Chapitre 33

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 Inespéré rayon de soleil. Il tarde, il se fait désirer.
 Au mois d'Avril, les terres regorgent d'eau, certains champs sont inondés et l'humidité dévore Dryade. Plusieurs festivals ont même été annulés à cause du temps trop pluvieux, le village n'avait quasiment jamais fait face à un mauvais temps si persistant. On pourrait même entendre dans les coins de rue :« Vivement le soleil. », « J'attends l'été avec impatience ! », « La chaleur me manque. ».
 Des aveux ? Des regrets peut-être ? De la culpabilité ?
 Agathe a passé beaucoup d'après-midi devant sa fenêtre ces derniers jours, et ses dessins sont globalement gris. On y voit son jardin et les plants de légumes qu'elle a abandonné depuis un bon moment. Ils se sont complètement noyés.
Le temps est dépriment, le temps traîne en longueurs.
 « Mercure s'il te plaît, tu me manques... » murmure t'elle assise sur sa chaise et en serrant ses jambes contre elle.

Ce matin, Agathe a passée deux examens. Elle avait évidemment révisé comme une élève modèle et bien avant la date d’échéance, pourtant elle a le sentiment de ne pas avoir donné le maximum de ses capacités. Une épreuve écrite de quatre heure, et une orale d’une trentaine de minutes. Agathe trouve qu’elle a écrit sans ponctuation et avec des phrases trop courtes, et que lors de son oral, elle parlait sans passion, qu’elle n’a pas apporté assez de détail.
 C’est parce que le soleil ne traversait pas les vitres qu’Agathe est morose.
 Cela faisait bien longtemps qu’elle ne s’était pas retrouvé dans une salle de classe, avec des tables à la chaîne et des murs unis. Agathe n’a jamais apprécié ce mode d’apprentissage. Elle a toujours été très bonne élève mais ce ne sentait pas épanouie à l’école. La première occasion de travailler depuis chez elle, dans une environnement calme et qui lui ressemble, elle l’a saisi sans hésitation.
 Monsieur Ford a accepté de lui payer ses études supérieur mais en contre partie, Agathe a du travailler tout le premier été. Un peu comme une évidence, la jeune femme est allé travailler avec les marins pécheurs de Dryade. Ça lui avait beaucoup plus et grâce à l’argent récolté elle a pu payer la première année presque toute seule. A coté de ça, Agathe a la chance de ne pas être une grosse dépensière.
 Après les épreuves, la jeune femme est allé s’asseoir sur l’étendu d’herbe du centre d’examen, il y avait une centaine d’autres personnes autour d’elle, mais malgré la bonne ambiance des étudiants, elle préférait rester toute seule. Elle a mangé le petit repas qu’elle s’était préparé la veille puis est immédiatement partit prendre son train. Elle devra revenir dans deux mois passer la suite de ses épreuves. Agathe a déjà étudié tout le programme de cette année, elle pourrait les passer immédiatement.

Dans le train, elle choisis une place près de la fenêtre et observe le paysage défiler, il est plus agréable que le tissu des sièges de très mauvais goût. Il est encore brumeux mais pas pluvieux. Devant elle, est assise une vieille dame qui lit un classique de littérature, et derrière un homme appuyé sur le tablette devant lui. Il n’y a pas beaucoup de monde, donc pas beaucoup de bruit, c’est une bonne chose.
 Une heure et demi de voyage l’attend alors pour appréhender au mieux, Agathe enfile ses écouteurs blancs et lance la première musique qui vient. Quelque chose de tranquille qui commence par une mélodie au piano. Elle sort de son sac sa petite bouteille d’eau qu’elle tiendra à la main jusqu’à l’arriver du train, elle n’a pas emmené de livre ou de carnet pour dessiner par manque d’envie.
 Le trajet s’annonce paisible, jusqu’à ce qu’Agathe ouvre son réseaux social préféré et que par malheurs elle ait assez de connexion pour ça.
 Dans son fil d’actualité, il y a des publications et re publication du même sujet, avec des débats dans tous les sens, plus ou moins pertinents. D’habitude, Agathe n’a pas spécialement d’intérêt pour tout ça, elle se contente de suivre des artistes ou des auteurs qu’elle aime, alors elle passe les scandales d’un coup de pouce sur son écran. Mais là, le nom qui revient et qui est devenu une catégorie à part entière avec un hashtag à son nom, c’est Mercure.
La jeune femme respire de travers et manque de s’étouffer un bref instant.
Mercure n’a pas de téléphone portable, ni d’ordinateur, ni quoi que ce soit qui puisse le relier à cette bêtise collective. Il n’y a aucune chance qu’il soit à l’origine de cette tendance.

 « Il existe une personne vraiment bizarre, je l’ai rencontré je sais qu’elle existe, c’est un gars qui a des pouvoirs. Il a des cheveux oranges et vous ne devriez pas vous en approcher ! »

C’est le premier post qu’Agathe peut lire, et il y en a des vingtaines d’autres comme celui-ci, et de différentes personnes sous des pseudonymes qu’elle n’a jamais vu. Tout ces gens elle ne les connaît pas, et Mercure non plus sans doute.
 D’autres textes expliquent que Mercure est un homme qui sait faire du feu avec ses mains, qu’il est malveillant, qu’il sait même respirer sous l’eau et d’autres atrocités. Parmi tous ces gens, il y a des menteurs. Alors Agathe prend pour objectif de chercher le tout premier post, celui qui est à l’origine de ce tissu de mensonges et de superstitions.
De post en post, elle clique sur le texte republié, il a tellement été transformé que rien ne lui ressemble.

