2.7 Lesia - Quatre ans

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De mon point de vue, c'est sans doute la fin d'un temps, et le début d'un autre.

Le début de quatre années sans voir mon frère. Pas une seule fois. Et sans qu'on me dise, jamais, ce qu'on lui fait.

Mon père, lui, se transforme en une créature méprisable, qui parle de moins en moins et qui affiche un regard vide en permanence. Il est absent la plupart du temps. Il est en France, dans la montagne noire, là où Svenhild a installé son nouveau laboratoire qu'elle aime à appeler clinique.

Maman, elle, a la plupart du temps un comportement normal de mère, certes troublée et triste mais qui n'oublie pas son devoir et poursuit une éducation constante avec sa cadette. Je ne manque de rien venant d'elle, ni d'amour, ni de communication, et nous ne nous disputons que lorsque je me risque à entamer le chapitre Natanaïl. Elle semble ne plus jamais vouloir le voir.

- Ce n'est plus mon fils ! Ce n'est pas ça que j'ai élevé et porté en mon sein !

- Il est malade, maman !

- Aucune excuse n'effacera ce qu'il a fait !

Sa colère et sa douleur n'ont pas échappées à ses fils. Mark en profite pour me lancer d'horribles répliques au sujet de mon déchet de frère dont il ne sait rien. Par bonheur, je suppose, car s'il savait, ce serait pire.

Mes premières pulsions, à moi, surtout hormonales, se présentent assez tardivement. Je ne pense pas rencontrer de crise violente, du moins rien d'anormal pour une adolescente, mais chaque fois qu'une ombre d'émotion forte ou de désir me traverse le corps, ça me fait l'effet d'une décharge électrique violente. Les larmes alors se bloquent dans ma gorge et préféreraient m'étouffer plutôt que de sortir. La plupart du temps, ça m'arrange, et je n'essaie pas de les libérer. Mais parfois, le poids de l'angoisse est si lourd que je me trouve sans crier gare la tête dans les toilettes à vomir toutes mes tripes.

Maman dit qu'un jour, ça me passera. Que c'est juste la peur et que tout va bien chez moi. Qu'un jour je trouverais quelqu'un en qui j'ai confiance et qui me donnera confiance en moi, et que tout ira mieux, d'un seul coup. Je verrais, elle me dit. Mais je n'y crois jamais un instant. Je pense que mon coeur et mon corps resteront fermés à jamais. Aujourd'hui encore... Je sais que c'est un peu stupide, de te raconter ça à toi, Ysha, qui ne connaît rien à ces choses. Mais tu y seras confronté bien plus tôt que prévu, et je ne veux rien te cacher.

Natanaïl a été submergé par des accès d'émotions de toutes sortes et a fait du mal à toutes sortes de personnes. Et moi, j'ai tout ravalé. Par peur d'être comme lui. Par peur de rencontrer quelqu'un comme lui. Tout ce qui me semblait nouveau et fort, je l'ai renvoyé d'où ça venait, à coup de pieds, tant bien que mal.

A mes dix-sept ans, nous retournons vivre en France. Nous achetons une maison près de Toulouse, celle où nous vivons encore aujourd'hui. J'entre au lycée pour y passer un bac français ; Maman y a toujours tenu. Et surtout, nous sommes proche de la clinique de Svenhild, où papa passe tant de temps. Même si l'angoisse de maman est, du même coup, à portée de main, je crois que la présence de son mari tous les soirs à la maison lui est terriblement précieuse. Elle espère le sortir de son mutisme, qui devient chaque jour plus radical. Son amour pour lui est viscéral. Visiblement, davantage que pour son propre fils. Cela dit, il faut bien admettre que papa n'a jamais rien fait d'immoral.

Sainte Elena, mère de monstres, que votre nom soit...

Et un jour. Un fameux jour. Ezéar débarque à la maison.

Assez mal accueilli par maman, le malaise fait un bond considérable lorsqu'il s'efface pour laisser place à un jeune homme au cheveu ras et à l’œil éteint.

Natanaïl.

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