3 - Le réveil

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Dring, dring ! me beugle mon réveil en pleine poire. D'un coup de main violent, je le fais voler à travers la pièce pour l'entendre se fracasser contre le sol dans un bruit qui me tord le cerveau.

Je me tourne sous mes couettes, appréciant leur chaleur, quand je sens un souffle me lécher le visage. J'ouvre difficilement les yeux, et mon souffle se coupe net en réalisant qu'il provient d’un rebelle agaçant.

Alex, le visage à quelques centimètres du mien, dort comme un bienheureux. Je me redresse doucement et découvre enfin où je me trouve réellement. Ce n'est ni ma chambre, ni mon réveil, ni mes couettes. C’est celle d’Emma, qui, d’ailleurs, dort de l'autre côté du lit. Non loin de là, j’aperçois Antoine affalé sur le canapé-lit, encore tout habillé de la veille.

Le souvenir de la fin de soirée me revient soudain en mémoire... À partir du moment où Antoine nous avait rejoints, les blagues avaient fusé et je m'étais amusée comme une folle. Nous avions aussi beaucoup bu et dansé. Après qu’Emma et moi l’ayons supplié, Antoine s’était laissé tenter par un shoot-ventre. Il était embarrassé et était devenu très rouge, on sentait que ce genre de chose n’était vraiment pas sa tasse de thé.

La soirée suivait son cours tranquillement quand Alex vint se poster devant nous.

— Il faut dégager, la police arrive.

Il était un peu décoiffé et avait les vêtements froissés. Son regard glissa sur moi. Il était plus ivre que tout à l’heure et semblait ne pas m’en vouloir pour le coup du verre renversé. Ou alors, il ne s’en souvenait pas.

Attrapant la main d’Emma dans la mienne, nous nous mîmes à courir vers la sortie, suivies par Antoine et Alex. L’information mettait du temps à circuler, car certains groupes continuaient à faire la fête. La musique pulsait encore dans les enceintes et l’alcool coulait toujours à flot.

Gloussant comme des dindes, nous débouchâmes dans le jardin au moment où les gyrophares illuminaient les façades des maisons. La panique gagna soudain les invités, et une marée humaine se déversa sur les trottoirs.

Emma et moi fûmes séparées, et je finis par me retrouver seule dans un coin du jardin, entourée de jeunes qui tentaient de fuir. Regardant autour de moi, je ne vis aucune sortie possible. Je me mis donc à escalader la barrière derrière moi et retombai mollement de l'autre côté, lâchant un râle fatigué.

Plaquée contre la barrière, je tentais de calmer ma respiration anarchique quand j'entendis quelqu'un pester en se rapprochant. Je tendis l'oreille et reconnus la voix d’Alex. Il semblait nous chercher.

Je remontai tant bien que mal sur la barrière et regardai le jardin. C’était bien lui.

— Pssst... Alex ! Pssst… Lève la tête !!!

Sans même m’en rendre compte, j’avais presque hurlé. Il leva la tête vers moi, me sourit et entreprit d’escalader la barrière. Non sans mal, vu tout l'alcool qu'il avait dû ingurgiter.

Tendant la main vers lui, il la saisit. Tirant de toutes mes forces, je réussis à le faire passer de l'autre côté… en tombant sur moi.

Le choc me coupa la respiration, mais je ne pus m'empêcher de rire, appréciant malgré moi la chaleur et le poids de son corps sur le mien.

— Merci, me lança-t-il entre deux gloussements.

— Par contre, t'es lourd. Bouge ou je vais crever !!!

— S’cuse...

Une fois debout, il me tendit une main que je saisis pour m'aider à me relever. Nous nous regardâmes en riant, amusés par nos têtes fatiguées et brouillées par l’alcool.

— T'es allé voir derrière s’il n’en restait pas ?

La voix brute du policier me donna des frissons et fit pulser mon cœur dans ma poitrine.

Ne demandant pas mon reste, je pris mes jambes à mon cou, ma main toujours dans celle d’Alex. Nous filâmes à travers le jardin voisin, escaladant d’autres barrières, nous vautrant dans des buissons, explosant de rire en voyant nos têtes de plus en plus couvertes de crasse. Enfin, dans la rue, quelques pâtés de maisons plus loin, je sortis mon portable pour appeler Emma tandis qu’Alex essayait de joindre Antoine. Une bonne demi-heure plus tard, nous nous étions tous retrouvés près d'un fast-food encore ouvert… à 4h du matin quand même. Nous achetâmes de quoi manger avant d’aller chez Emma, sa maison étant la plus proche à pied et ses parents rarement là.

La fin de la soirée s’était déroulée dans un méli-mélo de bonne humeur et de jeux idiots. Engloutissant mes frites une à une, je savourais leur goût et celui de l'alcool qu’Alex avait chipé à la soirée.

— Ça vous tente un action/vérité ? lança Emma en mordant dans son sandwich.

— T'es pas sérieuse ! répliquai-je instantanément.

— Oh allez, ça pourrait être drôle ! Antoine ?

— Pourquoi pas.

Antoine jeta un regard vers Alex, qui afficha un large sourire.

— Ouais, ça me tente ! J’ai une vengeance à assouvir !

Tout le monde rigola, moi y compris. C’était de bonne guerre. Sur le chemin du fast-food, Alex m’avait présenté spontanément ses excuses pour ce qu’il avait dit plus tôt. L’alcool pouvait le rendre aussi mauvais qu’inoffensif.

— Bon, c'est réglé ! À trois contre une, on gagne ! Désolé, Sophie.

— Pfff, pas grave. Bon, qui commence ?

— Moi !

Emma leva la main en se tortillant sur place, manquant de renverser son verre.

Nous nous étions installés dans sa chambre après avoir poussé son bureau, son canapé et son lit contre le mur et roulé son tapis pour ne pas le tacher. Assis en rond, je me trouvais entre Emma, à ma droite, et Antoine, à ma gauche, avec Alex en face de moi. Emma se saisit de la bouteille de tequila et vida ce qu’il restait dans nos verres… ce qu’il restait étant la moitié de la bouteille. Puis, elle la plaça au milieu de notre petit cercle et nous lança un sourire triomphant. Derrière elle, elle sortit une bouteille de rhum encore pleine. J’ouvris de grands yeux.

