Chap 5 partie 2 - Le psy du sommeil
Un bruit attire mon attention. Derrière l’immense bar en bois foncé et en cuivre poli se tient, droit comme un « i », un homme.
Il est plutôt beau, grand, avec de larges épaules, une barbe de trois jours entretenus avec soin, une chemise blanche et un pantalon vert cintré à la taille.
Ses beaux yeux verts m’hypnotisent aussitôt et je m’approche pour m’asseoir sur un haut tabouret. Ses cheveux commencent doucement à grisonner, les rendant brillants d’une manière étrange et envoûtante. À y regarder de plus près, il est vraiment beau — la beauté d’un homme d’une quarantaine d’années que le travail aurait vieilli prématurément.
Il esquisse un sourire en essuyant un verre, comme dans les vieux films américains.
— Bonjour, je vous sers quelque chose ?
Il a un accent très chaleureux, du sud, peut-être espagnol.
— Oh, euh… Bonjour, je… Je ne sais pas trop. C’est la première fois que je viens ici.
— Ne vous en faites pas. J’ai toute mon après-midi, ne vous pressez pas.
Son sourire s’agrandit davantage, déclenchant inévitablement le mien. Une douce chaleur se répand dans mon ventre. Cette atmosphère et cette amabilité me réchauffent après cette fin de matinée éreintante.
— Un thé alors… Quelque chose de réconfortant, vous avez ?
— J’ai exactement ce qu’il vous faut !
Et il part fouiller ses nombreuses étagères, le sourire toujours aux lèvres.
C’est un enchaînement de bruits : des tasses qu’on cogne doucement, de l’eau qui bout, des boîtes en aluminium qu’on déplace, des capsules qu’on ouvre.
Je me tourne vers la salle pour l’observer plus posément.
Les deux murs du fond sont de grandes baies vitrées donnant sur un minuscule jardin qui ressemble à ces petites forêts des contes de fées.
La lumière mourante de cette matinée hivernale rend plus verte encore cette faune secrète.
Un oiseau s’envole dans un bruissement discret d’ailes. Ma tête se vide presque instantanément.
Une tasse fumante est posée devant moi, et une odeur d’épices me pique les narines.
Je me penche dessus et respire à pleins poumons cette senteur étrange. Comme il l’a dit, elle me réconforte aussitôt. Un souvenir naît dans mon esprit :
un hiver sans date ni lieu, où j’avais pris froid, et où ma mère, inquiète comme toujours, m’avait dorlotée et apporté un thé si chaud que je m’étais brûlée la langue.
— C’est un thé aux épices africaines. Il est fort en goût, mais il vous réchauffera le corps et apaisera l’esprit.
Je ne dis rien et me contente d’enrouler mes doigts autour de la tasse. Le liquide sombre comme du café tremble, puis s’immobilise.
La chaleur transperce ma peau et me donne la chair de poule. Il incline un peu la tête et part vaquer à d’autres occupations. Quand la chaleur se dissipe enfin, j’apporte la tasse à mes lèvres et bois une petite gorgée. Elle pique un peu la langue.
C’est un goût étrange, mais agréable. Je me mets à le siroter tranquillement, laissant mon esprit vagabonder et se détendre.
Quand ma tasse est vide, j’en suis presque triste. Mais l’heure tourne, et mon père m’attend sans doute à la maison.
— Euh… Excusez-moi ?
Le barman se tourne vers moi, relevant son nez d’un livre qu’il referme et glisse sous le comptoir.
— Alors ? me demande-t-il en s’approchant. — Cela vous a plu ?
— Oui, vraiment. Il était particulier, mais très bon.
— Cela vous a réconfortée ?
— Plutôt oui.
— Tant mieux. J’espère vous revoir alors.
Et je souris. Encore. Après avoir payé, je promets de revenir — ce que je fais, deux jours plus tard, quand Sarah se jette de nouveau sur Alex et que cette douloureuse boule dans mon ventre me donne envie de vomir.
Je reviens me réfugier.
Car c’est devenu ça, mon refuge : un endroit où je trouve un autre genre de réconfort.
C’est devenu si important, si personnel, que je n’en parle à personne. Pas même à Emma.
Le temps passe et je me mets à éviter Alex, ne supportant plus de le voir, incapable de faire face à tous ces sentiments qui me rongent.
