Chapitre 2

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Les touches du piano glissaient sous mes doigts qui bougeaient avec fluidité. La musique résonnait dans ma tête, les vibrations du piano se répercutaient jusque dans mes épaules. Le rythme régulier apaisait mon cœur et mon esprit. Je jouais toujours la même mélodie depuis que j’avais dix ans. Une répétition qui me donnait un contrôle sur mon quotidien et ça compensait toute les choses dont jamais perdue cedit contrôle. Et aujourd’hui, je la jouais en boucle depuis déjà deux heures, sans réfléchir. J’avais passé la journée à la tête au-dessus des copies d’examen. J’étais épuisée, mais la musique m’apaisait, je me libérais de tout ce qui me rongeait depuis des années. Le morceau terminé, je fermais les yeux, restant encore un instant dans cette bulle de bien-être.

— Elena ?

J’ouvris doucement les yeux et relevais la tête pour croiser le regard de ma mère. Elle s’approcha lentement, avec un sourire rassurant sur les lèvres. Deux pas derrière elle, une jeune femme de mon âge, qui portait le même uniforme qu’Emma, un uniforme jusque là unique. Ses cheveux blonds étaient tirés à quatre épingles, dans un chignon identique à celui porté par toutes les domestiques aux cheveux longs.

— Chérie, je te présente Océane. Elle va aider Emma à s’occuper de toi. Pour qu’elle puisse avoir un peu plus de temps pour elle.

— Mère, soupirais-je. Vous savez que…

— Je sais surtout qu’Emma est épuisée et à besoin de temps pour elle et sa famille. Et tu lui demandes beaucoup de temps. Durant la première semaine, Océane ne sera jamais seule, tu n’as pas à te faire de soucis.

— D’accord. Vous vous êtes assurée qu’elle n’était pas armée ?

— Évidemment.

— Et bien qu’elle reste à une distance d’un mètre de moi tant que je ne lui ferais pas confiance.

— Je respecterais toutes vos conditions, Votre Altesse.

— Bon, d’accord. J’accepte.

— Merci ma chérie.

Ma mère fit quelques pas en avant pour venir m’embrasser sur le front et, bien que je ne reculais pas, je levais les yeux au ciel, comme à chaque fois qu’elle m’embrassait en public. Après son départ, un silence se forma dans la pièce. Ma nouvelle domestique n’avait pas changé de place, son regard était légèrement baissé, mais toujours en m’ayant dans son champ de vision. Dans le couloir, dons la porte était restée ouverte après le départ de ma mère, le soldat Dufreine gardait un œil sur elle, mais aussi sur moi, présent à son poste, comme d’habitude.

Après une minute de silence, je finis par me lever de ma chaise et rejoindre la nouvelle. Je me plaçais face à elle, toujours en respectant une distance de sécurité qui m’était nécessaire.

— Elena De Stinley, même si tu dois déjà le savoir. Enchantée.

— Enchantée, Votre Altesse. Je suis Océane Luisard.

— Vous pouvez me regarder dans les yeux quand vous me parlez et vous n’êtes pas obligé de baisser la tête chaque fois que j’entre dans une pièce. Vous… vous n’avez pas encore rencontré Emma, je suppose ?

— Pas encore, Votre Altesse. Je viens d’arriver.

— Tout ce qu’Emma fait, ou presque, faites-le. Si vous venez d’arriver, ma mère ne vous a pas encore fait visiter le château.

— Non, Votre Altesse.

— Pourquoi ça ne m’étonne même pas ? Suivez-moi.

Je fis à peine quelques pas dans le couloir qu’on tomba nez à nez avec Emma, en plein milieu du passage, bras croisés.

— Oups, j’ai oublié mon livre, je reviens, enchainais-je immédiatement en faisant demi-tour.

— Elena, soupira-t-elle mécontente. Dites-moi quelle heure est-il ?

— Heu… dix heures ?

— Et donc ? Vous n’avez rien oublié ? Comme votre petit déjeuner qui vous attendez depuis deux heures dans votre salon ?

— Ah là c’est pas vrai ! J’ai mangé !

— Menteuse. Vous avez seulement mangé la pêche.

— Mais Emma ! soupirais-je. Tu sais que je n’ai pas faim le matin.

— Vous n’avez jamais faim, Mademoiselle. Allez, venez manger avant que vous ne me fassiez un malaise.

— Au fait, ajoutais-je pour changer de sujet. Voici Océane, elle…

— Bienvenue, me coupa Emma. J’ai été informée de votre arrivée aujourd’hui. Vous allez vite comprendre que c’est plus compliqué de s’occuper d’une princesse que quoi que ce soit d’autre.

— Ah bah super, rétorquais-je, les bras croisés. Dis-le si je suis un boulet.

— Vous êtes un boulet, Mademoiselle.

— Scregnegne.

