Chapitre 9

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– Océane Luisard !

– Oh… merde.

Nous nous promenions tranquillement dans les rues de Glenharm quand une femme blonde d’au moins un mètre quatre-vingt-dix, perché sur de hauts talons, les cheveux relevés en un chignon presque défait avec quelques mèches libres sur le devant interpella ma guide. Elle portait un magnifique tailleur rose et une chemise blanche, munis d’un sac à main en cuir noir. À côté, en cet instant, elle paraissait avoir bien plus d’argent que moi. Je vis Océane reculer d’un pas, déglutir avant d’afficher un sourire d’un contrôle parfait.

– Océane Valentine Luisard ! recommença la femme à la prestance hypnotique. C’est quoi ça, encore ?

Elle tendit une enveloppe et je reconnus le sceau impérial, destiné aux avocats Impériaux, lorsque des citoyens était aller à l’encore de l’Empire. Un sceau que je n’avais vu qu’à quelques reprises, qui s’était toujours terminé en faveur du gouvernement.

– Heu… et bien… c’est que… mais tu sais… bégaya Océane.

– Tu es encore allé fourrer ton nez dans les affaires du gouvernement ? Combien de fois je vais devoir te sauver les fesses, jeunes filles ? Je suis peut-être la meilleure avocate de l’Empire, mais si l’Impératrice décide de prendre ton cas en main, je ne donne pas cher de ta peau.

– Boarf, je ne me fais pas de soucis là-dessus, lâcha-t-elle avec nonchalance.

– Océane !

– Roh, ça va, je gère. Tu peux déchirer cette lettre sans me protéger les fesses, je me les protège moi-même.

Alors que les deux femmes se disputaient, mon regard basculait de l’une à l’autre. Même couleur de cheveux, même forme de visage, même nez, même carrure, même, tout quoi. J’avais, devant moi, deux copies conformes.

– Oh ! titrais-je. Excusez-moi d’intervenir, mais… seriez-vous Madame Luisard ?

– Maitre Luisard, pour être exact, Mademoiselle.

Pour la toute première fois, je restais bouche bée, littéralement. J’avais pris le contrôle de l’économie de l’Empire, face à un ministre, mais face à cette femme, à la mère d’Océane, je n’avais littéralement plus aucun mot.

– Maman ! Tu abuses. Excuse-moi, Elena. Ma mère est l’une des meilleures avocates de l’Empire. Quand elle s’y met, elle pourrait faire trembler l’Impératrice elle-même.

– Heu… bonjour, Mad… Maitre, je… oh bordel, elle est encore plus terrifiante qu’un ministre, finis-je par avouer sans m’en rendre compte.

– Pardon ? Et vous êtes qui, vous ?

– Je… je suis… hum… Elena. Elena….

– Elena… quoi ? Bref, Océ, pour une fois dans ta vie, arrête de mettre ton nez là où il ne faut pas et concentre-toi sur tes études.

– Et si je dis que c’est trop tard ?

– Bon sang, soupira Madame Luisard. Qu’ai-je fait pour mériter une fille comme toi ?

– Mais moi je l’aime bien votre fille… enfin, je voulais demander si je pouvais voir l’enveloppe.

– Parce que vous connaissez en citation à comparaitre au palais ?

– Non, enchainais-je, cherchant ma confiance au plus profond de moi. Mais en sceau impérial, oui.

Elle me détailla de haut en bas et je me retins de faire le moindre mouvement, ni même de déglutir. Elle finit par me tendre l’enveloppe, avec la même nonchalance qu’avait utilisée sa fille quelques minutes plus tard. Dans un premier temps, j’analysais le sceau, tout était en règle. Pourtant, quand j’arrivais à la fin de la lettre, je sus tous de suite ce qui n’allait pas.

– Votre document est falsifié, Madame, repris-je avec toute ma confiance retrouvée.

– Et comment vous savez ça, d’un simple regard ?

– La lettre est signée de la Princesse Elena et en plus, la signature a été mal imitée.

– Et vous prétendez connaitre la signature de la princesse, une jeune femme que personne ne connait ?

– Attends, nous interrompit Océane. Quelqu’un a vraiment imité ta signature ?

– À moins que je perde la mémoire, oui, je sais que ce n’est pas ma signature et que je n’ai jamais écrit se courrier. Ce qui m’intrigue c’est que le sceau, c’est le vrai.

– Qui a accès à ce sceau ?

– Uniquement ma mère.

– Et elle connait ta signature, je suppose ?

– Étant donné que c’est ma mère, oui.

– Et si vous m’expliquiez toutes les deux ? intervint Madame Luisard, consciente de ne plus rien y comprendre.

