Premières pensées

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Quel privilège inestimable que celui de connaître l’identité de son tout premier lecteur et d’écrire pour lui. Alors que je cherche encore les mots justes pour te capturer entre mes lignes définitivement, ma main hésite un peu je dois dire. Un vieux cerisier en fleur, planté juste devant mon regard rêveur, me distrait constamment en dansant avec le vent printanier ; ses pétales roses qui pleuvent sur moi sont vraiment magnifiques ; je dois l’admettre, mes souvenirs vagabondent dans mon esprit bien plus rapidement que ma plume sur le papier.

Pourtant il me faut avancer car le temps me manque désormais.

Je vais tacher de me montrer à la hauteur car je sens déjà de l’impatience et une certaine appréhension dans ton regard. Aie confiance en ce livre que tu détiens. Tu as grandi entouré de livres, n’est-ce pas ? Sache qu’à mon époque, ils demeuraient une denrée rare que peu d’élus savaient apprécier (et lire par la même occasion). J’ai toujours aimé les livres et les gens qui en possèdent, en particulier la petite collection de ce cher Don Oplazir ou la bibliothèque feuillue et fournie d’Holma à Valstaparn. Autant de lieux et de refuges que je n’oublierai jamais. Et crois-moi, ce n’est pas qu’une tournure de phrase jetée avec dédain sur ma page blanche. Je n’oublierai jamais mes souvenirs parce que je ne le peux pas…

Si tu tiens ce livre entre tes doigts, c’est que le moment est venu pour toi de connaître la vérité. Garde espoir, et, surtout, sois patient jusqu’au bout car je vais te raconter une aventure qui te concerne. Je vais te raconter une période déterminante dans la grande Histoire de la plus belle et la plus tumultueuse des sept régions des Mauvaises Contrées…

Medragolt.

Comment te décrire Medragolt en quelques mots ? Les plus cyniques t’affirmeront que c’est sa trop longue et trop épouvantable Histoire qui a déprimé ses terres aujourd’hui. Ils n’auront pas tort. Des millénaires de souffrance et de désespoir ont sans doute transfiguré le regard des survivants. Décrire Medragolt dans son ensemble ne rendrait pas justice à la variété et à la splendeur des angoisses ressenties dans ses différents paysages. Mais je vais m’y atteler avec une larme d’orgueil, tout au long de cette aventure…

Medragolt. Ces trois syllabes glacent toujours mon échine quand je les prononce. Ma peau salée frémit, je mordille ma lèvre inférieure, puis quelques echrons passent et mon cœur lentement se froisse ; je ferme les yeux ; la douleur s’estompe enfin. Depuis mon départ, j’y ai laissé mon enfance, mes secrets, mes souffrances, mes crimes, mes amis, l’amour, et même une certaine réputation… Mais parmi tout ce que j’ai perdu, rien ne me manquera davantage que l’aura glaciale du dernier des Nohopes que ce monde maudit a englouti.

Je m’appelle Olivia Veldaren. À l’apogée de ma vie, j’étais un Recordeur originaire du Dépotoir de Port Glas. Tu n’as jamais entendu parler du mot « Recordeur », je me trompe ? Ne sois pas surpris par mon vocabulaire étrange, je t’expliquerai tout ce que tu dois savoir au fils de l’histoire. Je te le promets. J’étais donc un Recordeur : dans mon cas personnel, je n’irai pas jusqu’à donner le synonyme d’esclave, mais plutôt celui de servante, dévouée corps et âme à son Maître Nohope. Avant cela, j’étais farouche, chapardeuse et insoumise. J’étais comme tous les autres petits Humains qui cherchent à vivre une journée de plus dans ce monde infâme. Une nuit de brouillard, j’ai tué un ignoble Brenish, par vengeance, mais un grand Jenomadrak m’a attrapée et m’a vendue à la Guilde Kirkrill. En effet, je possède un don rare qui était apprécié sur les marchés, un don qui explique pourquoi je suis incapable d’oublier mes souvenirs : je possède une mémoire absolue. J’ai, en outre, la capacité de me rappeler le moindre détail des événements dont je suis témoin dans ma vie. La Guilde Kirkrill devint mon nouveau foyer où mon Maître Nohope m’adopta. Ce fut une rencontre fantastique avec une entité dotée d’une puissance inimaginable. Je me suis promise de ne jamais trahir ses pouvoirs extraordinaires, de toujours protéger son armure d’ébène. J’ai gravé son nom dans ma chair, dans mon sang, dans mon âme et dans ma mémoire.

Luna.

Les Nohopes sont des créatures incontestablement remarquables. Ce sont de fiers guerriers à la peau d’écaille noire, dotés d’une force, d’une dextérité et d’une volonté hors du commun. Liée à son destin, je l’accompagnais partout et mes compétences l’aidaient à achever ses contrats. Mon existence valait mieux que la majorité des autres créatures de Medragolt parce que mon Maître était un mercenaire de légende. Dans son funeste sillage, j’ai réappris l’odeur du sang et l’âpreté des sanglots. Néanmoins, cachée dans son ombre, nous avons vécu de palpitantes aventures.

Quand je repense aux vilaines terres de mon enfance, quelle époque formidable c’était ! C’est vrai qu’à première vue, elle parait bien laide cette terre… C’est ce que tout le monde pense depuis toujours. Ils appellent ça de la fatalité. J’appelle ça de la peur.

Cependant, malgré la souffrance et les tragédies que cette terre engendre, certains inconscients, guidés par un étrange espoir, ont un jour décidé de protéger Medragolt et toutes ses créatures d’une catastrophe encore plus grave que la mort…

L’oubli.

Laisse-moi te conter leurs aventures…

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