Chapitre 52

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Les deux docteurs sont en pleine discutions, et Mercure s’ennuie considérablement maintenant qu’ils n’ont plus besoin de lui. Leurs conversations ne tournent qu’autour de théories et de termes scientifiques qu’il n’avait jamais entendu de sa vie.
 Il ne tient plus en place et aimerait prendre la mer immédiatement, seulement lui, il est sur de se perdre et de disparaître en plein milieu de l’océan. Jusqu’à ce qu’on le retrouve, des années plus-tard peut-être, ou bien des centaines d’années plus-tard. On ne se souviendra plus de lui, finalement, c’est peut-être l’assurance d’avoir la paix.
 Le jeune homme secoue la tête pour s’enlever ses idées noires, à la place, il descend lentement les escaliers en appréciant le travail de mosaïque sur les murs. Les carreaux sont toujours brillants et lisses quand il passe ses mains dessus. Leurs couleurs le fascinent. Dans le grand hall du phare, il y a tout un tas de chose qu’il pourrait visiter pour passer le temps, des malles en bois fermées, des filets de pèche ainsi que beaucoup de matériel. Mais au lieu de vagabonder dans le matériel, Mercure aperçoit une porte contre un mur épais. Quand ils sont arrivés hier, Mercure ne l’avait pas remarqué parce qu’elle aussi est recouverte de mosaïque, elle ne semble pas mener à l’extérieur à première vu et d’après l’épaisseur du mur qui dépasse.
 Le jeune homme s’approche et tente de tourner la poignée, seulement la serrure est verrouillée. La porte à l’air fragile, s’il tapait fort dedans, il pourrait la casser, mais ça n’enchante pas le garçon d’avoir à détruire une partie d’œuvre d’art. Le dessin carrelé représente un bateau à voile sur une mer lumineuse.
 Mercure revient sur ses pas, il n’hésite pas à aller poser des questions sur cette fameuse porte. Sur ce qui se trouve à l’intérieur, pourquoi l’avoir verrouillé…
Agathe a dit que les gardes-côtes n’avaient pas la clef.
 Mais les gardes-cotes ne sont pas les propriétaires de ce phare. Peut-être que Matthew Harris n’est peut-être pas le propriétaire non plus, mais il a forcement les clefs de ses créations.
 «Ho dans cette pièce, ce sont juste… les affaires de quelqu’un.» explique le docteur Harris en haussant les épaules. Il s’apprêtait à faire une sieste visiblement d’après la position qu’il prend dans le canapé. Mercure a le sentiment qu’il essaie d’éviter le sujet, qu’il y a quelque chose d’important au travers de cette simple petite pièce d’affaires. La porte est trop jolie pour n’avoir rien de spécial.
 « Est ce que ce sont les affaires d’Alice ?»
 Ce prénom cause une explosion dans les yeux du docteur Harris, une prise de conscience énorme, le souvenir intense d’une femme incroyable. Alors il hoche la tête, sans oser poser la question appropriée.
 Mercure est souriant.
 « Elle me racontait que quand elle prenait la mer, elle avait des endroits préférés où aller se promener. Elle me disait aussi que c’était entourée de vagues, qu’elle adorait étudier et travailler.
 — Les chiens ne font pas des chats.» Constate le Docteur Harris. Johan écoute sans intervenir, assit dans le fauteuil contre la vitre, il a un livre sur les genoux qui vient de ses propres affaires.    Toutes leurs notes sont étalées sur le sol, les études sont en pause pour le moment.
 « Tu veux vraiment aller voir ? Ça ne sera rien de très intéressant pour toi.
 — Pour moi, non. » Mercure penche la tête vers le bas avec hâte pour cette pièce pleine de surprises inattendues.
 « De qui parlons nous ? » La curiosité du docteur Willem finit par avoir raison de lui. Il croise les jambes tout en soulevant son lourd bouquin.
 Matthew se frotte le visage de fatigue, trop de chose se sont passé depuis hier, auxquelles il n’était pas du tout préparé.
 « Alice Ford. »