Tandis que je prenais le chemin de mon salon privé, où m’attendait toujours mon petit déjeuner, je laissais Emma et Océane discuter quelques pas derrière moi. Je n’écoutais pas vraiment ce qu’elle disait, mais je compris vite qu’Emma lui expliquait les rudiments de son poste, mais surtout qu’elle allait tout découvrir au fur et à mesure.

Alors qu’on approchait de mes quartiers, une porte claqua au loin et le son amplifié par la réverbération des murs nus des couloirs me fit sursauter. Emma posa rapidement une main sur mon épaule, mais je sursautais à nouveau et me retournais vivement.

— Tout va bien, Mademoiselle, dit-elle d’une voix basse. Ce n’est qu’une porte. Ce n’est que moi.

— Désolée, je…

— Oui, je sais. Allons au salon, vous y serez plus au calme.

Tout en gardant sa main sur mon épaule, d’un geste rassurant et protecteur, Emma m’accompagna jusqu’à mon salon privé, où je me détendis enfin un peu.

— Quel est le programme du jour ? la questionnais-je en me forçant à manger les pâtisseries qui avaient été légèrement réchauffées.

— Je vous aurais bien proposé un rendez-vous avec votre psy, mais vous allez encore refuser. Mais sinon rien de particulier de prévu, vous pouvez vous concentrer sur vos révisions avant vos examens.

— Je n’ai plus besoin de réviser, Emma. Je sais ce que je connais. Et si je t’ai servais plutôt former Océane ?

— À condition que vous ne m’interrompiez pas à chaque explication.

— Marché conclu.

Cette supervision était en réalité un moyen pour ne pas rester seule alors qu’Emma serait occupée avec Océane. Et je préférais ne rien faire, rester passive et être avec elle, que d’êtres occupé et seul.

Tandis que je prenais mon petit déjeuner avec deux heures de retard, Emma lui expliqua mes horaires les plus importantes et surtout comment ma vie et son travail étaient organisés. Autrement dit, il n’y a avais pas de journée type, puisque chaque jour pouvait inclure un nouveau besoin.

Je les accompagnais ensuite toutes les deux pour visiter la chambre d’Océane, proche de la mienne, et l’aider à s’installer.

— Votre Altesse, je vous assure que vous n’avez pas besoin de porter mon sac, insista Océane.

Sans lui répondre, je claquais de la langue et posais délicatement ledit sac sur son lit.

— Elena aura parfois besoin de vos services au beau milieu de la nuit, vous devez être prête à intervenir le cas échéant.

— Quels types de services ?

— Aucun, intervenais-je. Vous n’aurez pas besoin de…

— Mademoiselle, soupira Emma consciente que je venais de mettre une distance entre Océane et moi.

— Ce non négociable, elle…

Je n’eus pas le temps de finir ma phrase que la porte de la chambre s’ouvrit brutalement, cognant contre le mur. Aussitôt, mon corps se figea et je serrais les poings.

— Elena, je te trouve enfin, commença ma mère. Je voulais te parler de ton bal de fin d’études. Est-ce qu’on pourrait…

— Je ne veux pas en parler, tranchais-je, plus froide que je ne l’aurais voulu.

— Chérie, tu dois t’y préparer. C’est la première fois que tu vas rencontrer autant se monde. La première fois que le palais accueillera autant d’invités depuis…

— C’est justement pour ça que je ne veux pas en parler, mère. Je ne veux pas de ce bal, mais vous insistez. Et si je vous dis que ça me terrifie de faire autant rencontre, vous allez affecter plus de soldats à ma protection que d’invités présents dans la salle.

— Je ne fais qu’essayer de te protéger.

— Non. Vous m’étouffez.

— Mademoiselle, votre mère à raison. Vous ne pouvez pas refuser qu’on vous aide, tout en restant hantée par vos traumatismes.

— Fin de la discussion.

J’entendis ma mère soupirer, mais elle finit quand même par sortir de la chambre. Emma et Océane se regardèrent un instant en silence, puis leur regard dévia sur moi.

— Bon c’est pour tout, mais je vais vous laisser et retourner faire du piano. Vous devez avoir du travail.

— Je suppose que je ne pourrais pas vous retenir ? me questionna Emma.

— Non. Et je ne voudrais pas non plus vous déranger.

Avant qu’Emma n’ajoute quoi que ce soit d’autre, je quitte la chambre et décidais d’aller me promener dans le jardin du château. Un endroit que j’appréciais pour sa tranquillité, même si je n’étais jamais vraiment seule. Je marchais pendant près d’une heure, en restant silencieuse et toujours sous la surveillance des soldats Dufreine et Garnier. Je finis par m’arrêter et m’asseoir sur le banc de la fontaine. L’eau coulait en un rythme régulier, doux et apaisant, en contraste avec l’effervescence qui animait le château au quotidien.

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