— T’es pas croyable…

Elle me répondit par un éclat de rire tout en me tendant la bouteille, que je posai derrière moi.

— Tu m’étonneras toujours ! lui lançai-je, amusée.

Elle me fit un clin d’œil avant de faire tourner la bouteille, qui s’arrêta… devant moi. Pas de chance.

— ... Bon. Mmmm... Action !

— Ah, tu le dis maintenant parce que tu penses que je vais être cool avec toi ? me lança-t-elle.

Je ne répondis rien, me contentant de la fixer, amusée, en buvant une gorgée bien chargée de ma vodka-ananas.

— Bon, reprit-elle face à mon manque de volonté pour lui répondre, tu vas... Tu vas sortir et, quand tu rentres, tu arrives toute affolée en hurlant : "Les pancakes nous attaquent !"

Il y eut comme un gros blanc. J’ouvris grand la bouche, me retenant à moitié de rire.

— T’es pas sérieuse ? Tu... Je ne m’attendais vraiment pas à ça...

— Allez ! T’es obligée, sinon t’auras un gage !

— Okay, j’y vais...

Je me levai donc, un peu déséquilibrée, et sortis de la chambre, toujours le sourire aux lèvres, encouragée par les rires des autres.

Adossée à la porte, je réfléchis un instant à comment faire mon entrée. Le plus simple étant le moins compliqué — logique, me direz-vous — j’ouvris un petit peu la porte, pris mon élan et me mis à courir en criant comme une dératée.

Je débarquai alors dans la chambre d’Emma sous les yeux ahuris de mes amis. Ils ne devaient pas s’attendre à un aussi bon jeu d’actrice. Manquant de me casser la figure et de m’étaler par terre, je hurlai comme une furie la phrase fatidique. Haletante et pliée en deux, je repris mon souffle.

Levant les yeux vers le petit cercle, qui, après une minute de silence, explosa de rire. Ils furent rapidement suivis du mien tandis que je m’assis à ma place en tapotant le bras d’Emma.

— Je ne refais plus jamais ça !

— Oh, ce n’était pas si horrible que ça, me lança Alex, les larmes aux yeux.

— Bon, reprit Emma, Sophie, à toi de faire tourner la bouteille !

Prenant dans ma main la bouteille du diable, je la fis tourner, si vite qu’elle manqua de cogner la jambe d’Antoine. Elle tourna, tourna, tourna à m’en donner la nausée pour finalement s’arrêter sur... Alex !!! Pour ma plus grande joie.

— Ah ! Ça va enfin devenir intéressant, lança-t-il d’un ton moqueur en me jetant un regard de défi.

Je le regardai à mon tour dans les yeux, enfin, j’espérais ne pas loucher, et lui lançai, comme s’il s’agissait d’une menace :

— Action ou vérité ?

Il y eut un moment de flottement pendant lequel il sembla réfléchir. Je lançai un regard à Emma, qui m’avait auparavant parlé un peu de lui, et surtout des rumeurs à son sujet. Grand coureur de jupons et briseur de cœurs, il était aussi salaud que beau.

— Vérité. Je n’ai pas envie de devoir crier une phrase bizarre.

Un large sourire naquit sur mes lèvres. J’avais prévu le coup et savais déjà quoi lui demander pour le mettre bien mal à l’aise. Tant pis si je gâchais l’ambiance, Emma était derrière moi de toute manière.

— Okay. Alors, j’aimerais que tu me dises... si tu es... un aussi mauvais coup qu’on le prétend ?

Un silence horrible s’abattit sur la pièce. Fixant toujours Alex dans les yeux, je vis son regard se ternir. Puis, soudain, il fut brisé par le rire hystérique d’Emma, rapidement suivi des nôtres. Il ne répondit bien évidemment pas et dut, pour la peine, faire le poirier. Il manqua d’ailleurs de vomir sur le parquet d’Emma, pour notre plus grand bonheur à tous ! La soirée continua ainsi pendant un moment, mais, au fil des blagues et des verres, nous finîmes par être fatigués, et l’amusement se transforma en ennui. Emma était allée s’allonger sur son lit, tandis qu’Alex avait déplié ses jambes. Elles me touchaient presque et, sans savoir pourquoi, j’y posai une main.

Il leva un regard fatigué sur moi et esquissa un sourire qui n’avait vraiment rien d’un sourire. J’en gloussai. Il me tendit mon verre et je bus cul sec la fin de ce dernier. Très mauvaise idée… Je sentis la bile me monter dans la gorge et me levai précipitamment. Je courus dans la salle de bain et vomis tout ce que j’avais dans le ventre. Une main fraîche et douce se posa sur mon épaule et releva mes cheveux. Ce n'était pas Emma, puisqu’elle dormait. C’était Alex.

D’un revers de main, j’essuyai ma bouche tandis qu’il me tendit un verre d’eau sorti de nulle part. Je le vidai d’un trait et m’assis sur le carrelage froid sous mes cuisses. Je regardai Alex un instant. Il avait le regard flou, ses épaules étaient légèrement affaissées et ses cheveux tombaient devant ses yeux. À la racine, ils étaient un peu sombres.

— Ils sont noirs à la base ?

— Oui, mais j’aime le rouge...

— Mmmm...

— Ça va ?

— Oui...

Je me mordis la lèvre. La vérité, c’est que je n’allais pas bien. Ma mère me manquait cruellement et mes cauchemars me rendaient visite les rares fois où je trouvais le sommeil. J’avais tellement peur de dormir... Je me levai et marmonnai un quelque chose ressemblant à un "Je vais dormir", puis retournai dans la chambre où Antoine et Emma dormaient déjà. Je m’allongeai sur le lit, enlevant mes chaussures qui me faisaient horriblement mal, et posai ma tête sur l’oreiller.

