Chapitre 2 : Ne pas se faire écraser (Partie 3)

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 L’air était lourd, il était presque irrespirable. Mes poumons me brûlaient, chaque souffle devenait pénible. On nous avait emmenés dans une vallée large, bordée par des collines arides. Seulement quelques arbres tordus et des buissons épineux çà et là. La brise dessinait des vaguelettes dans les maigres touffes d’herbes qui clairsemaient le paysage. C’était là que les Aörochs rôdaient. Ils paissaient tranquillement, mais j’aurais juré qu’ils étaient prêts à charger au moindre signe de danger.

 L’endroit ne révélait rien de fertile malgré ce qu’on nous avait promis. Les seules formes de vie dignes de ce nom restaient ces créatures massives.

 On était une tripotée de recrues à attendre dans le silence. On guettait les bêtes à quelques centaines de mètres d’elles, pétris d’angoisse. Le vent sifflait doucement ; une bourrasque claqua nos visages, soulevant des tourbillons de poussière, et de doutes. Plus que tout, c’était ce poids dans l’air, cette tension palpable avant que tout explose, qui m’étranglait.

 À mes côtés, Aiden tremblait presque. Il tremblait.

 ─ Ils sont… si grands, murmura-t-il.

 Ses yeux étaient rivés sur un Aöroch en particulier, un mastodonte à la peau grise recouverte de cicatrices, avec des cornes qui semblaient sculptées dans la pierre.

 Je ne pouvais pas lui en tenir rigueur. Même moi je ne pouvais m’empêcher de sentir cette boule au ventre grandir. Mais ici, la peur n’était jamais un argument valable. On vivait ou on mourait, mais la peur, elle, n’avait pas sa place disait-on.

 Skjaldor, identifiable à son pas lourd, s’était rapproché. Ses larges épaules balançaient de gauche à droite à la manière d’un pendule et sa gueule balafrée affichait une expression sérieuse.

 ─ Garde ça en tête, gamin, si t’as l’impression qu’elles sont plus grandes, c’est que t’as encore l’espoir de les mesurer, adressa-t-il à Aiden.

 Ce dernier leva un sourcil et regarda dans ma direction. Je haussai les épaules.

 Skjaldor étudiait maintenant le terrain. Il fit glisser son index le long de sa cicatrice ; épaisse, elle tombait du haut du front jusqu’à l’arête de son nez et là, elle opérait un virage sur une narine avant de finir sa course sur sa joue droite où elle se séparait en deux fins sillons, qui se fondaient dans sa barbe éparse. De ses yeux, Skjaldor balaya les collines comme s’il cherchait une faiblesse, un angle d’attaque.

 ─ Il y a une petite dépression là-bas, dit-il enfin en désignant une zone un peu plus basse.

 ─ Et ? Qu’est-ce que ça change pour nous ? demanda le rouquin dont je n’arrivais jamais à me rappeler le nom.

 ─ Si on peut les faire descendre jusque-là, on aura l’avantage, lui répondit Isadora.

 Les yeux pleins d’appréhension, le garçon inclina sa tignasse sur le côté.

 ─ Moins d’espace pour qu’elles chargent, ajouta-t-elle d’un ton péremptoire.

 Le rouquin fit mine de comprendre. Il hochait la tête, mais ses yeux reflétaient le néant. Ils s’accrochaient à Durand, son binôme, comme des agneaux à leur berger.

 ─ On y va ! cria Isadora, après avoir noué ses longs cheveux blonds en queue de cheval.

 Elle prenait déjà le commandement, sans attendre de voir si qui que ce soit la suive.

 Skjaldor et elle avaient sûrement raison. Isadora, même si elle aimait étaler ses connaissances, se montrait pertinente, et Skjaldor parlait peu mais parlait bien. Savoir où les piéger n’était cependant qu’une première étape. Le plus dur restait à faire : les capturer, et ne pas se faire écraser au passage.

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