Chap 4 partie 2 - Nuit blanche

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La sonnerie de l’entrée nous fait sursauter tous les deux et Démon aboie comme un fou, nous arrachant un rire, il se décolle de moi et se lève pour ouvrir, le regard pétillant de bêtise. Je reste un moment assise, glissant une mèche de cheveux invisible derrière mon oreille pour reprendre mes esprits. Des échos de voix m’indiquent qu’Emma et Antoine viennent d’arriver, je me dirige vers eux suivie par Démon, heureux de voir du monde, les caresses pleuvent, mais comme tout à l’heure il retourne bien vite dans son antre ! Nous nous dirigeons ensuite vers une petite pièce à côté du salon, composée d’un canapé noir et de plusieurs instruments ainsi que d’un micro sur pied et de diverses enceintes. Emma et moi nous installons sur le canapé tandis que Alex prend sa guitare et Antoine se poste derrière le micro. Ils mettent quelques instants à s’installer, réglant de-ci de-là des choses qu’Emma et moi, je lui jette un regard amusé et elle sourit face à ma bonne humeur. Aussitôt la musique envahit la pièce et j’en suis envoûtée. La musique a toujours eu une place importante dans ma vie, souvent un remède à ma dépression et à mes insomnies, elle est aussi un lien avec ma mère, elle qui était une si bonne musicienne. Ils sont si beaux tous les deux, Antoine a vraiment une belle voix, claire et un peu aiguë, elle est d’ailleurs par moments accompagnée de celle plus profonde d’Alex. Ce dernier se balance doucement au rythme de la musique, grattant ses cordes avec vivacité et adresse. Leur musique est énergique et poétique, elle leur ressemble vraiment. Mon regard croise alors celui d’Alex qui me sourit, et ce sourire fait naître une multitude de papillons dans mon ventre. J’en ris, ce gars a décidément réveillé quelque chose en moi. Et j’en suis infiniment heureuse… Il s’est à présent écoulé plus de deux semaines depuis qu’Emma et moi avons assisté à la démonstration d’Alex et d’Antoine. Aujourd'hui nous sommes vendredi soir, et nous nous retrouvons tous chez Diana’s, un petit bar sympa dans lequel Alex et Antoine jouent de temps en temps depuis environ trois semaines. J’aime ce bar, cette ambiance un peu vieillotte avec ses grandes banquettes rouges, ce bois sombre et cette lumière orangée qui donne au commerce une ambiance des années 50. Assises dans un angle, Emma devant moi en train de siroter sa bière brune, nous écoutons avec entrain notre duo d’amis sur scène. Ils sont de plus en plus bons, et il y a de plus en plus de monde qui vient les voir. Ma relation avec Alex est étrange, par moments il est d’une douceur presque dérangeante avec moi, et à d’autres moments il est fidèle à lui-même, dur et brutal, imbuvable et sarcastique. Il y a des hauts et des bas, mais je ne sais jamais sur quel pied danser. J’ai dû, avec le temps, me faire à l’idée que plus qu’une attirance, il s’agissait d’un véritable coup de cœur, je ressens de vrais sentiments pour lui. Antoine m’a vite fait un topo sur Alex, il a, paraît-il, eu une très mauvaise expérience dans le passé, depuis il serait très hermétique aux sentiments des autres. Particulièrement ceux des filles. Il évite soigneusement ce genre d’histoire. Pourtant je ne peux m’empêcher de penser qu’avec moi, peut-être… Mais ça ressemblerait beaucoup trop à ces clichés de la gentille petite fille qui tombe amoureuse d’un vilain Bad-boy et qui, miraculeusement, le fait changer. Sauf que moi, j’aime Alex comme il est, avec ses côtés sombres, et que moi je ne suis pas si gentille que ça. La chose qui, je pense, me fait le plus peur c’est la réaction qu’il aurait face à mon propre côté sombre, cet aspect de moi que personne ne connaît, ni mon père ni même Emma. Cette part de moi qui, quand elle prend le dessus, noie tout ce qui est bon et joyeux, ne reste alors plus que ces images, cette douleur, et cette colère sourde qui me fait terriblement peur… Néanmoins ces derniers temps notre petite bataille tire plus sur le bon, moins de méchanceté, plus de rires et de sourires. Je vide la fin de ma bière comme pour accentuer mes pensées embrouillées, et lève la main pour que Steve, le barman gay, me resserve. Avec l’augmentation massive de clients, Diana, la gérante, avait racheté l’étage au-dessus pour faire une seconde salle ainsi qu’une petite piste de danse où nous pouvions danser, faisant de cet endroit une véritable adresse à connaître. La chanson finie, je lève les yeux vers eux et je souris en mettant de côté mes questionnements et ma déprime montante. Alex éponge son front tandis que Antoine vide d’un trait la fin de sa bière, Alex me jette un regard en me souriant, je lui tire la langue en lui faisant signe d’approcher. Il s’assoit à côté de moi, pressant exagérément sa cuisse contre la mienne pour me faire râler, je me penche près de son oreille.