Je fixai le plafond, écoutant les pas d’Alex, puis le grincement du lit quand il s’y allongea à son tour. Gardant les yeux toujours fixés au plafond, je me concentrai sur ma respiration et celle d’Alex. Il avait, au passage, éteint la lumière, et l’obscurité qui nous avait envahis fit du bien à mes yeux. Je le sentis à côté de moi bouger, prendre une grande respiration et me lancer d’un ton amusé :

— Je ne suis pas un mauvais coup, tu sais ?

Je ris doucement en me tournant vers lui.

Plongeant mon regard dans le sien, je tendis la main vers lui et pris entre mes doigts une mèche de ses cheveux, la faisant glisser entre mon index et mon pouce.

Je devais sans doute loucher et tirer la langue, comme à chaque fois que je me concentrais, mais il ne dit rien. Il se contenta de me regarder. Puis, mon visage. Puis, ma main. Puis de nouveau mon visage, laissant son regard glisser le long de ma joue droite, de mon nez, de mon menton, puis de mes lèvres. J’avais très envie de l’embrasser. L’alcool me désinhibait un peu, et cette envie était sortie de nulle part, me faisant sourire de plus belle. Continuant de faire bouger la mèche de cheveux dans mes doigts, je respirai son odeur, mélange de transpiration, de vodka et d’un parfum qui me fit tourner la tête.

— Moi... dis-je dans un souffle en m'approchant un peu plus pour que lui seul m'entende, même si nous étions les seuls encore réveillés. Je préfère le noir...

Nos visages, à quelques centimètres l'un de l'autre, nous offraient une sorte de cocon de confort. Sans qu'aucun des deux ne bouge, nos respirations se mélangeaient. Il ferma les yeux, attendant sans doute quelque chose qui ne viendrait pas.

Je lâchai sa mèche de cheveux et me tournai de l'autre côté, remontant la couverture au-dessus de ma tête. Il ne bougea pas non plus, et je m'endormis presque aussitôt, complètement assommée par l'alcool...

Assise dans le lit, je me remémore cette dernière phrase, la manière dont je l'ai prononcée, et le visage d’Alex si proche du mien. Je me lève péniblement et descends dans la cuisine. J'ouvre le frigo et en sors une brique de lait que je vide d'un trait. J’essuie ma bouche d'un revers de main et sors mon portable de la poche du jean que j’avais emprunté à Emma. 10 appels manqués de mon père. Je soupire et compose son numéro.

— Sophie ?! Mais enfin, pourquoi tu n'as pas répondu à mes appels ?

— Désolée, papa, je dormais et...

— Mais tu veux rire ? J'étais mort de peur ! Je me demandais s'il ne t'était pas arrivé quelque chose...

— Mais papa, j'étais avec Emma, il ne pouvait rien m’arriver de grave et en plus, je t’avais prévenu que je restais avec elle.

— Nous étions chez nous quand ta mère est morte, alors ne dis pas ça !!!

Il avait hurlé cette dernière phrase si fort que cela résonnait encore dans mes oreilles. Mon sang se glaça et me monta au visage, comme à chaque fois qu’il parlait de ma mère de cette façon. Je serrai de toutes mes forces ma mâchoire, trop crispée pour répondre immédiatement. Je n'ai pas entendu l'escalier grincer derrière moi.

— Mais arrête ! Arrête de parler de maman comme ça !!! Pourquoi, pourquoi faut-il qu'à chaque fois que tu parles d'elle, ce soit pour me rappeler qu'elle est morte ?!

Ma voix tremble, ma gorge est serrée, mais mes larmes refusent toujours de couler.

— Pourquoi tu ne peux pas simplement te rappeler de son odeur de mandarine, de son rouge à lèvres carmin, de son chemisier rose qu'elle portait toujours quand j'étais malade ? Pourquoi tu ne peux pas te rappeler qu'elle te demandait de te raser de près parce que ta barbe l’irritait à chaque fois que tu l'embrassais ? Pourquoi, putain, pourquoi tu ne te souviens que de ce moment où ce qu'il restait d'elle, c'était ses cheveux rougis par son sang ?

Sans attendre de réponse, je ferme mon portable et le lance par terre. Le bruit du téléphone se brisant sur le sol emplit la pièce, immédiatement suivi d’un autre son. Un grognement. Qui n'est pas le mien. Je me tourne vers la source du bruit, le visage crispé par la douleur, et mon cœur rate un battement quand mon regard se pose sur... Antoine.

Il me regarde avec tendresse et tristesse. Au lieu de partir en courant, suivie uniquement par mes sanglots secs, je me jette dans ses bras. Il m'enserre maladroitement la taille, glissant sa main dans mon dos pour me réconforter. Prise de spasmes, je me laisse aller à mon chagrin, même si aucune larme ne coule. Il me murmure des mots gentils. Puis, au bout d'une dizaine de minutes, je m’écarte de lui tandis qu'il me tend un mouchoir sorti de sa poche. Je me mouche bruyamment dedans et lève mes yeux vers lui.

— Tu peux garder ça pour toi, Antoine ?

— Évidemment, Sophie. Je n'en parlerai à personne.

— Merci, Antoine. Merci...

Sans attendre plus longtemps, je prends ma veste et sors de chez Emma, pieds nus, en jean et robe, le cœur au bord des lèvres… Contrairement à mon humeur, le ciel du matin est clair, empli de nuages roses et violets. Je fixe avec tristesse l'orange du soleil qui pointe ses premiers rayons derrière une petite colline, illuminant mon chemin. Le sol est mouillé et je ne cesse de me prendre les pieds dans de petits cailloux qui se logent dans ma peau. Je renifle tout en me dirigeant vers chez moi...

Je repense à mon père, et ma vue se brouille de nouveau sans qu'aucune larme ne coule. Je n’ai pas envie de le voir. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir lui dire ? Changeant de direction, je me mets en route vers le parc pour me calmer et remettre de l’ordre dans mes pensées.

