup Nobuyuki, reprit le danseur, mais n'as-tu pas peur des retombées ? Ne crois-tu pas que ton père va désapprouver tous ces changements ? Et surtout, ne penses-tu pas que tu vas perdre beaucoup d'hommes et que tes ennemis en profiteront ?
- À vrai dire, j'ai déjà pensé aux retombées et j'imagine que beaucoup d'hommes partiront mais je pense qu'ils ne s'en iront pas pour longtemps... J'exposerai un plan très soigné à mon père et il ne pourra pas le refuser... Je pense que tu ne l'as pas encore décelé mais mon père étouffe une grande bonté en lui qu'il lui a été interdite de révéler tout au long de sa vie. Je crains plutôt mon grand-père... Il se fâchera et n'acceptera pas que je fasse affaire avec toi. Mais, d'après ton discours, je pense que ma mère avait raison quand elle m'a dit que nous ferions du bon travail ensemble... finit le jeune Yakuza tout sourire.
- Elle a dit ça ? demanda le plus jeune, touché, faisant hoché la tête du plus vieux. Et ton père ? Il t'a dit ce qu'il en pensait ? s'enquit Kazuma.
- Non, pas de manière explicite du moins... Mais je suis sûr que le test du repas a été validé, sinon tu n'aurais même pas pu finir ton dessert ! se moqua Nobuyuki.
- Non ?! Il m'aurait coupé les auriculaires, puis m'aurait mis une balle dans la tête avant de me jeter dans une crique ? renchérit le danseur.
- Non, tu aurais gardé tes doigts mais en effet, tu nagerais avec quelques poissons... continua-t-il faisant un clin d'oeil à son vis-à-vis.
- Ce qui m'intrigue c'est qu'il connaisse aussi bien la vie de Tchaïkovsky...
- Mon père est un mordu de musique classique, son compositeur préféré est Beethoven mais après réflexion je crois qu'il en aime beaucoup, le classique est sa grande passion. Il croit que je ne le vois pas mais je sais qu'il n'en a rien à faire de la vie privée d'une personne, du moment qu'elle fait du bon travail, le reste n'a pas d'importance. C'est ma mère qui lui a inculqué cela. C'est pour ça que même si c'est mon père, je veux lui faire comprendre que c'est pareil pour moi, que ma sexualité ne regarde que moi et qu'il n'y aura aucune entache avec ma vie professionnelle. Je souhaite que tu saches que j'aimerais que ce soit toi qui partage ma vie intime et ma vie professionnelle...
Cette déclaration eut pour effet de faire rougir le danseur qui ne se laissa pas dégonfler pour autant. Il avait compris le caractère doux de Nobuyuki et se permit de ne pas cacher ses sentiments plus longtemps.
- Tu ne me laisses pas indifférent non plus... J'admets que ta personnalité et ta douceur m'ont permis de faire basculer mon choix pour assister au dîner de ce soir, malgré l'état dans lequel vous m'avez vu. Et surtout, d'accepter le contrat. Je ne serais jamais assez reconnaissant envers vous pour votre soutien... finit le plus jeune les yeux pétillants.
- Je suis tellement heureux de ta réponse, tu n'imagines pas à quel point ! s'exclama le plus vieux.
- En revanche, si tu le veux bien, je souhaiterai que nous apprenions d'abord à nous connaître avant d'avoir une relation intime... Tu seras mon premier et je crains de te décevoir en étant inexpérimenté... proposa Kazuma avec franchise.
- Tu sais, ce n'est pas parce que je suis un Yakuza que j'ai forcément eu d'expérience amoureuse auparavant... Et pour le coup, tu seras mon premier aussi...Je ne m'étais jamais intéressé à ça avant que ma mère ne m'en parle et bien que les occasions n'ont pas manqué pour tout t'avouer, je n'ai pas d'expérience avec les femmes non plus... Les hommes de mains de mon père et même mon grand-père, pensent que je suis un fils à papa aimant les études, le sport et l'art, qui pourrait très bien devenir bonze car aucune femme au monde ne l'intéresse...
- Ah bon ? Je suis surpris de cette déclaration ! Je t'imaginais déjà avec une grande expérience dans le domaine ! Je pensais que les Yakuza dévoraient des filles de joie chaque soir ou presque ?! ironisa-t-il.
- C'est gentil pour ma mère Kazu ! renchérit-il. Saches que mon père a juré fidélité à sa femme le jour où il a posé ses yeux sur elle... soupira Nobuyuki un sourire chaleureux sur les lèvres.
- Oui, et je compte m'y tenir jusqu'à ma mort ! s'exclama le Yakuza ayant ouvert la porte.
Les deux jeunes se retournèrent surpris par son intervention et Amasa rit derrière son mari. Monsieur Suzuki leur souhaita bonne nuit après avoir intimé à Nobuyuki qu'il voulait le contrat de Kazuma sur son bureau le lendemain. Amasa fit de même et monta à son tour se coucher.
- Ma mère a eu raison de lui ! éclata-t-il de rire.
- Et j'en suis très heureux, répondit Kazuma un léger sourire aux lèvres en fixant son aîné.
- Bien, reprenons notre sérieux ! Pendant que j'organise ton déménagement et que je prépare ton contrat, je souhaite que tu fasses des fiches de profils de toutes les personnes travaillant avec toi.
- Dans quel but ? s'enquit le plus jeune.
- Tu le verras plus tard, ce sera ton cadeau de bienvenue quand tu auras signé ton contrat. J'appelle de suite ton patron pour lui dire que tu ne rentres pas ce soir.