***

Mercure et le Docteur Harris sont devant la fameuse porte décorée, cela faisait si longtemps que la lumière n’avait pas pénétrée dans cette pièce, que des chaussures intéressés n’y s’étaient pas aventurées. Avant de presser l’interrupteur, ils aperçoivent la forme d’un bureau immense qui contient des étages à ne plus s’avoir investir. Des rangements, des cartons, des boîtes. Le docteur Harris allume la lumière très jaune, elle inonde la pièce ronde.
 Des cartes. Dans tous les coins, sur tous les murs, enroulées ou pliées, de toutes les tailles.
 Ce sont des créations intéressantes, toutes réalisées à la main et avec du matériel précis. Mercure reconnaît sans mal la carte que Agathe lui avait montré avant de partir de chez Monsieur Ford, ce sont ces même mains qui l’ont dessiné. Le jeune homme se tient les mains, sans oser entrer à l’intérieur de l’atelier, ici aussi, c’est une œuvre d’art à part entière.
 « J’ai quelques souvenirs de ces cartes, et d’Alice. Pourtant ça ne fait pas si longtemps que ça, une vingtaine d’été. Le Docteur Laurence et moi voyagions clandestinement à l’arrière d’une camionnette pleine de marchandises. Quand le conducteur nous a débarqué dans une ville un peu plus loin au nord de la baie de Femir, nos chemins se sont séparés. Je ne savais plus trop où aller ni quoi faire, je ne savais pas si on me rechercherait, si j’étais en danger ou non. Je me souviens m’être assis sur un pond en pierres, au dessus du fleuve, et d’avoir simplement attendu qu’il se passe quelque chose. J’ai peut-être pleuré. Jusqu’à ce que le véhicule d’une femme s’arrête sur le pond, son ventre était rond comme un ballon. »
 C’est très tranquillement que Mercure fait deux pas dans l’atelier. Il observe les décorations, les diverses petites figurines de bateaux qui traînent sur les meubles, les plumes qui ont servit à dessiner les cartes et les pots d’encre de plusieurs couleurs. Si on s’approche encore un peu, le bureau nous révèle beaucoup d’informations et de souvenirs appartenant à cette femme. Quelques photos de familles, des post-it colorés de taches à faire, d’évènements importants et parmi ceux-ci il y avait le spectacle de fin d’Hiver de l’école maternelle, un anniversaire, une commande de matériel. Des dates qui ne sont pas cochées, auxquelles Alice n’a pas assisté.
 « Je ne l’ai pas connu très longtemps. Elle a déménagé avec sa petite famille à Dryade, et un été quand je me suis réveillé, elle avait disparue. Je me suis sentit tellement triste que je suis resté plusieurs années dans mon terrier.
 — Alice a sans doute voulu rejoindre son atelier le jour où elle a disparue en mer, son bateau était stationné sur le port de Femir la dernière fois qu’on l’a vue. Ce jour-là, une tempête était déchaînée en mer. Elle a été imprudente. » Explique le Docteur Harris en restant appuyé contre l’encadrement de la porte, les mains dans les poches, cette histoire lui fait visiblement de la peine. Mercure s’accroupit devant une malle en bois cirée, la poussière recouvre tout le couvercle. Le nom d’Alice est gravé dessus maladroitement, avec un cuter sans doute, elle a tout de même apporté certains détails récurant dans son écriture, comme la barre du A qui dépasse à gauche.
 « Agathe aussi est imprudente, elles se ressemblent vraiment. Elles ont toutes les deux un goût prononcé pour l’aventure.
 — Et puis, quelle famille d’artiste ! » Rit le Docteur. Il a raison.
 Mercure se demande s’il devrait ramener plusieurs objets à Agathe, ce sont des souvenirs de sa mère, de son travail, de ses œuvres. La jeune femme ne pouvait pas être mieux entouré pour réaliser ses rêves.

Son rêve est précieux, elle à tout ce qu’il lui faut pour le réaliser, sur le plan matériel ou mental, Agathe pourrait tout vivre, s’épanouir pleinement en mer. Si Mercure lui ramène ces cartes, ce serait un signe d’encouragement pour Agathe. Quinze ans après sa disparition, Alice avait peut-être prévu ce dernier message pour sa fille.

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