Le silence emplit mes oreilles, ma respiration est calme, mon cerveau en veille, comme si mes forces ne me permettaient que de marcher et de respirer. Quand mes pieds foulent la pelouse du parc, je sens la fraîcheur apaiser mes pieds endoloris et je m'allonge sur le sol encore un peu humide, me délectant de cette sensation. La gorge nouée, je n’ai qu’une envie : pleurer. De lâcher prise. De vider mon sac. De crier aux gens d’aller voir ailleurs. De ne plus être obligée de faire la forte. Mais je n'y arrive pas. C'est trop dur. Trop douloureux...

Je reste là un moment. Peut-être dix minutes. Peut-être une heure. Je n’en ai aucune idée. Tout ce que je sais, c'est que je suis fatiguée, frigorifiée, et que je ne souhaite qu'une chose : rentrer chez moi et manger quelque chose de chaud.

Je me lève alors mollement et rentre chez moi, les pieds en feu et la tête lourde, pleine de trop de choses que je n’ai pas pu laisser sur la pelouse qui s’éloigne derrière moi. Une fois à l'intérieur de la maison, je ne prête ni attention au regard de mon père, ni au vague souvenir de mon portable explosé par terre. Je monte les marches quatre à quatre, enlève mes vêtements humides et me glisse sous la douche.

L'eau chaude m'arrache un soupir rauque et me fait frissonner de plaisir. C’est fou comme j’aime l’eau. J’ai l’impression qu’elle peut nettoyer toute la crasse de mon âme et soulager la peine qui enserre mon cœur. Je sors quelques minutes plus tard, enroulant mon corps dans une serviette, puis je m'écroule sur mon lit.

Respirant à pleins poumons l'odeur de mon oreiller, je régule ma respiration et tente de calmer les tourments qui embrouillent mon cerveau. On toque à ma porte. Mon père entre quelques secondes plus tard, un grand pot de glace dans les mains et deux cuillères. Il s'assoit à côté de moi, silencieux, et me tend une cuillère. Je me redresse et la prends entre mes doigts avant de la plonger aussitôt dans le pot. J’engouffre une grosse cuillerée dans ma bouche et pousse un soupir de plaisir, sentant l'onctuosité de la glace fondre sur ma langue. Ça avait beau refroidir mon corps, le sucre me fit beaucoup de bien.

Aucun de nous deux ne parla, mais le silence fut rapidement brisé par les sanglots de mon père. Il s'excusa en murmurant entre deux pleurs. Il pleura pendant une dizaine de minutes, pour ma mère, pour l'avenir volé, et aussi pour moi qui ne peux exprimer mon chagrin que par des excès de colère. Il finit par se lever, les yeux rouges, pose le pot de glace à moitié fondu à côté de moi, embrasse mon front et sort de ma chambre, laissant la porte ouverte comme à son habitude.

Moi, je n’ai pas encore bougé, la cuillère toujours dans la bouche et le regard rivé vers la porte.

Un éclair traverse mon esprit. Je me lève et m'habille en vitesse, dévale les escaliers, manquant comme à chaque fois de louper une marche. Je claque la porte derrière moi et me mets à courir, plus vite que le soir où Alex m'avait pourchassée, plus vite que si je voulais fuir mon propre corps, plus vite que ma respiration sifflante, plus vite que mes problèmes.

Fonçant en direction de chez Emma, je finis par m'écrouler contre sa porte, tapant dessus comme une dératée, à bout de souffle. Elle vient m'ouvrir et me prend dans ses bras.

Oui, Antoine a dû lui en parler, car il a deviné qu'elle sait.

Elle me serre fort, si fort que je crois que nos cœurs vont fusionner. Une larme perle sur ma joue, elle avait glissé de ses grands yeux tristes. Le reste de la maison est silencieux. Je me dégage doucement de son étreinte en lui lançant :

— Les garçons ne sont pas là ?

— Antoine est parti il y a vingt minutes, mais Alex ronfle comme un cochon dans ma chambre. D'ailleurs, ça m'arrangerait que t'ailles lui mettre ton pied au cul.

— Ahahah, j'y vais alors !

Souriante, reprenant peu à peu pied, je m'élance dans les escaliers et déboule comme une folle dans sa chambre en criant comme une dératée.

Alex se réveille en sursaut, beuglant comme si on venait de lui écraser ce qui fait de lui un homme, et tombe du lit à la renverse dans un bruit sourd et douloureux.

Riant aux éclats, je m'approche de lui pour voir l’étendue des dégâts. À moitié allongé par terre, ses fesses en l'air au-dessus de sa tête, il me lance un de ces regards noirs qui me mettent toujours un peu mal à l’aise.

— Non mais t'es une grande malade, toi !

— Tu t'y feras.

— Attends un peu que je te chope, tu vas en chier, ma vieille !

— Oh ciel, j’ai peur !!!

Posant le dos de ma main sur mon front, je vacille dans un déhanché ridicule tout en reculant vers la sortie.

Il se redresse plus vite que prévu et se jette sur moi. Trop rapide pour moi, il me plaque au sol comme un rugbyman de l’équipe adverse. Il s’assoit à califourchon sur moi, et mon regard dévie soudain vers son torse nu. Ses muscles roulent sous sa peau légèrement bronzée. J’en détourne vite les yeux pour faire taire cette chaleur soudaine dans mon ventre.

Soudain, il plonge ses mains sur mes hanches, et j’éclate de rire sous ses chatouilles.

— Excuse-toi et dis que je suis un bon coup !

— Qu... Quoi ?! Ja… Jamais... plutôt crever.

— Comme tu voudras !

Il se remet à me chatouiller de plus belle tout en m’écrasant au passage. Il est sacrément lourd, cet idiot. Les secondes s’égrènent, et j’arrive à bout de souffle, je suis vraiment trop sensible.

— Allez, dis-le !

— Non !!!

— Dis-le et je m'arrêterai.

Au bord de l’infarctus, je lève les mains en l'air en lançant :

— Okay, okay ! Je m'excuse...

— Et ?

