Chapitre 1 - Partie 2
J’émerge doucement, mes paupières sont lourdes et mon cœur martèle mes tempes avec force. Je tente d’ouvrir les yeux, mais la luminosité me brûle la rétine. Je m’empresse de placer mon bras au-dessus de ma tête en gémissant, aveuglé, bon sang, mais qu’elle merveilleuse idée m’est passé par la tête hier soir pour me plonger dans un tel état ? Il faut vraiment que j’arrête cette merde avant qu’elle ne me pourrisse de l’intérieur, mon espérance de vie étant déjà largement diminuée en l’absence du loup qui siégeait autrefois en moi, je me dois de ne pas mourir d’un coma éthylique avant d’avoir pu assouvir mes pulsions vengeresses.
Les muscles engourdis, je tente de me relever tant bien que mal, me hissant avec difficulté jusqu’à la salle de bain. Le reflet que le miroir renvoi me répugne, je ne me reconnais plus. D’immenses cernes barrent le visage de cet inconnu, son teint blafard me terrifie et je me rends compte que le simple humain que je suis maintenant me rattrape à toute allure, laissant derrière moi les derniers effluves de ma vie passée… Je devrais peut-être pensé à me recouvrir le visage de fond de teint comme le font toutes ses femmes, j’ai plus que jamais besoin d’avoir bonne mine. Je suis minable.
La bouche pâteuse, j’ouvre le robinet d’eau pour m’hydrater, j’ai soif, beaucoup trop soif même. J’attrape ma brosse à dent et frotte chaque partie de ma bouche comme un dératé. Je dois à tout prix faire disparaitre cette mauvaise haleine, tout comme cette désagréable sensation de dents râpeuse. Si je veux paraître crédible devant Tricia tout à l’heure, je me dois d’être au summum de ma forme, ce qui est loin d’être le cas pour le moment. Je ne me suis jamais senti aussi faible et minable qu’en cet instant-là, ce sentiment grandit de jours en jours et s’insinue en moi sans que je ne puisse le contrer, remplissant chaque cellule de mon corps… Je suis faible.
Une fois sous le jet de la douche, je laisse l’eau masser ma peau et dénouer les muscles de mes épaules avec délectation. Les gouttes roulent sur ma peau alors que je savonne chaque partie de ma carcasse. J’ai grossi, les muscles qui dessinaient autrefois fièrement mon torse ont complètement disparu, laissant place à un ventre qui n’aurait pas lieu d’être. L’organisme humain supporte très mal l’alcool et c’est dommage, quand on voit tous les chefs d’œuvres qu’ils ont été capable de créer sans pouvoir réellement les savourer comme je pouvais le faire avec mon métabolisme surnaturel. Je sors de la douche et me sèche avant d’enfiler quelques vêtements propres et de descendre. Arrivé dans la cuisine, je me sers un café bien noir avant de me poser sur mon balcon, exténué, avant de le boire doucement. La silhouette légèrement courbée, je me laisse surprendre lorsque les talons de Tricia claquent derrière moi. Elle me lance un sourire hypocrite avant de prendre une gorgée de mon café. Sa tenue toujours aussi impeccable m’impressionne, cette femme dégage un charisme digne des plus grands. Chacune de ses formes est mise en valeur, mais je ne dois surtout pas oublier la raison de sa présence ici. Le rituel.
-A quelle heure tu veux commencer à t'installer ?
-Si je suis là maintenant ce n'est pas pour regarder les papillons.
-Bien, suis-moi.
Je la conduis à travers les couloirs jusqu'à arriver face à la porte qui mène au sous-sol du bâtiment, je l'ouvre et la laisse passer. Une fois la lumière allumée, nous nous aventurons dans la pièce close et humide. Elle dépose sa mallette au sol avant d'en sortir de quoi préparer le sortilège de ce soir. Un bocal de poudre noire, des bougies et un tant d’autres objets… Je l’observe se plonger dans un vieux grimoire avant de me pencher au-dessus de son épaule. J’essaie de lire sans comprendre les signes qui s’affichent devant mes yeux.
-Tu comprends vraiment tout ce qui est marqué ici ?
Elle se retourne et me dévisage comme si je venais de poser la question la plus stupide du siècle.
- Bien-sûr, sinon jamais je n'arriverais à exercer le moindre sort. Arrêtes de me prendre pour une imbécile, tu pourrais être surpris du résultat.
Je n’ajoute rien et me contente de reculer, la laissant dans la lecture de son livre.
- As-tu gardé les objets du dernier sort que l’on a fait ?
-Oui, ils sont rangés dans l'armoire au fond.
-Très bien, amène les moi.
Je pars chercher le carton que j’ai pris soin de conserver au fond de cette vieille armoire, dans laquelle j’ai pris l’habitude de stocker tout et n’importe quoi. Je fouille au milieu de tous ces cartons avant de tomber sur un portrait de Martha, assise sur un rocher au milieu des bois. Je me souviens de ce moment spécial où nous étions partis en forêt, rien que tous les deux. Je nous avais prévu un grand pique-nique, à la hauteur de la sublime femme qu’elle était. Elle m’avait reproché de vouloir la faire grossir puis je me souviens lui avoir parlé de mes projet pour nous, notre avenir, de notre future maison, notre mariage, nos enfants… Nous avions ris, et je me souviens parfaitement de m’être reculer pour la prendre en photo pendant qu’elle prenait la pose devant l’appareil pour immortaliser ce moment magique où le bonheur régnait en maître.
Mon cœur se serre et je sursaute alors que la main de Tricia se pose sur mon épaule, me tirant de ma rêverie. Je me tourne et découvre sur son visage une mine que je lui avais encore vue, un mélange de tristesse et de compassion, peut-être de la pitié, je n’en sais rien. Mais je m’en fiche. Je repose soigneusement le cadre et scanne l’intérieur du meuble jusqu’à trouver la fameuse boîte. Je l’attrape et, d’un signe de tête, elle me demande de la suivre.
-Alors, voyons.
Elle récupère le carton avant de sortir les objets de la boîte. Elle dépose les cinq statuettes face à elle avant de prendre un pot de poudre noire et de se lever pour se rendre au centre de la pièce en dessinant une étoile entourée d’un cercle noir, tout en prononçant des paroles incompréhensibles. Les sorciers restent pour moi un véritable mystère, ils sont aussi effrayant qu’intriguant. Je ne la lâche pas une seule seconde des yeux, complètement absorbé par ses paroles. Elle prend ensuite les statuettes et les dépose au bout de chaque branche de l’étoile en y déposant une petite bougie. Les phrases énigmatiques reprennent et munie d’un bénitier, elle fait un signe de croix sur chaque totem. Ses gestes précis me fascinent et m’hypnotisent.
Elle termine son rituel et me rejoint de l’autre côté de la pièce, ses yeux me questionnent. Elle semble vouloir me demander si je vais bien, si je suis réellement capable de faire tout cela, et je m’en veux d’avoir faibli devant elle, de l’avoir laissé entrevoir cette partie de moi…
- Il nous reste cinq heures avant de pouvoir commencer. Il faut que tu prennes un maximum de force et que tu te reposes. Ce n’est pas le petit sort habituel, on se prépare pour plus grand, là. Tu risques beaucoup et je veux que tu en sois conscient.
-Je sais.
Elle soupire avant de me tirer vers la sortie.
-Allons manger, on en aura bien besoin.
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