— Vous pouvez jouer la dernière chanson que vous avez écrite ?
— Tsss … Et j’y gagne quoi ?
— Une bière ?
— Mmmm mais encore ?
— Rooh allez ! S’il te plaît.
Je lui fais alors mes yeux de biche comme me l’a appris Emma, battant des cils doucement et le regardant par en dessous. Il sourit de plus belle en me poussant gentiment.
— Bon allez, si tu veux fillette.
— Arrête de m’appeler comme ça, murmuré-je en souriant.

Je me recule un peu et prends la bière que me tend Steve, je le remercie d’un signe de tête tout en posant mes lèvres sur le verre. Alex se penche vers moi, fixant ses yeux dans les miens et comme toujours je me perds dans l’insoutenable profondeur de ceux-ci.
— Et comment tu vas m’en empêcher ?
Je le pousse à mon tour pour le faire taire tout en posant ma bière, il sait très bien que j’aime bien ce surnom et que je râle plus pour la forme qu’à cause d’une véritable gêne. Je lèche mes lèvres pleines de mousse en roulant des yeux dans sa direction, il lâche un sourire franc sans me quitter des yeux. Finalement, Emma lui saisit le bras et le tire si fort en arrière qu’il glisse et tombe par terre, déclenchant nos rires, à Emma et à moi. Il nous lance un regard noir mais amusé et part de nouveau sur la scène, murmurant quelques mots à Antoine, ils montent dessus et s’installent pour les derniers morceaux de la soirée. Dès les premières notes, Emma pousse un cri de joie et prend ma main pour m’entraîner sur la piste m’extirpant de la banquette. J’adore quand elle fait ça, me prend la main et m’entraîne derrière elle comme si elle ne pouvait pas le faire sans moi. Cette chanson que les garçons ont écrite il y a déjà un petit moment est notre préférée, bien qu’elle ne soit pas encore tout à fait au point elle est tout simplement incroyable, et plus que tout, nous adorons danser dessus. Nous nous mettons donc à nous tortiller dessus tout en chantant en même temps les paroles que nous connaissons par cœur, nous hurlons même pendant le refrain. Collées l’une contre l’autre et à bout de souffle, nous regardons les garçons en les acclamant comme des dingues, sifflant et applaudissant à outrance. Autour de nous les applaudissements se font aussi entendre, l’ambiance est au goût du moment et la température monte encore d’un cran. J’enlève rapidement ma veste fétiche que je pose sur la banquette.

Une fois la chanson terminée, les garçons prennent une pause et viennent s'asseoir avec nous. Je bois quelques gorgées de ma bière, assise entre Emma et Antoine, Alex en face de moi. Nous nous mettons à discuter, riant aux éclats. J'écoute les garçons se disputer gentiment sur la prochaine chanson qu'ils veulent faire tout en finissant ma bière.
— Alex, ne peux-tu pas comprendre que les paroles ne me viennent pas comme des illuminations !
— Parce que tu crois que je ne le sais pas, ça ?
— Eh bien, des fois, il m'arrive même de penser que tu es idiot.
— Pardon ?!
Il rit en lui lançant une œillade entendue. Dans leur petit duo, Alex s’occupe de la composition musicale tandis qu’Antoine s’occupe des paroles. Il boit une longue gorgée de sa bière et réplique :
— Mais tu sais bien que je plaisante.
— Saleté, va !
Il cogne l'épaule d’Antoine en ricanant.
— Perso, j'ai des tonnes d'idées pour une chanson.