— Et... Tu... Tu es un bon coup...

— Parfait !!!

Il me lance un sourire carnassier et stoppe net la torture. Je peux enfin reprendre mon souffle en déglutissant. Toujours assis à califourchon sur moi, il me scrute un moment, puis se lève et me tend une main que je saisis.

— Je me suis bien éclaté hier ! Il faudra se refaire ça.

— J'aimerais quand même éviter d'être arrêtée par la police.

— Ah, ça, c'est le risque du métier, chérie !

— On sent que toi, t’as l’habitude de déguerpir devant eux.

— Bah ! Ça fait partie de mon charme. Allez, faut que j’y aille, Démon a dû me détruire l’appart !

Je glousse doucement. Il se tourne ensuite vers la chambre, ramasse ses affaires, passe devant moi en enfilant son t-shirt et ses chaussures, puis me lance un clin d'œil de voyou avant de descendre.

Je le suis dans l'escalier. Il salue Emma, la remercie pour l’accueil et part.

Emma se tourne vers moi, un sourire rempli de sous-entendus sur les lèvres.

— Alors... Tu le trouves comment, Alex ?

— Arrogant !

— …

— Quoi ?!

— C'est marrant, mais t'as pas hésité une seconde !

— Normal.

— Ouais… Mais je suis sûre qu’il te plaît !

— Plutôt crever, oui !!!

— Ahahah. Enfin bref... Ça te dirait d'aller en boîte ce soir ?

— Non !!!

— Là non plus, t'as pas hésité, murmure-t-elle dans sa barbe. Oh, allez, tu vas pas te laisser abattre par un petit accrochage...

— Petit ? Petit accrochage ?! Emma !

— Pardon ! Oui, c'est vrai, c'était pas un petit accrochage. Mais en soirée, les gens sont plus lourds. En boîte, c'est mieux !

— J’ai pas envie de devoir encore fuir les flics !

— Alors là, je te suis à 200 % !!! Mais ça va aller en boîte. Si on se fait emmerder, y a les videurs, et ça change de style.

— Mais j'ai rien à me mettre... En plus, on a une tonne de devoirs et on vient à peine de commencer l'année, lui lançai-je en mettant mes mains sur mes hanches.

— S'il te plaît…

— …

— Allez !!!

— …

— Je t'en supplie !!!!!

— Bon, d'accord, d'accord ! Mais arrête de me regarder avec tes yeux de biche, je peux pas y résister.

— Ouais !

— Sérieux, on dirait une droguée aux fêtes.

— Mais c'est le cas !

Nous partîmes dans un grand fou rire qui emplit la maison vide. Décidément, elle me fait vraiment faire n’importe quoi. Je viens à peine de m’engueuler avec mon père, de me faire tripoter contre mon gré, de manquer de me faire arrêter par la police, et pourtant, je retourne directement faire la fête avec elle ! Elle va avoir ma peau à force, c’est sûr.

La journée passe aussi vite que la veille, et je reprends rapidement du poil de la bête malgré mon manque de motivation. Je suis rentrée chez moi pour trouver de quoi m'habiller quand le portable que mon père m'avait prêté se met à hurler. C’est bien évidemment Emma.

— Ouais ? lui lançai-je.

— On a un problème !!! hurle-t-elle à m'en crever les tympans.

— Pfff, qu'est-ce qui se passe ?

— Je t'expliquerai tout demain, mais là, je dois y aller.

— À qui tu parles, Emma ? lance une voix bien trop grave pour être celle de Maxime.

— Personne. Bon, je te laisse. Biz !

Et elle raccroche... Comme ça, sans me laisser le temps de répondre. Elle m’a juste raccroché au nez... À qui était cette voix ? Et quel problème cela pouvait-il être pour qu’elle ne puisse pas me le dire au téléphone ? Décidément, ce week-end aura été plus bizarre et fatigant que je ne l’aurais cru, et déjà certains moments deviennent flous dans mon esprit.

Je me redresse en sursaut, le front dégoulinant de sueur et les draps de mon lit me collant aux bras. Je meurs de chaud et j'ai la gorge serrée et sèche, posant mes mains sur mon visage je constate que je suis couverte de sueur. J'inspire profondément pour faire disparaître le souvenir de mon cauchemar, toujours le même, celui du jour où ma mère est morte.

Je me tourne vers mon réveille et soupire d'exaspération. Je n'ai dormi que 3h, c’est sur jamais je ne retrouverai le sommeil après ça. Je pousse mes draps d'un geste rageur et me lève en enlevant ma culotte et mon t-shirt tremper, filant directement sous la douche. Je fais le moins de bruit possible pour ne pas réveiller mon père sachant que lui-même ne dors pas bien la nuit. L'eau fraîche me fait un bien fou et finit de me réveiller totalement, je m’enveloppe ensuite d'une serviette et fonce vers mon armoire en me frictionnant les bras avec.

J'ouvre les portes de mon armoire et me mets à fouiller dedans, m'étant sens dessus dessous ma garde-robe. « Il faudra que je m’achète de nouvelle chose, Emma va être ravie ! » Je finis par enfile un jean slim bleu foncé avec un pull en tricot blanc pour ne pas avoir froid, la température ayant un peu diminuer en ce milieu d’octobre. Je m’assois ensuite à mon bureau en soupirant, me remémorant ces six semaines passées avec tout le monde. L’affaire « Emma » me vint tout de suite à l’esprit. Elle n’avait finalement pas voulu m’en parlé et j’avais beau me retourner le cerveau je ne comprenais toujours pas pourquoi. Tout ce que j’espérais c’était que ce ne soit pas trop grave et que ça n’impacterait pas notre amitié…

Après avoir mis un coup de brosse dans mes cheveux je sors de ma chambre sur la pointe des pieds mon sac accroché au dos et mon nouveau portable offert par mon père à la main. Comme toujours la marche grince sous mon poids mais je ne m’arrête pas. Une fois dans la cuisine je me prépare un thermos de café pour tenir la journée, enfile mes Doc Martens rouge puis ma veste bleu foncé, saisissant au passage mes clés et sors de la maison en refermant doucement la porte.