Je retourne inlassablement dans ce petit café où Mark, le barman et patron, m’accueille toujours avec un immense sourire. Il est lui aussi devenu une sorte de refuge, un point d’ancrage différent de ce que j’ai déjà. Quelque chose de plus concret, de plus palpable. Il est devenu comme une sorte de grand frère.
Un grand frère qui m’écoute parler de ma relation conflictuelle avec mon père, de mes sentiments pour Alex qui me blessent, de mes démons qui m’empêchent de dormir, de tout et de rien.
Il me parle aussi. Il a été fiancé, mais elle est décédée dans un accident de voiture.
Ses parents vivent encore ensemble dans un pays chaud au nom compliqué, et sa grande sœur, son modèle, s’est mariée il y a trois ans et a eu une petite fille.
Les photos qu’il me montre sont adorables, et chaque fois que j’y pense, j’ai une irrésistible envie de lui croquer ses petites joues d’enfant. Je me mets aussi à dessiner frénétiquement : des gens, des animaux, des paysages. En l’espace de dix jours, j’ai déjà rempli deux carnets de croquis et peint trois tableaux.
C’est un dimanche quand, pour la centième fois, je dessine Mark en train de lire, qu’une pensée traverse mon esprit.
— C’est bientôt Noël…
Mark redresse la tête et me regarde. Il fait le tour et vient s’asseoir en face de moi, la mine amusée.
— Tu n’aimes pas cette fête ?
— Je ne dirais pas que je n’aime pas ça… C’est juste que…
Avec les cours, mon père, et cette histoire avec ce garçon… Mon Noël d’il y a quelques années ne ressemblait pas à celui qui se profile.
— Je vois… Tu ne crois pas que c’est justement le bon moment pour essayer d’arranger les choses ?
— Je ne sais pas si j’ai vraiment envie que les choses s’améliorent…
— À toi de voir, mais tu te sentiras mieux après ça, je peux te l’assurer !
Il me sourit et me flanque à la porte parce qu’il a un rendez-vous galant. Le lendemain, en cours, mon esprit se met à flâner. Ses paroles ne m’ont pas quittée, et je me pose des questions.
Je ne sais pas quoi faire. D’un côté, cette situation avec Alex me dérange, parce que même s’il ne veut pas être avec moi, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas être amis. Et si cela n’est pas possible, autant mettre les choses au clair ! Mais comment aborder le sujet ? Comment l’approcher sans me prendre cette douleur en pleine figure ?
C’est finalement un curieux coup du sort qui décide à ma place. Les cours ont enfin pris fin quand je me rends compte que nous sommes les derniers élèves dans la classe.
Mon carnet du moment est ouvert sur une page pleine de ses portraits, faits à la va-vite.
Son regard glisse de mon épaule à la feuille, et je crois l’entendre sursauter. Il ne devait pas s’attendre à ça.
Quand je me tourne pour lui faire face, son visage est crispé, comme si quelqu’un venait de lui marcher sur le pied. C’est à la fois comique et étrange.
— La tête que tu fais… On dirait un bébé chien à qui on aurait écrasé la patte !
Il y a un silence, et je me rends trop tard compte que je viens de penser tout haut.
Un gloussement soulève un coin de ses lèvres, puis rapidement, mon ricanement brise le silence de la salle.
Quand je me mets à rire franchement, le sien ne tarde pas à se joindre au mien. Je ne sais pas combien de temps nous rions ainsi. Quand le silence reprend place entre nous, un malaise me gagne et j’ai du mal à déglutir tant ma gorge est nouée. Je ramasse rapidement mes dernières affaires et sors de la salle sans attendre, l’angoisse me dévorant les entrailles. J’ai perdu tout courage. J’étire ma nuque douloureuse et fais craquer mon dos courbaturé. Quand une main s’écrase brutalement sur mon épaule, je sursaute en poussant un couinement surpris.
Je suis encore plus surprise quand je réalise qu’il s’agit d’Alex.
— Tu m’as fait peur, murmuré-je en me dégageant doucement.
— S’cuse.
Il enfouit ses mains dans ses poches et se balance d’une jambe sur l’autre. Il est mal à l’aise, et semble vouloir me dire quelque chose.
— Pourquoi tu m’as pas dit que je ne t’intéressais pas ? Plutôt que de laisser cette gourde te sucer la poire à chaque fois qu’on se croise ? lançai-je alors, du tac au tac.