— Ah oui ?
— Ouaip !
— Eh bien, je t'écoute.
— Ok, alors…
Je ne les écoute déjà plus. Comme souvent depuis quelques mois, j’ai des moments de flottement pendant lesquels je suis comme détachée de mon corps. Heureusement, ça ne dure jamais longtemps. Je pose mon verre vide sur la table et jette un coup d’œil à Emma. Elle participe avec dévotion à leur discussion, leur disant que l'amour est le sujet premier de toute chanson à succès. Ils rient avec exagération et Antoine, le sourire aux lèvres, lui réplique gentiment qu'ils ne feront pas de chanson sur l'amour. J'explose de rire face au visage boudeur de mon amie. Malgré ma veste enlevée, j’ai toujours trop chaud et j’ai envie d’aller prendre un peu l’air. Je me lève tout en prenant mes affaires, murmurant à Emma que je reviens. Elle tente de me suivre, mais je l'en dissuade d'un signe de tête.

Dehors, l'air est froid. J'enfonce mes mains dans mes poches, profitant de la fraîcheur. La nuit est déjà tombée, et les rues sont désertes, permettant à cette dernière d'être délicieusement silencieuse. La porte s’ouvre, et se referme sur les rires de mes amis et le brouhaha des autres clients. Ils se pressent autour de moi, leurs bouches crachant la même brume blanche que moi.
— On avait envie d'aller en boîte, comme on a fini notre petit concert. Tu viens ? me lance Alex.
— Pourquoi pas !
Nous nous dirigeons donc vers la boîte de nuit la plus proche, toujours en rigolant. Les rues sont désertes et seuls nos rires ricochent contre les maisons aux fenêtres noires.
À l'intérieur de la dite boîte, la chaleur est étouffante, et l'odeur âcre de la transpiration se mélange à celles de la cigarette et de l'alcool. La musique, excessivement forte, fait vibrer mon corps et me donne envie de danser. Je saisis la main d’Emma une fois le vestiaire passé et fonce sur la piste. Nous nous mettons à danser en rythme, bougeant nos bras et nos cheveux, nous rions à en avoir mal aux mâchoires. Pour cette soirée, Emma avait enfilé une petite robe noire, légèrement décolletée et cintrée à la taille avec un ruban blanc, et lui arrivant aux genoux. Elle porte de petits talons noirs également et ses longs cheveux sont attachés en un chignon désordonné. Moi, je porte un shorty blanc et un top un peu long, gris, avec de la dentelle dans le dos, mes rangers noires avec des chaussettes hautes. J’ai laissé mes cheveux détachés, de toute manière ils sont encore trop courts pour que je puisse faire des coiffures convenables. Au bout d’un moment, j’ai soif et fais signe à Emma que je rejoints les garçons. Elle me murmure un oui presque inaudible tout en continuant de danser. Les garçons sont tous deux en train de discuter au bar, je m’avance vers eux en essayant de ne pas me faire écraser. Enfin arrivée à leur niveau, je me penche entre eux deux et commande un daïquiri rhum-citron.
Le barman me sourit en le posant devant moi. Grâce à Emma qui me fait sortir plus que nécessaire, je commence à être habituée aux boîtes et aux bars. Je lui fais un sourire aguicheur en faisant mine de sortir un billet. Il me fait un signe en disant que c'est pour lui, je le remercie et me concentre ensuite sur la conversation des garçons. Je sirote mon verre tout en les observant tour à tour. Antoine simplement habillé avec sa chemise blanche habituelle et son jean foncé, et Alex avec un jean bleu cintré à la taille que je ne lui connais pas et une chemise rouge ouverte sur son torse, les manches remontées jusqu'aux coudes. Ils sont penchés l'un vers l'autre pour mieux s'entendre, Antoine un verre de rhum à la main et Alex une bouteille de bière aux lèvres. Je sens soudain un souffle chaud dans mon cou et une main se poser sur ma hanche. Je sursaute et me retourne, un garçon pas très grand me sourit d'un air débile. Il n'est pas beau et sent beaucoup trop l'alcool et la cigarette.
— Alors beauté, on veut danser ?