L'air est frais mais agréable, je descends l'allée puis ferme le portail derrière moi, je me dirige vers le parc, enfonçant mes écouteurs dans les oreilles. Je me mets à chantonner en silence les paroles, tapant le rythme sur mes cuisses et battant la mesure en adaptant mon allure. Le parc se dresse devant moi et je presse le pas, m'assois sur mon banc habituel et sors mon carnet de croquis crayon en main.

Je me mets alors à croquer tout ce que je vois, éclairer par les lampadaires. Le banc en face de moi, les oiseaux picorant un bout de pain sur ma droite, la statue gigantesque sur ma gauche, les arbres. Le temps passe doucement rythmé par le bruit de mon crayon sur le papier et des gorges de café. Le soleil se lève tranquillement colorant le paysage de rouge et d’orange, chassant par la même occasion l’obscurité. Je frotte sur mon jean mes mains moite tout en regardant mon travail, soupirant de satisfaction devant mon amélioration. J'ai encore du chemin à parcourir mais je m'en sors bien pour une autodidacte. En levant la tête de mon carnet, je vois soudain au loin une tignasse rouge entré dans le parc. Retenant mon souffle, je me saisis de mon carnet pour le ranger dans mon sac, ayant eu droit à beaucoup trop de critique venant de lui par rapport à mes dessins ces derniers mois. Une cigarette à la bouche, je ne pus m'empêcher de contempler son allure, assuré et si masculine. Il porte un large t-shirt gris surmonté de son éternel blouson en cuir, son jean tombe à la perfection sur ses anches, il est vraiment beau, une beauté froide. Son caractère n’aide pas, depuis le début de la rentré notre amitié est étrange, tantôt complice, tantôt conflictuel nous étions comme chien et chat. Et malgré mon aversion pour son côté sombre je ne peux que me rendre compte de mon attirance pour lui. Je n’ai pas eu beaucoup de garçon dans ma vie, et la plupart était vraiment nul, mon premier lui était je pense le pire de tous, mignon mais terriblement ennuyeux. C'était un très bon ami à moi et de fil en aiguille nous étions sortis ensemble. Nous avons dû coucher 2 ou 3 fois avant que je me rende compte que je ne l'aimais pas et que le fais de rester près de lui m’embarrasser plus qu’autre chose.

Alex regarde un peu partout d'un air décontracté, ses yeux finissent néanmoins par se poser sur moi, et comme toujours j’eus l'impression que ma peau me brûlait. Il s'avance vers moi, un sourire qui n'annonce rien de bon aux lèvres, et se stoppe net à un pas de moi. Je pouvais presque sentir son odeur, cigarette et dentifrice à la menthe.

- Alors, bien dormis fillette ?

Il avait depuis maintenant un mois décidé que j’étais son nouveau joujou et ne cesser de me tourner autour en me lançant des pics, je n'y prêtais pas attention, et m'étais même entraîner avec Emma à le renvoyer chier. Notre petit jeu commencer à être bien roder, autant de mon côté que du siens.

- Bonjour Alex, je vais bien et toi comment vas-tu ?

- Pfff comme un lundi, mal quoi. Qu'est-ce tu fais toute seul à cette heure-ci ?

- Rien, mentis-je car je sais qu'il allait se foutre de moi avec mes dessins. Et toi ? On ne peut pas dire que tu sois du matin. Enfin on pourrait même dire que tu n'es pas de la journée tout court mais bon....

- Ouche ! Toucher en plein cœur ! il pose sa main sur son cœur et me fait une grimace de souffrance, je soupire de plus belle et me lève, ne supportant que de moitié son sarcasme si tôt le matin. Oh mais tu vas pas me faire la gueule en plus ! Tu devrais être honoré que je te parle, toutes les filles du bahut crèverais d'être à ta place.

- Si tu le dis.

Je saisis mon sac sous le banc et pars vers chez Emma, il est 6h30 passé, je peux sans doute prendre un petit déjeuné chez elle.

- Décidément t'es pas marrante comme meuf. Super coincé je dirais même.

Je fis volteface pour lui jeter un regard noir. Décidément il me met dans tous mes états, j’ai beau rouspéter, dire qu’il m’agace, m’horripile, que c’est un emmerdeur doublé d’une mauvaise langue, au fond de moi j’étais heureuse. Heureuse car j’ai depuis bien longtemps compris qu’Alex n’est infecte qu’avec les personnes qu’il apprécie un minimum. Cette constatation me fait sourire malgré moi, il n’y a pas le moindre doute je craque complétement sur lui. Je suis sans doute masochiste pour apprécier un gars qui passe le plus claire de son temps à me cracher dessus. Mais c’est plus fort que moi, j’aime ce côté un peu brut, cette manière d’être cash et de dire honnêtement ce qu’il pense, quitte à blesser les autres ou à se faire des ennemies. Oui voilà, c’est surtout ça que j’apprécie chez lui, cette honnêteté envers moi. Arriver devant chez Emma je toque avec énergie emplis d’une vague de bonne humeur. Sa mère vint m'ouvrir un sourire fatigué sur les lèvres. Elle me souhaite un bonjour en m'annonçant que Emma n'est pas encore debout, ça m'aurait étonné, mais que je pus faire comme d'habitude et aller me préparer quelque chose dans la cuisine. La remerciant du plus chaleureux de mes sourire je me dirige vers la cuisine en frottant mes mains froides l’une contre l’autre, et posant ma veste ainsi que mon sac sur le comptoir en marbre crème. Si chic ! Je commence par faire chauffer de l'eau et des tartines, puis je fais réchauffée mon thermos pour qu'il soit bien chaud. J’enclenche la machine à café et sors verres, tasses et assiettes pour toute la famille

J'étais en train de tartiner une tranche de pain avec du beurre quand j'entre aperçus le museau encore endormis de Emma.

- Bonjours ! lui lançais-je aussi enjoué que je pus.

- B'jours...

