Chapitre 1 - Partie 1

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 Appuyé contre la balustrade, j’observe cette forêt qui m’entoure depuis toujours en écoutant d’une oreille distraite les paroles de la sorcière. Comme toujours, elle parle, encore et encore, se répétant inlassablement, me rappelant à chaque fois un peu plus pourquoi je ne l’ai pas mise à la porte de chez moi. J’ai besoin d’elle et de ses pouvoirs pour vaincre, pour venger mais bordel qu’elle est chiante.

- Es-tu vraiment sûr de vouloir faire l’expérience ? Il n’y aura aucun retour en arrière possible. Une fois le processus enclenché, je ne pourrais plus l’arrêter, comprends-tu ?

 Je me retourne, furax, avale le contenu de mon verre d’une traite et le repose brusquement sur la table. Cela fait des jours qu’elle me raconte la même chose essayant sans doute de me faire changer d’avis, mais ma décision est prise. Elle souffle et traverse la pièce de long en large. Elle paraît anxieuse mais le paquet d’argent qui l’attend à l’arrivée de son périple est trop important pour qu’elle puisse faire demi-tour.

- Je ne suis pas sûre d’être en capacité de le réalisé et il peut s’avérer dangereux autant pour toi que pour moi.

 De quel droit ce permet-elle de raconter une telle chose ? Nous savons très bien tous les deux que la femme qui se tient à mes côtés et la sorcière la plus puissante du pays. Alors si elle se dit dans l’incapacité de le faire, je ne vois pas à qui je pourrais le demander. Il me faudrait des années avant de retrouver une sorcière aussi puissante qu’elle. Je prends appui sur le plateau en verre de la table et ferme les yeux, la mâchoire crispée, avant de respirer un grand coup en espérant retrouver mon calme. Ses talons claquent contre le marbre qui couvre le sol de la pièce, son anxiété prend possession de moi et je commence à m’impatienter.

- Tu te moque de moi j’espère ? Tu l’as très bien fait jusqu’à présent, je ne vois pas pourquoi aujourd’hui tu ne pourrais plus.

 Elle s’arrête brusquement et se tourne, plantant ses yeux de garces sur moi. Je vais la tuer, ce regard me donne envie de la prendre là, maintenant, sur cette table, fort, avant de faire craquer un à un les os de son cou jusqu’à lui briser la nuque. Depuis maintenant trois ans que nous nous connaissons, elle est la seule à avoir pu me satisfaire pleinement et ce n’est pas aujourd’hui que le contraire se produira. J’ai besoin d’elle pour dominer mon peuple, j’ai déjà perdu ma femme et mon loup, je ne souhaite pas, en plus de ça, perdre ma meute, je ne le supporterais pas. Et certainement pas pour que ce salopard de Kurtis Rosveltz en prenne les rennes. Mais je vois bien qu’elle est insatisfaite, elle veut plus, encore plus, toujours plus. Je la déteste. Elle est perfide, manipulatrice. Mais elle a le mérite d’être bonne, et douée dans tout ce qu’elle entreprend. Ce qu’elle me montre d’elle me prouve encore une fois que tout ce qu’elle désire, c’est le pouvoir, toujours plus de pouvoir. De la puissance, voilà pourquoi elle accepte de rester près de moi. Elle envie la notoriété que je possède dans ce pays mais il n’y aura rien de plus qu’une bonne baise entre nous. Je suis persuadé que son désir de supériorité la tuera un jour, mais peu importe, l’essentiel est qu’elle ne meure pas avant d’avoir réussi ce maudit sort qu’elle ne semble pas vouloir faire. Je veux me venger et c’est la seule façon de pouvoir le faire. Ce sera sanglant, je me le promets, le jour où j’exécuterais ma vengeance, les gens se souviendront qu’il ne faut pas s’en prendre au grand Goran Van Sacksen, au risque d’en subir les conséquences.

- Très bien. Demain minuit, ce sera le dernier. Je n’en ferais pas un de plus. Mais si je meurs, je peux t’assurer que jamais, au grand jamais tu ne m’oublieras. Est-ce clair ?

 Je serre la mâchoire, tendu au possible. Je vais la butter. Son air insolent m’insupporte, elle m’exaspère. Elle s’approche de moi d’une démarche chaloupé du haut de ses escarpins avant de poser son index moi, le regard plus sérieux que jamais. Ses yeux si clairs n’ont jamais été aussi sombres qu’aujourd’hui, j’ignore ce qu’elle essaie de faire mais ça ne marche pas. Elle ne m’impressionne pas.