— Heu non merci …
J'enlève avec violence sa main de ma hanche et me reconcentre sur Antoine, qui me parle de ses paroles de musique. À peine quelques secondes s’écoulent que je sens le garçon se coller carrément contre moi. Je tente de le repousser, mais rien n'y fait, je n’ai pas assez de place pour le repousser comme je le voudrais. Soudain, je me sens tirée en avant, et l'autre garçon me lâche enfin. Je me retrouve dans les bras d’Alex qui, à son tour, enlace mes hanches de ses bras.
— Dégage, mec, elle est avec nous ! siffle-t-il d’une voix si grave que je ne la reconnais pas.
Je jette un coup d’œil à l'autre, qui lève les mains en l'air et retourne vite sur la piste. Alex me tient plus fermement par la taille, le regard à présent fixé sur Antoine qui ne semble pas dérangé par la soudaine proximité d’Alex et moi. Je lève le nez vers lui, il luit un peu sous les néons de la boîte et il sent un peu la transpiration, mais je réussis aussi à percevoir les effluves de son parfum. Ses doigts touchent ma peau et ce contact semble me brûler et enflamme mon ventre. Sa chemise laisse entrevoir son buste imberbe, et encore une fois mon regard reste un instant accroché à la chaîne autour de son cou. Il finit par tourner les yeux vers moi et, se rendant compte qu'il me tient toujours, me lâche en passant sa main dans ses cheveux, gêné. Il prend sa bouteille et la vide tout en faisant signe au serveur de le resservir. Je prends à mon tour mon verre en faisant comme si rien ne s'était passé, je jette un coup d’œil à Antoine qui me lance un clin d’œil tout en souriant derrière son verre. Je me tourne ensuite vers la piste de danse et glousse en constatant qu’Emma est entourée de beaucoup de garçons qui la dévorent des yeux.

Elle finit par voir que je la regarde et me fait un petit signe, je lui souris en lui demandant silencieusement de venir. Elle quitte la piste de danse sous les regards désespérés des garçons, je ris dans ma gorge tandis qu'elle me chipe mon verre pour boire dedans. Je lui fais de gros yeux et elle me lance un sourire amusé en plantant un baiser sur ma joue. Elle se penche sur le bar pour interpeller le barman, tandis qu’Antoine et Alex se dirigent vers la piste de danse. Je prends la place d’Alex et Emma s’assied en face de moi, son verre à la main, elle me lance un regard et nous explosons de rire. C'était notre truc, dès qu'on se regardait, on ne pouvait pas s'empêcher de rire comme des folles, sans raison particulière, et plus nous étions ivres, pire c’était. Les yeux brillants, je regarde Emma engloutir un autre verre d'alcool en grimaçant.
— Mais qu'est-ce que tu bois ?
Elle regarde son verre un instant, le porte à ses lèvres et me lance d’un regard amusé :
— Aucune idée !
J'éclate littéralement de rire face à son aveu et me rends compte que je n’ai plus rien à boire. Je lève la main vers le barman et lui en demande un autre.
— Vous êtes seules, les filles ? nous demande-t-il.
— Non, lance Emma, nous sommes avec des amis.
— Oh, si ce ne sont que des amis, j'ai peut-être une chance.
— Désolée, mais moi je suis prise, réplique-t-elle. Mais mon amie, par contre… enfin, sauf si tu t’es enfin décidée à accepter tes sentiments et à m'en faire part.
Je lui lance un regard halluciné, comment pouvait-elle le savoir ? Elle pose la main sur la mienne en lançant un regard entendu au barman qui, levant les yeux au ciel, part s'occuper d'autres clients après nous avoir posé nos deux verres. Son regard voulait tout dire, et je sens le rouge me monter aux joues.
— Comment…
— Je le sais ? j’hoche la tête. Écoute Sophie, tu es ma meilleure amie, je connais presque tout sur toi, et tu connais aussi presque tout sur moi, mais tu dois savoir un truc super important ?
— Quoi ?
— Que t’es pas douée pour cacher tes sentiments, encore moins à moi !
Je la regarde, le sourire aux lèvres, et pose ma main sur son épaule, embrasse sa joue brûlante et collante.
— Je t'adore Emma !
— Moi aussi je t'adore Sophie…
— Et nous, vous nous adorez ?
Nous nous tournons d'un même mouvement pour voir Antoine et Alex à côté de nous, Alex souriait de toutes ses dents.