Elle se frotte les yeux avec la manche de son pyjama et vint me faire un câlin. Je souris et lui tends une tartine de pain qu'elle engloutit goulûment avant de s’asseoir et d'en demander une autre. Je lui en tends encore une accompagner d'une tasse de thé fumant, elle a toujours préféré le thé le matin. Elle s'en saisit et le bus à grande gorge, se moquant éperdument du fait qu'il est carrément bouillant. Elle soupire d'aise et me jette un regard un peu plus réveiller.

- Tu es bien matinal, me lance-t-elle. Tu n'as pas dormi encore ?

- Non cette fois j'ai réussis mais je me suis réveillé à cause de mon cauchemar...

- Toujours le même ?

J'hoche la tête en regardant mes mains enrouler autour de la tasse, la chaleur apaise un peu mon angoisse et finis de dissiper le froid qui m’habite. Elle soupire et pose une main chaleureuse sur mon bras, je lève les yeux vers elle, les siens sont emplis de tendresse. J'esquisse un sourire et lui lance faussement amuser.

- Dépêche-toi, il ne te reste plus que 30 minutes pour te préparer.

- Quoi ?! hurle-t-elle en se tournant vers la pendule murale de sa cuisine. Et merde !

- Emma ! Ton vocabulaire. lance soudain sa mère depuis le salon.

- Pardon maman.

Elle me lance un sourire amusé et se précipite à l'étage pour se préparer, m'étant au passage la radio. Je me mets à me dandiner toute seul dans la cuisine, ma tasse toujours à la main et le sourire aux lèvres, Emma avait le don de me remonter le moral, elle me connait par cœur et sait quoi dire et quoi faire quand ça ne va pas. Elle est devenue un morceau de ma vie, un bout de mon quotidien dont je n’imagine pas me séparé un jour.

J'espère juste que mon futur quotidien ne ressemblera pas à des toilettes de maison inconnus, à des gueules de bois pas possible, à des réveilles le matin les bras et les jambes mêlaient à ceux de Emma ou de Alex et Antoine, ou encore à des courses poursuites dans la nuit.

Enfin... Pourquoi pas après tout ?

Haletante et en sueur nous arrivâmes juste à temps en cours. Emma avait mis trop de temps à se préparer et nous dûmes courir pendant tout le trajet pour être sûre d'être à l'heure. Je m’écroule sur ma chaise et pousse un long soupir pour reprendre mon souffle et calmer les palpitations de mon cœur. Le professeur de français commence son cours tandis que je regarde par la fenêtre, rêvassant déjà. Le temps passe incroyablement vite et en moins de temps qu'il n’en faut pour le dire la fin de la matinée sonne. Emma m’entraîne dans la cafétéria malgré moi, je n'aime pas y manger il y a trop de bruit et les odeurs de nourriture me donnent la nausée, mais une fois par semaine je mange avec elle ici, pour lui faire plaisir. Nos plateaux à la main nous fîmes la queue puis allâmes nous asseoir en compagnie des autres filles,

Vivianne et Marie qui nous firent de grands sourires et des signes de mains.

- Salut les filles ! lance Emma tandis que nous prenions place.

- Salut, réplique Viviane avec un grand sourire.

- Alors quoi de neuf ? leur lançais-je alors que Marie me fit la bise.

- Oh ! Plein de trucs ! commence Marie d'une voix enjouée.

Et elles se mirent à nous raconter leur week-end. Une fois que nous eûmes fini nous allâmes nous asseoir sur la pelouse pour profiter des quelques rayons du soleil. Allongée sur l'herbe un peu humide je profite du soleil qui chauffe mon visage. Je ferme les yeux, écoutant distraitement les filles parlaient. Je dû sans doute m'assoupir car quand j'ouvre les yeux il n'y a plus que Emma étendue à côté de moi. Je me redresse sur mes coudes et scrute la cour emplie d'élève.

Je repère soudain au loin une chevelure rouge et une autre blonde, Emma lève la main et leur fait signe de s'approcher.

- Bonjours les filles, nous dit Antoine d'un ton posé.

- Salut ! Lança Emma pendant que je m'affalais de nouveau par terre en posant mes bras en croix sur mon visage.

- Et l'autre là elle dit pas bonjour ? Alex avec toute sa délicatesse me poussa du pied.

Je m'en saisi et tire dessus de toutes mes forces, il pousse un grognement tandis qu'il tombe à la renverse. Nous éclatâmes tous de rire pendant qu'il se masse la tête en me lançant un regard noir dont je réponds en lui tirant la langue. Je lui souris pour m’excusé tout en prenant mes affaires et me lève, je leur fais un petit signe de la main et parts en direction de la classe. Le soleil m’a donné chaud malgré les températures de saison. La cloche sonne presque instantanément. Sans attendre plus longtemps je fonce dans la salle de cours et m'assois mollement sur ma chaise, posant ma tête entre mes bras. J'eu un coup de mou, le blues... Les cours de l'après-midi commencent mais je n'ai pas la tête à ça et sans que je ne m'en rende compte 3 heures se sont écoulées, je n'ai pas une fois relevé la tête. Je me lève et regarde autour de moi, pas de Emma à l'horizon.