- Je viendrais demain après-midi à seize heures. Soit prêt. Nous préparerons la séance du soir et je t’expliquerais en détail ce que nous ferons. 

 J’acquiesce, impassible, et la regarde partir sans un mot. Je me rappelle encore de notre première rencontre, la première fois que j’ai croisé le regard de cette femme d’affaires. Nous nous étions donné rendez-vous dans un bar isolé en dehors de la ville, dans sa jupe moulante et sa chemise blanche. Très professionnelle. Nous avons vite appris à nous connaitre et nous avons rapidement quitté cet univers bien trop sérieux pour finir dans un lit autour d’une bonne partie de jambe en l’air. Je me suis plusieurs fois surpris, pendant ces moments de faiblesse, à penser à ma femme. Ce n’était alors plus Tricia mais ma femme qui serrait ses cuisses autour de moi, me suppliant d’aller plus fort, plus vite, de la faire jouir. Imaginant cinq secondes que le monde n’était pas si cruel, qu’on ne me l’avait pas enlevé et qu’on vivait ensemble, heureux entouré de notre petite famille. Mon loup serait là, avec moi. Mais non, la réalité est devant moi. Je suis devenu cet homme sans cœur, réclamant par tous les moyens une vengeance à la hauteur de toute cette douleur qui m’a rongé le cœur durant toutes ses années. Je suis prêt à tout, même à m’allier avec les vampires pour arrive à mes fins s’il le faut. Malgré tout, s’il y a bien une chose que j’apprécie chez cette sorcière, c’est son assurance. Elle sait ce qu’elle veut, je sais ce que je veux, nous ne tournons pas autour du pot, nous faisons nos affaires et chacun repart de son côté. Je me suis toujours demander ce que j’avais fait pour mériter un tel sort, mais après tout, peut-être que je le mérite ? Pour une raison qui m’est encore inconnue, je ne mérite peut-être pas d’être heureux.

 Me sentant soudainement devenir beaucoup trop sentimental à mon goût, j’attrape la bouteille au liquide ambré, me sert un verre avant d’y ajouter quelques gouttes de cette potion transparente devenue mon amie depuis bien trop longtemps. Elle serait capable de rendre n’importe quel loup-garou dans un état d’euphorie absolu équivalent à une bonne dose d’alcool pour un homme, mais je ne suis plus qu’un simple humain alors ce produit à sur moi un effet plus que positif. J’avale mon verre d’une traite et le repose brusquement sur la table, ne grimace peinte sur le visage. Merde, c’est fort, je n’aurais pas dû en rajouter autant. Je sens le liquide brûler mon organisme avant que ma tête ne se mette à tourner. Je me redresse, chancelle, et reprend appui contre la table pour éviter de tomber. Je tente de marcher vers le mur pour y prendre appui avant de me diriger vers ma chambre. Arrivé au pied du grand escalier qui mène aux chambres, je me maudis d’avoir fait installer ma chambre à l’étage, le trajet me semble insurmontable et c’est avec difficulté, à moitié couché sur la rambarde que j’arrive finalement devant ma chambre. Heureusement pour moi, je me suis suffisamment avancé dans le travail de la meute, allant même jusqu’à oublier ma pause repas, je peux donc aisément m’accorder une journée de sommeil pour me remettre correctement de cet excès de boisson. Je n’étais jamais passé au-dessus du cap des deux gouttes, connaissant l’effet qu’il a sur les humains mais, ce soir, je crois bien en avoir abusé, plus que nécessaire aujourd’hui. Et c’est bien la dernière fois que je prends de cette saloperie, je viens de me détruire le foie et peut-être même tout l’organisme à ce stade.

 Les derniers pas jusqu’à ma chambre sont un véritable supplice, je me retiens à tout ce qui me passe sous la main pour ne pas m’écrouler. Mes hommes de mains ont déjà quitté les lieux depuis longtemps, personne ne pourra me venir en aide avant demain matin si je n’arrive pas à destination. Mais finalement, c’est peut-être une bonne chose. Qu’elle image de moi leur aurais-je renvoyé ? Je suis leur Alpha, je me dois d’être fort pour ma meute et ne dois leur montrer aucun signe de faiblesse, cela s’ébruiterait et on serait capable de venir me confronter pour me voler ma meute et je ne pourrais pas le défier, du moins, pas avant demain soir. Je pousse la porte de ma chambre et après avoir cherché une bonne minute à savoir comment tourner la poigner de cette porte. Une fois à l’intérieur, je relâche tous mes muscles et me laisse aller sur les draps de mon lit avant de plonger dans un sommeil profond, sans rêve, mais surtout, sans cauchemar.

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