Kazuma s'assit en face de Nobuyuki qui avait pris place derrière son bureau, le téléphone en main. Dès qu'il eut le patron du club au téléphone, il le prévint que Kazuma ne rentrerait pas cette nuit-là et que ce n'était pas discutable. Il l'informa qu'il lui donnerait un dédommagement pour le dérangement causé puis raccrocha sans attendre de réponse de la part de son interlocuteur. Pendant ce temps, le danseur commença à noter les fiches de ses collègues de travail. Ils étaient sept garçons et sept filles au total. Tous avaient des profils complètement différents mais la seule chose commune était qu'ils venaient tous de la rue et n'avaient pas de famille. Ce diable de Yamamoto avait le don pour trouver des filles et des garçons perdus afin de les mettre à son service.
Nobuyuki appela le jeune homme de main afin qu'il prévoit une fourgonnette pour le déménagement le lendemain. Kazuma le stoppa en lui disant que la Berline suffirait car il ne possédait que deux sacs dont un plein de livres ce qui fit sourire le jeune Yakuza. En revanche, il supplia Nobuyuki de récupérer sa barre de Pole-dance dans la mesure du possible. Celui-ci accepta sans hésiter.
Le fils du Yakuza tendit une feuille au jeune danseur. Il s'agissait de son contrat. Il le lut avec attention et le signa. Il était maintenant secrétaire général des affaires de la famille Suzuki. Nobuyuki, faisant les choses dans les règles lui fit lire et signer le règlement intérieur. Il lui donna un livre sur les textes de loi qu'il devait retenir pour les fois où ils auraient affaire aux forces de l'ordre, sans pouvoir contacter l'avocat de la famille. Le jeune Suzuki savait au fond de lui que son nouveau partenaire allait être excellent dans ce poste. La nuit se déroula très rapidement, néanmoins, les deux hommes réussirent à boucler leurs travaux avant de se quitter, pour dormir quelques heures seulement.
Le matin venu, Kazuma salua son partenaire de travail sur le pas de la porte. La voiture blanche s'engagea dans l'allée avant de disparaître pour quelques heures. Pendant ce temps, le nouveau secrétaire fit en sorte d'avancer le travail en apprenant le livre des lois et passer au peigne fin tous les dossiers traités par Nobuyuki. Madame Suzuki passa à plusieurs reprises dans la bibliothèque pour s'enquérir des besoins du jeune-homme. Ainsi le majordome lui amena à plusieurs reprises des mignardises salées et sucrées, des onigiri et du thé. Il fallait qu'il reprenne du poids d'après la maîtresse de maison.
Arrivés au bar de Yamamoto, Nobuyuki entra avec Akito et deux autres hommes de main. Il ne put s'empêcher de mettre son poing dans la mâchoire du propriétaire qui tomba de plein fouet au sol, assommé. Les collègues de Kazuma furent mi-choqués mi-ravis et les clients présents quittèrent rapidement le bar sans payer. Un des hommes de main rit et le complimenta en lui disant qu'il avait un poing digne de la famille Suzuki. Alors que les trois hommes embarquaient les affaires de Kazuma, leur jeune chef s'installa dans le bureau du propriétaire et convoqua un à un les serveurs. Il leur tendit une feuille à chaque fois, c'était une lettre de recommandation pour des entreprises divers, selon leur profil et leur expérience professionnelle. Une des jeune-filles proche de Kazuma, se prénommant Yumi, fut embauchée chez la famille Suzuki pour être jardinière, sa passion étant les fleurs. Zin et Riku, deux danseurs, furent recommandés à une agence formant les talents de pop japonaise. D'autres garçons et filles partirent pour une agence publicitaire, un restaurant huppé de Shibuya, une boîte de confections électroniques, une entreprise d'appareils robotisés et pour finir trois collègues partirent en direction de Kyoto, recommandés pour faire partie de l'équipe de réalisation du dernier jeu Nintendo. Toutes ces entreprises avaient des partenaires et supporters de la famille Suzuki. Le jeune Yakuza y envoya tous ces jeunes l'esprit tranquille.
Akito vint en courant et pria son jeune maître de le suivre. Ce qu'il découvrit le prit d'effroi et lui déchira le coeur. Le jeune-homme de main avait trouvé un sous-sol en vidant les lieux et en ouvrant la porte il était tombé sur des petites-filles enchaînées ou en cage. Il y avait aussi deux petits-garçons. Tous étaient seulement vêtu d'un t-shirt sale et de sous-vêtement. Ils avaient entre cinq et treize ans. La pièce d'à côté cachait une importante quantité de différentes drogues. Suzuki partit chercher les clefs pour libérer les enfants pendant que les serveuses et danseurs les rassuraient. Personne ne savait qu'ils étaient là, pas même ceux qui y travaillaient tous les jours. Le jeune Yakuza, après les avoir libérés, demanda à Akito de contacter des personnes de confiance pouvant les prendre en charge. Lorsque tout ce petit monde eut rassemblé ses affaires, Nobuyuki téléphona à la police et leur livra le patron sur un plateau d'argent. Il colla en suite une affiche sur la porte « Fermer pour travaux, ouverture prochaine d'un orphelinat ».
Il rentra chez lui le cœur léger. Il avait enfin débarrassé une toute petite partie de Tokyo d'un de ces petits malfrats. Il fut accueillit par les acclamations de sa mère et de son futur amant. La suite n'allait certainement pas être de tout repos, à peine eut-il posé un pied dans la maison qu'il fut convoqué dans le bureau de son père.
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