Il ricane et se penche vers l’avant pour me regarder. Son regard est intense et canaille, comme lui, en somme.
— Je suis pas super doué pour m’exprimer.
— Non, tu crois ? répliqué-je en me dirigeant vers la sortie.
Son pas rapide derrière moi me fait sourire.
— Je… C’est pas…
— Arrête, c’est nul comme tu commences. Décidément, t’es vraiment pas doué.
Il baisse la tête en se mettant à ma hauteur, l’air coupable.
— Tu sais, je… je t’apprécie. Et j’apprécie les moments qu’on a passés ensemble. J’ai pas envie de faire un truc compliqué, j’ai juste… Juste envie de rester près de toi. C’est bizarre, mais tu fais partie de ces rares personnes qui fuient pas devant ma personnalité bordélique !
— C’est parce que moi j’ai une personnalité merdique. On s’complète !
— Si tu le dis…
Je serre mon portable dans ma main. Quand nous sortons, l’air froid me fait grincer des dents. Je déteste vraiment le froid. Pire encore : le soleil a cédé sa place aux nuages et au vent glacial qui arrive à se faufiler entre les pans de ma veste.
— Quel temps de chien !
— Tu… tu veux venir boire un verre chez moi ? me propose-t-il soudain.
— … Ouais, okay !
Et il me sourit. Pas un sourire aussi grand et chaleureux que celui de Mark, mais un sourire à lui : discret et rieur, qui déclenche inévitablement le mien.
Je pense que je pourrais comparer son appartement à l’arrière-salle d’une salle de concert. Je ne l’avais pas remarqué avant, sans doute trop concentrée sur Alex.
La pièce est remplie à craquer d’étagères débordant de CD. Il y a plusieurs enceintes tout autour du salon, et des posters disséminés çà et là. Assise sur le vieux canapé en cuir craquelé, je regarde Alex déambuler dans la pièce, ramassant des vêtements, des magazines, des partitions.
Il branche au passage son poste de radio et enclenche un CD. Une musique rythmée commence, et je me mets à en taper le rythme du pied. Je dois avouer que je suis un peu stressée. C’est étrange de me retrouver ici après toutes ces semaines sans se parler.
Je gratte du bout des doigts la tête de Démon, à mes pieds, quand Alex pose une bière devant moi et trinque avec la sienne.
Je m’empresse de presser le goulot contre mes lèvres pour occuper mes mains.
La bière est si vite finie qu’Alex ouvre grand les yeux en me détaillant. J’esquisse un sourire qui le fait rire — sans doute plus grimace que sourire, à ne pas s’y méprendre.
Quand la deuxième bière est dans mes mains et qu’il vide la sienne pour rattraper son retard, je me sens me détendre. La musique apaise l’atmosphère, et rapidement la conversation s’installe. Nous parlons de tout et de rien, nous rions beaucoup.
Une troisième bière est bue, puis une quatrième. Il monte un peu le son de la radio et vient s’installer à côté de moi. Nos genoux se frôlent par moments. La soirée passe à vive allure. Quand la nuit tombe sur l’appartement et assombrit la pièce, nous restons plongés dans une obscurité pleine de rires et de musique.
C’est fou comme, malgré tout ce qui s’est passé entre nous, rien ne change. Ni cette étrange complicité, ni même ces sentiments qui me chauffent le ventre. Je ne sais pas trop ce que l’avenir me réserve, mais je me rends compte qu’il faut que j’apprécie le moment présent. Car si ça se trouve, demain il sera de nouveau froid. Demain, il s’éloignera encore de moi.
Ses rires graves couvrent de nouveau la musique. Je ne pensais pas qu’il pouvait autant sourire, ni autant rire.
— Nan, arrête sérieux ! C’est pas possible, ce que tu me dis !
— Siii, je t’assure ! Elle est sortie de la salle de bain avec de la mousse plein les cheveux, enveloppée dans une serviette rose bonbon, et le visage encore couvert de son masque à l’argile verte !
— J’aurais trop aimé être là pour la voir, sérieux !
— Oh crois-moi, t’aurais pas aimé, répliqué-je en reprenant mon souffle.
— Ça fait longtemps que vous vous connaissez, toi et Emma ?