— Mmmm je sais pas… lance Emma en regardant Antoine. Antoine, c'est vrai que je t'adore, mais Alex…
— Quoi ? Mais qu'est-ce que j'ai fait ?
Il lui lance un regard plein de tristesse, quel acteur.
Elle me regarde un long moment avant de dire d’une voix étonnamment claire vue tout ce qu’elle avait bu :
— Rien, enfin j'espère !
Tous deux la regardent avec des yeux ronds, sans comprendre ce qu'elle voulait dire. J'éclate de rire et retourne sur la piste de danse. Emma ne me suit pas, elle me montre ses pieds et je comprends, voilà pourquoi j’avais mis des chaussures plates et confortables. Nouvelles chaussures plus boîte de nuit égale mauvaise combinaison. Je lui lance un sourire amusé tout en reprenant ma destination.
Je me mets alors à danser, bougeant mes hanches au rythme de la musique, je ferme les yeux pour en profiter un maximum. La sueur perle dans mon dos, et mes pieds commencent à chauffer, mais je ne m'arrête pas, la chaleur dans mon ventre me pousse à continuer de danser. La musique m'embrouille délicieusement l'esprit, me fait un peu tanguer, mais pas m'arrêter, depuis que nous sortons tous ensemble, je me suis prise de passion pour la danse, ça me permet de totalement libérer mon corps.

J'ouvre soudain les yeux, on m'a saisi les hanches, mais cette odeur m'est trop familière pour qu'il s'agisse d'un étranger. Je me tourne et me retrouve nez à nez avec Alex. Il se penche vers moi, se meut contre mon corps. Je me sens prendre feu, tellement de choses tournent dans ma tête, l’alcool commence à me faire chavirer, et il n’aide pas à ce que je garde les pieds sur terre. Je lève les yeux vers lui et mon regard reste soudain bloqué sur ses lèvres. Un peu gercées par le froid, je les fixe avec intensité. Il me sourit, de son sourire carnassier que j'aime, je lui lance un regard amusé et passe mes bras autour de son cou. Je me colle plus encore à lui et bouge mes hanches contre les siennes. Son sourire ne le quitte plus et ses yeux brillent davantage.

Je glisse mon visage dans son cou et inspire son odeur, il frissonne un peu tout en se pressant plus contre moi, son odeur me donne le tournis. Nous perdons l’équilibre pendant une fraction de seconde, nous rions et mon souffle sur sa nuque le fait de nouveau frissonner, l'alcool le rendait sensible. Je me recule alors, fixant mon regard dans le sien, souriant de plus belle. Je me sens bien ainsi, dans ses bras, il penche un peu la tête sur le côté en rigolant. C’est sans doute son rire qui me pousse à l'embrasser au coin des lèvres. Il ne bouge pas, se contentant juste de fermer les yeux, son souffle caresse mes joues et mon nez, c’est un geste tendre, fait sous le coup de l’alcool et de l’émotion. Moi je n’ai pas fermé les yeux, préférant le regarder, je fais glisser ma bouche jusqu'à l'autre coin de ses lèvres. Il soupire de nouveau, et quand je me recule, il me lance un regard intrigué.
— Tu es vraiment énigmatique comme fille…
— Et toi un beau crétin !
Notre relation était compliquée, tordue même, nous nous cherchions sans nous chercher, lui ayant peur des sentiments et moi de mes démons intérieurs. Il passe sa main sur ma joue, en dessine la courbe, glisse sur mon menton, il tire alors doucement dessus comme pour demander la permission. Une demande qui est un premier pas, un premier mot, quand mes lèvres se posent sur les siennes il n’y a pas de feu d’artifice, pas de papillons dans le ventre, juste une douce chaleur qui se répand dans tout mon corps. Elles ont le goût de la bière et de la cigarette, ce goût c’est un peu de lui, un peu de cette soirée, un début de quelque chose, un début de promesse. Je finis par me reculer, le sourire aux lèvres. Il me regarde, les yeux dans le flou, en souriant aussi, un sourire un peu de travers. Je ne sais pas s’il a réellement saisi le sens de notre échange, mais maintenant je sais, je sais qu’il éprouve quelque chose pour moi, et ce quelque chose me fait doucement rêver.

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