Chapitre Huit

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Une pile de mandats d'amener était posée sur le bureau du commissaire Ganimard. Le vieux policier avait repris son poste et portait maintenant un bandage conséquent. Sa blessure se remettait tout doucement.

Mme Ganimard l'avait terriblement admonesté. Son ours de mari. Puis, sachant que la partie était perdue d'avance, elle l'avait laissé reprendre son travail. Un policier restait un policier.

Le lieutenant El Kalaï se tenait près de son supérieur. Une merveilleuse équipe !

Seulement, le préfet n'était pas d'accord.

Il avait refusé de suivre les demandes de Ganimard et la porte avait été claquée au nez du vieux commissaire.

" Il lui faut quelque chose de tangible, commissaire, lança El Kalaï, fâchée.

- Le nom de Lenormand ne lui parle pas. Il ne l'a pas connu.

- Mais Lenormand était Lupin, c'est ça ?

- Oui. Un bon chef de la Sûreté. Croyez-moi, lieutenant. On le regrette encore.

- En prison ou à la Sûreté ?

- Les deux," se mit à rire Ganimard.

Le commissaire contempla la pile de mandats d'amener, tous signés du nom de Lenormand. Des personnalités en vue, de la politique et de la banque, de l'industrie et de l'écologie.

" J'ai voté pour celui-là, indiqua maladroitement El KalaÏ en désignant un des noms.

- J'ai voté pour celui-ci, rétorqua Ganimard.

- Lupin nous mène en bateau ?

- Je crois qu'il est en train de régler ses comptes. Seulement, je ne comprends pas son motif.

- Ces personnes sont importantes. Une seule erreur peut nous coûter cher, murmura El Kalaï.

- Vous avez le droit de partir, Leïla. Vous avez un fils. Je n'ai personne."

Leïla El Kalaï se redressa et foudroya du regard Ganimard.

" Le dernier qui m'a dit ça pourrit en prison pour meurtre !

- Pardon. Je m'oubliais.

- Bien. On commence par qui ?

- Par le juge Rolland. Il est incorruptible et acceptera de nous écouter, lui.

- Et le préfet ?

- Le préfet ? Quel préfet ?

- Commissaire !"

Travailler avec Lupin, alias M. Lenormand, pendant six ans de sa vie avait appris quelque chose à Ganimard. L'efficacité était le maître mot de cet homme et ses déductions étaient souvent les bonnes. M. Lenormand avait réglé des affaires judiciaires durant son temps, avec un brio qu'on saluait encore. Malgré sa réelle identité.

Ce fut ce qui avait le plus blessé le vieux policier en réalité. Il se souvenait avec plaisir des nuits passées dans le bureau du chef à parler d'affaires et d'enquêtes, à examiner des plans et des cartes, on organisait des souricières et on arrêtait des criminels. Les yeux de M. Lenormand étaient verts, ils brillaient toujours d'une dose d'espiéglerie en regardant le commissaire Ganimard. Il l'appelait Justin et on était presque des amis. Surtout à deux heures du matin, devant une bière trop chaude et un sandwich trop mou. Alors qu'un salopard partait pour la geôle les menottes aux poignets. La justice allait être rendue.

Tant de nuits et d'heures passées à discuter des lois et de leurs défauts. Des failles de la justice. M. Lenormand ne supportait pas les affaires concernant les enfants et les maltraitances. Il en devenait fou de rage. Justin Ganimard l'avait vu claquer du poing sur la table en éructant de colère.

L'affaire Kesselbach !

Une femme menaçait de tuer ses propres enfants !

Ou alors...l'affaire Cagliostro ?

Ganimard se jeta sur les mandats d'amener en grommelant des mots sans suite. Puis, il sentit l'excitation le prendre. Celle du chien sur la piste !

Il se gratta la moustache et demanda :

" Savez-vous ce qu'est devenue la comtesse de Cagliostro ?

- Pardon ? La comtesse de quoi ?

- Il me faudrait le dossier complet concernant l'affaire de la comtesse de Cagliostro. Joséphine Balsamo. Je n'ai pas oublié !

- Je ne connais pas cette affaire. Un lien avec Lupin ?

- Le plus important de sa vie. La mort de sa femme. Clarisse d'Etigues.

- Sa femme ? Il a été marié ?

- Plusieurs fois. Seulement, Clarisse a été assassinée et on n'a jamais retrouvé l'assassin."

Leïla El Kalaï compulsa à son tour les mandats et hocha la tête, confiante dans les idées de son patron.

" OK. Qu'est-ce qui vous fait parler de cette affaire ?"

Ganimard n'eut pas à s'expliquer, il vit avec satisfaction son adjointe sortir un mandat de la liste.

" Le nom complet de Keller n'est-il pas Balsamo ?

- On fera quelque chose de vous, lieutenant.

- Alors au taf, commissaire !

- Après vous, lieutenant !"

Des personnalités politiques, de riches industriels, des défenseurs de l'écologie reconnus, des magnats de la banque... Le monde n'était pas prêt au scandale que souleva l'incorruptible commissaira Ganimard, aidé de son fidèle lieutenant Leïla El Kalaï.

Pour protéger son équipe des représailles, le juge d'instruction, Rolland, organisa une conférence de presse.

Ainsi, des noms furent officiellement prononcés et des mises en examen scandalisèrent toute la société.

Mais pour quel motif Arsène Lupin agissait-il ainsi ?

A son domicile, un message attendait un Ganimard éreinté et placé sous protection policière le soir de ce jour interminable :

" Merci, Justin. Je savais qu'on pouvait faire du bon travail. Tu ne crois pas ?

Ton A. L."

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