Je sors alors de la classe en arpentant les couloirs sans bute, me faisant bousculer par la horde d'élèves pressaient de rentrer chez eux. Le regard dans le vide mes pas me conduisirent devant la salle de musique qui était étrangement silencieuse. Je pose ma main sur la poignée et fut surprise de la trouver ouverte. J'entre alors, referme la porte derrière moi et profite de l’odeur si particulière qui y règne toujours. Passant le bout des doigts sur les différents instruments je m'arrête sur une des quelques guitares que possèdent l’école. J'en saisi le manche et m'assois sous la fenêtre, soupirant d'aise en sentant le poids de la guitare sur mes cuisses et entre mes mains. Je me mets doucement à gratter les cordes et, comme si mes doigts agissaient de leur propre volonté, ce fus la mélodie que ma mère avait écrite pour moi, pour que je ne fasse pas de cauchemars la nuit avant d’aller dormir, elle me la chantait toujours. Doucement, du bout des lèvres, cela me calmer à chaque fois. Je me mis d'abord à la jouer doucement, comme si mes mains hésitaient. Puis petit à petit mon cœur s'allège et mes mains bougent plus aisément. Je me mis alors à fredonner les paroles comme elle le faisait toujours, doucement et jamais sans y mettre trop de force. L’émotion me fait mal au ventre, mais comme toujours les larmes ne viennent pas, à la place ma tête s’emplis de tout ce qui faisait de ma mère ce qu’elle était. Tous ses baisés, ses câlins, ses rires, ses sourires, ces blagues qui n’étaient jamais drôle, ses plats si bons comparé aux mieux, son parfum, ces cheveux doux, ces rires de travers. Mes mains glissent sèchement sur les cordes, la musique a envahi la pièce, emportée par ma musique je ferme les yeux pour me plonger plus encore dans mes souvenir. Je suis comme dans un état second, perdu entre le passé et le présent, la pièce est à présent plongée dans une délicate obscurité, le soleil filtre à peine par la fenêtre donnant à la salle une couleur cuivré. Les dernières notent résonnent un moment dans la pièce puis le silence se fait, doux et rassurant. Je laisse tomber ma main sur ma cuisse, épuisée, je soupire de bonheur en reprenant mon souffle. Je me sens incroyablement bien, le mal être qui ne m'avait pas quitté depuis ce matin a disparu, j'ouvre soudain les yeux attirés par un léger craquement.

Cherchant la source du bruit je me fige aussitôt, ouvrant grand les yeux, mon cœur manque un battement.

Alex me fixe avec intensité.

Mes muscles se crispent et mon cœur accélère soudain dans ma poitrine, je sens mes joues rosir les yeux toujours fixés sur lui, son regard me transperce, brûlant ma peau. C'est à la fois une sensation étrange, agréable mais aussi dérangeante. Il s'avance vers moi et s'assoir à mes côtés, prenant la guitare de mes mains pour la caler entre ses bras, il passe quelque fois sa main sur les cordes comme pour jauger l’instrument puis il se met doucement à jouer. Ses doigts glissent agilement le long du manche, d’abord doucement, il me jette souvent des regards étranges dont je ne comprends pas le sens. C’est comme s’il me demandait la permission d’être là, à mes côtés, lui qui était si brut me semble à ce moment si tendre et doux. Sans m'en rendre vraiment compte je me mets à fredonner, il esquisse un sourire et joua avec plus d’énergies. Quand sa voix s’éleva entre nous, un frisson me donna la chair de poule, grave et enroué, sa voix était si chaude par rapport à ce qu’il montrait aux autres que je m’allongeai par terre pour profiter plus encore de son chant.

Les yeux fixant le plafond, je me détends appréciant juste sa présence et sa chanson. Elle prend néanmoins rapidement fin et le silence emplit la pièce, un silence plaisant pas le moins du monde pesant.

Le regard toujours fixé au plafond je tourne doucement la tête vers lui pour le regarder. Les bras posés sur ses genoux repliés sous son menton la guitare toujours coincer entre ses jambes, il regarde fixement devant lui, l’air un peu grave. Il a un beau profile, un nez aquilin léger, une mâchoire carrée où on aperçoit quelques petites cicatrices et des épaules larges. Ses cheveux légèrement plus longs devant lui tombaient devant les yeux, rendant son regard plus mystérieux et énigmatique. Il se tourne soudain vers moi, comme s'il avait senti que je l'observais. Mon corps se crispe aussitôt et mon cœur bat si fort dans ma poitrine que j'eu peur qu'il ne l'entende. Il me fixe longuement et finit par se pencher doucement vers moi sans me lâcher des yeux, son visage à quelques centimètres du mien embrasa mon ventre. Son souffle lécha ma joue et mon nez, m'arrachant un frisson, quelques mèches de cheveux effleurant mon front. Tous mes sens étaient en éveille, j’avais tans envie d'enfouir mon visage dans son cou pour sentir son odeur avec plus d'intensité, de savoir quelle texture avait sa peau, quel goût elle avait. Il finit par me lancer un sourire en coin et se redresse, saisissant son sac, la guitare dans la main, puis il sortit sans me lancer un regard. Je me redresse à mon tour, le souffle court, j’éclate de rire en me précipitant dans le couloir que je traverse en courant. Le cœur palpitant je me mets à sprinter jusqu’à chez moi.

Une fois devant ma maison j’ouvre violemment la porte d'entrée et fonce dans ma chambre, m'élançant vers mon armoire j’en sors mon jogging et me dépêche de me changer. J'ai besoin de me calmer, de faire disparaître ce feu dans mon ventre et ses fourmillements sur mes lèvres. Enfilant mes baskets et saisissant mes écouteurs je dévale les escaliers en lançant distraitement un regard vers l'horloge murale. 19H02.

J'étais restée presque 1h de plus au lycée.

Claquant la porte derrière moi, je m'échauffe rapidement tout en mettant mes écouteurs, une fois que je fus suffisamment échauffé je me mets à trottiner d’abord doucement. Le fond de l'air est glacé et il me faut quelques secondes pour m'y habituer. Mes bras nus se couvrent de chair de poule mais est-ce à cause du froid ou de ce baisé qui n’a pas été échanger ? Mon cœur fait un bon dans ma poitrine et j'accélère de plus belle, essayant de me concentrer sur ma course et la musique, je me dirige vers la forêt.

Les arbres complètement nus ressemblent à de gigantesques squelettes sinistres dont les ombres s’étendent sur le sol dans d'étrange forme. Le ciel se couvre alors d'un épais manteau de nuage noir et menaçant, quand soudain je me stoppe net. Touchant mes joues du bout des doigts je me rends compte qu'elles sont humides. Des larmes glissent le long de mon menton et viennent s'écraser sur le sol. Je serre le poing et lève le visage vers le ciel... La pluie s’est mise à tomber.

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