Tu dois nourrir ton peuple

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Tu erres seule à la recherche de quoi vous nourrir, toi et ton peuple. Dans cet univers étrange et hallucinant, difficile de reconnaître quoique ce soit qui s’avale bien, et tu erres au désespoir. Autour de toi, une explosion de couleurs. Jaune, rouge, bleu, vert, violet, blanc. Où as-tu donc atterri ? Tu as marché longtemps et sous une chaleur accablante pour te rendre jusqu’en ce lieu que tu pensais nourrissant. On t’a pourtant indiqué le chemin, tu as pourtant suivi le chemin. C’est comme si une entité étrangère avait envahi les lieux. Tu erres et parfois tu marches sur une croûte qui se fend et laisse échapper une substance visqueuse, jaunâtre, que tu ne reconnais pas plus que le reste. Tu es dégoûtée, tu ne sais plus où mettre le pied. Ailleurs, tu poses ton pied sur un tapis de mousse verte, parfois bleue. L’odeur qui s’échappe de cet endroit te pique le nez, les yeux, te donne la nausée. Tu cherches la sortie, tu ne te souviens plus d’où tu es arrivée. C’est peut-être les lieux qui te rendent amnésique, mais tu as très peu de souvenirs, comme si tu venais de naître. Tu sais cependant que tu dois nourrir ta tribu, que tu es née pour ça.

Tu erres ainsi jusqu’à ce que soudain, tu trouves quelque chose qui te redonne espoir. Une nourriture que tu connais, quelque chose de beige, mou et parfois fade, parfois goûteux. Tu ne connais pas le nom de la chose, tu te contentes d’y goûter avant que ton estomac ne se résorbe et disparaisse avec un bruit de bulle qui éclate. Le goût n’est pas satisfaisant, il pique ta bouche, mais tu en prends plus, le plus possible, pour toi et pour ton peuple.

Tu erres avec tes réserves à la recherche de la sortie, quand alors ton estomac commence à te brûler, à vouloir se déchirer. Tu te crispes de douleur, tu respires de ton mieux, puis tu rends ton repas. Tu réalises que tu es empoisonnée, te demandes si tu vas mourir. Tu ne peux pas te le permettre, tu dois ramener quelque chose à manger aux tiens, c’est le but de ta vie. Tu fais un effort incroyable pour te remettre en route, mais cette fois, tu dois te résigner et tu laisses tes provisions derrière. Tu es désespérée, tu es malade, tu es affaiblie et tu ne sais pas par où aller pour quitter ce monde aux couleurs trompeuses.

L’esprit torturé a parfois des réflexions si intenses, si noires et agressives, que d’elles naissent un éclair de lumière, une réponse soudaine et importante à une question fondamentale. Et toi alors, tu réalises soudain que malgré toute ta colère, ta souffrance et ton échec, après tout, tu n’es qu’une fourmie sur une couche de moisi.

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