Chapitre 1

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POINT DE VUE DE PAUL

Ma vie n’a toujours été qu’un puits sans fond. Quelque temps, j’ai cru le contraire. Puis j’ai déchanté. Elle m’a quitté. La vie de couple, c’est pas pour elle, qu’elle m’a dit.

Un SMS. Il a suffi d’un SMS d’elle pour que mes espoirs s’effondrent. Tout est parti en fumée. J’ai couru. Comme un fou. Comme jamais je n’aurais pensé le pouvoir.

Mais elle n’était déjà plus là. Comme un con, j’ai fixé sa putain de brosse à dents du regard pendant des heures, comme une preuve de son retour imminent. Mon œil…

Elle la laissait toujours en plan, sa brosse à dents. Comme à peu près tout le reste, d’ailleurs. Elle détestait les trucs plan-plan et bien ordonnés, où tout est à sa place et y reste.

Sa place, elle, elle se la faisait. « Qui va à la chasse perd sa place »… Ce dicton n’a jamais été aussi faux qu’avec elle. Elle ne se contentait pas d’attendre sagement. Elle sortait les griffes et vous tirait du fauteuil pour s’y asseoir, au sens propre comme au figuré. Et elle ne cédait ni n’abandonnait jamais. Ses souhaits, elle les rendait réalité.

Mon souhait à moi, elle l’a rendu rêve. Elle l’a piétiné en partant, puis il a sombré dans l’oubli. Elle, je ne l’ai jamais oubliée… Je lui aurais offert le monde si elle l’avait demandé.

Parfois, avec elle, je souriais. J’ai même ri, quelques fois. Maintenant, je ne sais même plus comment on fait.

Ni l’un, ni l'autre...

POINT DE VUE DE LILI

— Lili chérie, comment va mon futur gendre ? demande innocemment ma mère tout en servant une cuisse de poulet à mon père, éclaboussant la nappe de sauce au passage, son regard perçant étant concentré sur moi et non sur ses gestes amples et incontrôlés.

Je soupire en levant les yeux au ciel, exaspérée.

— Mamaaaaaan, on en a parlé cent fois. Martin est un ami, juste un ami, rien de plus !

Je n’ai pas le temps de pousser mon argument plus loin. Elle m’interrompt en claquant la langue à plusieurs reprises, l’air réprobateur.

— Arrête tes simagrées et épouse-le, ma chérie ! Tu vas finir vieille fille à ce rythme, et ce n'est pas Nobel qui va te rendre heureuse et me faire des petits-enfants ! s’exclame-t-elle en reposant vivement les couverts dans le plat puis en se curant les dents avec la pointe de son couteau. Martin est absolument parfait. Fonde une famille avec lui. C’est pas une vie de jeune femme épanouie, que tu mènes là…

Nobel, mon chat fidèle en toutes circonstances, m’observe, interrogateur. Puis il bondit sur mes genoux et feule en direction de ma mère.

J’éclate de rire, me sentant défendue.

— Bien dit, Nobel ! le félicité-je en lui permettant de lécher mon assiette. Tu veux m’épouser, toi, hein mon coeur ? ajouté-je en l’embrassant entre les oreilles.

Ma mère semble hésiter entre le rire et l’exaspération. Mon père, lui, rit franchement. Elle lui tape vivement l’arrière de la tête.

— L’encourage pas, toi ! le gronde-t-elle alors même qu’elle ne peut empêcher un sourire de naître sur ses lèvres. T’es vraiment pas possible, ma fille… ajoute-t-elle tendrement en levant les yeux au ciel.

— Le poulet n’est pas trop sec ? demandé-je pour dévier la discussion vers une pente moins savonneuse.

— Bah, au moins, ta sauce est délicieuse, c’est déjà ça ! s’exclame ma mère en plongeant son morceau de pain dans le bol de ladite sauce.

Ma diversion a fonctionné mieux que je l’espérais. J’en suis soulagée. Cette discussion enfin avortée mais qui revient éternellement sur le tapis à chaque repas de famille m’a épuisée et coupé l’appétit. Dans plus ou moins une demi-heure, quand mes parents seront partis, je me vengerai sur les pots de glace tandis que Nobel me servira de plaid.

J’ai vingt-neuf ans et je suis célibataire. Il va falloir qu’ils s’y fassent ! Alors quoi ? Ça devrait être ça, ma vie ? Obéir bien sagement à mon mari, lui faire à manger et laver ses slips sales tout en élevant trois enfants pendant qu’il roupille bruyamment devant la télévision avec sa bière sur le ventre ? Non merci ! Je peux être heureuse avec un homme sans pour autant lui appartenir !

Je traîne à droite à gauche, je laisse le vent me porter, et on verra bien où il me conduira !

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