@Dylann_regn13

J’ai rencontré un gars. Enfin, un mec qui s’est imposé tout seul plutôt. Et à cause de lui la vie est un supplice. Il est à l’origine d’une chaleur mortelle qui tue la vie entière et pourtant il reste comme si de rien était. C’est comme si un morceau du soleil s’était écrasé à Dryade, ou bien comme s’il était venu sympathiquement en vacance et se fiche pas mal de ce qui peut arriver autour de lui. Il passe à une époque, puis il fait ce qu’il veut. Dernièrement, il m’a prit ma meuf. Des médecins parlent de l’opérer et de le disséquer, que c’est une découverte scientifique de ouf, on devrait les aider à le retrouver. C’est un gras avec les cheveux oranges et les yeux bleu. Il s’habille toujours un peu pareil, la dernière fois, je crois qu’il avait des fleurs sur la gueule. Il s’appelle Mercure. Le nom le plus zarb que j’ai jamais entendu.

Agathe sent qu’elle pourrait exploser. La première chose qui l’enrage, c’est que Dylan se plaint comme s’il habitait à Dryade et qu’il subissait la chaleur chaque été, c’est loin d’être le cas. Ensuite, elle déteste être devenue « la meuf volée », ce n’est pas du tout ce qu’il s’est passé !
 Quand elle déroule les commentaires, c’est l’apothéose. Des centaines de personnes se prennent au jeu, d’autres y croient réellement et mystifient totalement Mercure comme un personnage imaginaire, et enfin, beaucoup n’y croient pas un mot. Elle aperçoit aussi énormément de tag de personnalités populaires ou bien de personne appartenant à la profession médicale. On vise à prévenir les médecins ou les scientifiques de l’existence de Mercure, des gens se moquent de ces partages et les tournent en ridicule, mais malheureusement le plus gros du mouvement est pris au sérieux par cette nouvelle communauté.
 Le message de Dylan a été publié ce matin au alentour de Neuf Heure, il y quatre heures à peine,  Agathe voit que beaucoup d’artistes numériques ont prit le temps de faire des dessins, caricaturés ou non. Cette infernale vagues de rumeurs ne s’arrêtera pas si on prouve que Mercure existe, sinon, le mouvement mourra dans quelques jours et tout rentrera dans l’ordre.
En attendant, Agathe est en proie à une anxiété totale.
 Elle éteint son téléphone et le jette sur le siège à sa droite. Ses mains recouvrent son visage et maintenant ses pensées se noient. Pourquoi a-t-il fallu que Dylan soit si populaire ? Qu’autant de personnes suivent son profil et croient les absurdités qu’il raconte ? En vérité, tout n’est pas totalement absurde, Mercure existe bien, mais il a été diabolisé.
 Sa vie connaissait une certaine tranquillité depuis quelques temps, pourquoi venir le déranger ? Mercure n’a jamais fait de mal à qui que ce soit, c’est cruel.

Agathe ne rentre pas directement chez elle. Une fois descendue du train, elle doit marcher un peu pour rejoindre Dryade, mais au lieu de rentrer par l’entrée principale, elle fait un énorme détour jusqu’à la plage. Trop angoissée à l’idée que des dizaines de personnes aient fait le chemin jusque ici pour vérifier les rumeurs d’un délinquant sur internet. Certains fous seront prêts à ça.
 Le sable est presque blanc, la mer est calme et la température est loin d’être idéal pour venir se baigner, ou même se promener. Ce n’est pas un coin très fréquenté, une baie plus importante existe près du port, c’est là où les familles viennent se baigner l’été. Alors ici, sur sa petite plage à elle, entourée de falaises et de gros rochers, Agathe est tranquille.
 La Baie d’Agathe.
 Elle retire ses chaussures, laissées à l’abandon derrière elle et avance pieds nus dans le sable tiède. Maintenant, c’est son sac qu’elle laisse tomber, il y a son téléphone et ses écouteurs qui dépassent de la poche avant, une des oreillettes s’enfonce.
Agathe marche jusqu’à la mer, les vagues lui submergent les pieds, c’est froid. Elle n’a jamais eu peur du froid, la mer n’est pas faite pour être chaude à son avis, et elle ne rêve jamais d’îles paradisiaques où on passe des après-midi entières à ne rien faire et à boire des jus de fruits avec paraisse. Agathe elle, elle aime la mer et toute sa force féroce, la mer qui n’appartient à personne, la mer qui engloutie.
 La mer lui a pourtant pris quelqu’un de cher mais peut-on lui en vouloir d’être aussi cruelle ? La mer est simplement plus forte et il n’y a que les courageux qui s’y aventurent.
 Agathe s’assied dans l’eau, peu importe que cela engorge ses vêtements, au loin elle ne voit rien d’autre que le ciel gris. La mer à perpétuité. Ses pieds s’enfoncent dans le sable, les petits coquillages lui piquent les orteils, certaines algues fines s’y coincent deux ou trois secondes avant de repartir vers l’arrière avec les vagues. Après une dizaine de minutes à attendre, Agathe s’allonge dans l’eau. En face de son regard ce trouve le ciel et les nuages qui passent à différentes vitesses. Elle sent les vagues la recouvrirent à intervalle de temps réguliers.
 Ça continue, ça ne s’arrêtera pas, Agathe n’arrive pas à se lever. Le gris et la mer qui clapote, qui n’avance pas plus loin que la plage. Et rien d’autre.
 Agathe ferme les yeux quelques secondes, c’est le temps qu’il faut à ce petit rayon de soleil pour lui caresser le visage après un réveil en douceur.

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