— Mmmm ouais, plutôt. On s’est connues en primaire. Elle était toute mignonne avec ses bagues, à l’époque. Je sais pas trop pourquoi, mais quand elle m’a vue en cours de dessin, elle est venue s’asseoir à côté de moi et elle n’a plus jamais changé de place. Elle m’a plus jamais lâchée !
— C’est cool franchement. Moi, j’ai gardé aucun ami de mon ancienne école.
— Pourquoi t’as déménagé d’ailleurs ? C’est rare, les réorientations en terminale.
— Mmm… j’ai eu quelques problèmes dans mon ancien bahut, alors j’ai préféré partir.
— Oh…
Il boit quelques gorgées de sa bière avant de changer de sujet.
— Et sinon, ils font quoi, tes vieux ?
— Mon père est comptable dans un petit bureau en centre-ville. Et ma mère, elle… elle était peintre.
— Était ? Elle est…
— Ouais. Elle est morte y a douze ans, à peu près, dis-je en restant vague et détachée. — Et toi ?
— Administration, tous les deux.
— Je vois…
Il y a un moment de silence pendant lequel on se contente de fixer nos bouteilles.
— Sérieux, on a plombé l’ambiance avec nos sujets sensibles.
— Faut dire qu’on semble avoir tous les deux un passé chaotique.
— Je te le fais pas dire !
— Ça arrive, c’est pas grave. Dans ce genre de situation, on change de sujet, et puis c’est tout, répliqué-je en souriant de plus belle. — Tu sais ce que tu voudrais faire après le lycée ?
— Pas trop, non… J’aimerais vraiment bosser dans la musique, mais bon, c’est un peu compliqué comme milieu.
— Je m’en doutais ! Musicien ? Ou tu veux être genre producteur ?
— Je sais pas encore. Mais je pense plus musicien. J’aime beaucoup trop la musique… Et toi ?
— Moi ? Je voudrais devenir artiste ! Niveau difficulté, on se pose au même niveau !
— Tu aimerais avoir une galerie ? Quelque chose comme ça ?
— Ouais, un petit truc pas trop chic, un endroit que je pourrais retaper de A à Z.
— Je te vois bien là-dedans. Je viendrai t’acheter des toiles, et toi tu viendras à mes concerts !
— Marché conclu !
Nous nous sourions de plus belle, jusqu’à ce que je sente mon portable vibrer sur la table. Mon père, pour changer.
— Excuse-moi une minute.
Alex se lève en souriant, baisse la musique, puis va dans sa chambre.
— Oui papa ?
— Salut chérie, tu n’es pas encore rentrée ?
— Non, désolée, je suis avec un ami.
— Oh, un garçon ? Tu ne fais pas de bêtise, au moins ?
— Papa, j’t’en prie, j’ai 19 ans. J’ai passé l’âge pour que tu me dises de ne pas faire de bêtise.
— Oh là là, excuse ton vieux père de s’inquiéter ! Bon, passons. Tu rentres dîner ?
— Oui, je pense. Tu manges dans combien de temps ?
— Eh bien, vu l’heure… dans pas longtemps.
Je regarde l’heure sur mon portable et écarquille les yeux en me rendant compte qu’il est bien plus tard que je ne le pensais.
— Ouh là, j’avais pas vu l’heure ! J’arrive dans trente minutes, alors.
— Ok, je vais cuisiner un truc en t’attendant.
— Si tu cuisines, je viens pas !!!
— Ah ah ah, très drôle. Allez, je t’attends.
— Ok, à tout de suite !
Je raccroche au moment où Alex revient dans le salon. Il a changé de haut et enfilé un jogging.
— Désolée, faut que j’y aille. Mon père m’attend pour manger.
— Pas de souci. Tu veux que je te raccompagne ?
— Non, t’inquiète. Je connais le chemin.
— Bon, si tu le dis.
Je rassemble mes affaires puis me dirige vers la porte d’entrée, suivie de près par Alex. Il ouvre la porte et me laisse passer.
Sur le seuil, il y a de nouveau un moment de silence. Nous sommes là, l’un en face de l’autre, légèrement gênés, sans trop savoir quoi faire.
— Bon ben… c’était cool ! Faudra se refaire ça. Et avec les autres aussi, ça peut être sympa.
— Oui, avec plaisir, répliqué-je.
Je m’approche alors et embrasse sa joue avant de détaler comme un lapin, lançant un au revoir qui résonne dans tout le quartier.