– Princesse héritière Elena De Stinley, prochaine Impératrice d’Eryenne, enchantée, Madame Luisard. Et je peux vous assurer que votre fille est très douée pour mettre son nez dans les affaires de l’Empire.

– Elena ! tiqua-t-elle.

– Je valide totalement la balle perdue, ajouta Emma, entrant enfin dans la conversation.

– Non, mais ça va oh ! Vous avez fini de vous liguer toute contre moi ?

– C’est l’une des conséquences à être amie avec une future Impératrice.

– Alors on est amie, maintenant ? contre attaqua-t-elle.

– Je peux l’achevez à votre place si vous voulez, Mademoiselle, joua Emma.

– Fais-toi plaisir.

– Traitresse !

On rigola un bon coup avant de reprendre notre sérieux. La mère d’Océane était toujours là et sa prestance était toujours aussi terrifiante, même si elle semblait s’être légèrement détendue.

– Bon, vous m’excuserez les filles, mais j’ai du travail. Océane, on discutera de tout ça à la maison, ce soir.

– Elle sera là, enchainais-je, sachant qu’Océane dormait régulièrement dans sa chambre au palais.

La mère ébouriffa les cheveux de sa fille, qui rouspéta en grognant de mécontentement, avant de vite se recoiffer, comme à l’origine. Madame Luisard s’éloigna ensuite, ses talons claquant sur la route, comme si elle en était la propriétaire.

– Sacrée rencontre, ajoutais-je.

– Oui, je sais. Ma mère est… spéciale.

– Incroyable, te veux dire. Elle disait qu’elle est la meilleure avocate de l’Empire, tu sais avec qui elle travaille ?

– Tous ses dossiers sont confidentiels. Elle n’en parle jamais à la maison. Sauf à mon père, peut-être, mais si c’est le cas, je ne suis pas dans la confidence.

Emma sortit son téléphone au même moment, pianotèrent dessus quelques secondes avant de le ranger et de se tourner vers nous.

– Il commence à se faire tard. Je serais bien passé chez moi, Eloïse va me tuer quand elle comprendra que je ne t’ai pas amené à la maison, mais il va être l’heure de rentrer.

– Il n’y a vraiment pas moyen d’y faire un détour ? Je n’ai aucune obligation urgente, on peut y passer.

– Ce sera sans moi, alors, ajouta Océane. Faut que je fasse des courses avant de rentrer sinon je ne donne pas cher de ma peau.

– Très bien, allons faire un tour. Mais on ne reste pas longtemps. J’aimerais repartir avant la nuit. Et comme Océane ne vient pas avec nous, je vais devoir faire demander une voiture pour nous ramener.

– Merci, Emma.

– Je vous abandonne là et je m’en vais accepter mon triste sort. À demain, Elena.

– À demain, Océane.

Je la regardais s’éloigner quelques instants, avant de suivre Emma. Elle me conduisit, en silence, jusqu’à une maison en apparence chaleureuse, mieux entretenue qu’une bonne partie des bâtiments de la ville. Il y avait un jardin, protéger par une haie verte et surtout en bonne santé. Alors qu’Emma entra dans la cour, passant par un petit portail en bronze, une jeune femme était étendue sur une chaise longue, en maillot de bain deux pièces, un livre dans les mains. Je compris rapidement qu’elle bronzait. En même temps, le soleil de l’Empire était idéal.

– Jeanne va t’habiller, on a de la visite.

– Je travaille, Emma, je travaille, râla la jeune femme.

– En maillot de bain ?

– Bah ouais, figure-toi que j’apprends le corps humain et que je m’entraine sur moi-même.

– Va t’habiller et ne discute pas. Et préviens Elo que je suis rentrée.

– Ouais ouais.

Jeanne marqua sa page, glissa une robe légère sur ses épaules en se levant. Elle me salua d’un signe de tête, avant de disparaitre dans la maison.

– Jeanne, c’est celle qui fait des études de médecine ? questionnais-je Emma, essayant de me rappeler ce que je savais de ses trois petites sœurs.

– Oui. Et la plus grande, juste après moi. Aller entre, ma mère sera contente de te rencontrer.

Emma m’ouvrit la porte et je pénétrais dans une maison des plus chaleureuse. Il y avait de la vie, des photos partout et aussi une cheminée qui réchauffait toute la pièce. Une femme brune, un peu plus petite qu’Emma, plus enrobée, mais dont les formes donnaient envie de se réfugier dans ses bras, pour avoir un câlin, cuisinait au-dessus d’une gazinière, tablier autour de la taille. Je savais déjà, en un regard, que j’allais découvrir une vie de famille totalement différente de ce que j’avais toujours connu. C’était la journée des découvertes et plus j’en apprenais, plus j’avais envie d’en découvrir.

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