Il fait plus froid que tout à l’heure et je presse le pas pour ne pas me refroidir.
Cette soirée a été superbe. Je ne pensais pas retrouver cette complicité bizarre avec lui.
Quand j’arrive, la maison empeste le brûlé et, comme toujours, on finit par commander à manger. Un retour à la normale, en soi !
Enfin ! Ce sont enfin les vacances. Je n’en peux plus. Entre les événements des dernières semaines et ma réconciliation avec Alex, j’ai été mise à rude épreuve.
Pire encore, ce vendredi est sans fin, et même les profs commencent à trépigner sur place, sans doute dans la hâte de retrouver leur foyer et de ne plus voir nos têtes de chieurs.
Quand enfin la cloche annonçant la fin des cours retentit, tout le monde hurle de joie et se précipite vers la sortie. Emma glisse son bras sous le mien et me sourit. Elle est heureuse. Heureuse parce qu’elle et son copain sont en parfaite harmonie, heureuse parce que ce sont les vacances de Noël et que c’est sa fête préférée, mais surtout heureuse de me voir aller mieux.
Nous croisons d’ailleurs Alex, qui me salue du bout des doigts. Je lui souris à mon tour en lui lançant :
— Enfin les vacances, hein ?
— Putain ouais, enfin !
Il se met à notre hauteur le temps de sortir de l’école.
Nous nous calons devant le portail pour discuter un peu, puis il nous salue de nouveau et décampe vers chez lui, non sans m’avoir, au passage, fait un clin d’œil. Quand il disparaît de notre champ de vision, Emma se tourne vers moi, un immense sourire lui mange la bouille.
— Eh bien, ça a l’air d’aller carrément mieux entre vous !
— Oui, on recommence à discuter. Et on parle pas mal par textos aussi.
— Ouah ! Quelle évolution, je suis tellement contente pour toi !
Elle couine en me tirant le bras. — Allez, viens, on va chez moi. J’ai besoin de bonbons et de discussions de filles !
— C’est pas déjà ce qu’on fait depuis une semaine ?
Elle ignore royalement ma remarque et me tire de plus belle vers chez elle en entamant la discussion avec entrain. Une fois chez elle, nous discutons, encore et encore, jusqu’à ce qu’elle m’abandonne pour aller se doucher.
Elle a eu gym et ne supporte plus, comme elle le dit, de sentir la vieille chaussette.
Après une éternité à attendre, elle lance soudain depuis la salle de bain :
— Tu fais quelque chose pendant les vacances ?
— Nop.
— Et donc...
— …
— …
— Bon, crache le morceau, enfin !
— Tu veux venir avec moi à la montagne ?
Mes parents sont absents comme toujours, et j’ai décidé de fêter Noël entre amis dans notre chalet ! Je me lève alors et me mets à crier comme une dingue.
Je suis rapidement suivie par les siens, qui emplissent la chambre et réchauffent l’ambiance. Elle me rejoint, habillée de son pyjama, en me prenant les mains et en sautillant sur place.
— Je ne m’attendais pas à une si bonne réaction, réplique-t-elle en reprenant son souffle.
— Tu sais quoi ?
— Nan, quoi ?
— En fait, ça tombe super bien. Je me sens étouffée dans mon quotidien. J’ai besoin de sortir de ce cadre.
— C’est comme si je te tendais une bouée de sauvetage ?
Je lui lance un regard en souriant, car c’est exactement ça.
— Bon, et sinon, qu’est-ce qu’on y fera ? On peut pas dire qu’il y a beaucoup de trucs à faire à la montagne.
— Ben, les trucs habituels : du ski, des batailles de boules de neige, et bien sûr, des soirées tous les soirs !
— Mmm… Et on glanderait rien quand on est trop fatiguées...
— On mangerait ce qu’on veut…
— Se lèverait quand on veut…
— Se coucherait quand on veut…
— Le pied total, en gros !
Emma pousse un petit cri de satisfaction face à ce beau programme en s’allongeant sur son lit. Je la suis et me mets à côté d’elle.
— Et y aura qui ?
— Je sais pas encore. Je pensais au groupe de base.
— Je sens que ça va être super !
Elle sourit de nouveau. Ces vacances vont peut-être être mieux que ce que j’avais cru il y a quelques semaines…
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