Chapitre 3

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░ ░ ░ IVY ░ ░ ░

J'ai l'Ukraine dans la peau, j'aimerai me défaire de ce vague à l'âme permanent depuis que j'ai quitté le pays. Je devrai m'estimer heureuse d'avoir fuit la misère semée par la guerre, de pouvoir vivre une vie tranquille à Toulouse à proximité de ma grand-mère maternelle dont les origines sont françaises. Mes yeux verts se voilent, j'ai dû tout quitter : Ma famille, mes amis proches, mon établissement scolaire, tout. Oleksandr n'a pas réfléchi une seule seconde pour me suivre dans cette aventure, et c'est tant mieux ! Sans lui, je ne sais pas comment je pourrai refaire surface ? Vivre constamment dans l'angoisse de perdre un proche est devenu une source de fatigue intense. Le coeur serré, j'enroule autour de mon index ma mèche rousse et lorsque je la relâche, une boucle en tire-bouchon se dessine.

  • Yak pozhyvayesh ? (ça va ?) me demande mon chéri en effleurant mon menton.

  • Ne khvylyuysya ! (ne t'inquiète pas !) répondis je la gorge serrée. Davayte vchyty frantsuz'ku ! (Apprenons le français !).

  • Tak ! (Oui), déclare Oleksandr partant.

Je lui adresse un doux sourire, je maîtrise le français avec tout de même mon accent de l'Est. Ma mère le parle très bien, depuis le plus jeune âge je me suis intéressée à cette langue que je trouve très belle. En France, je compte bien poursuivre mes études de master pour pouvoir un jour envisager de passer le CAPES pour pouvoir enseigner le français à des apprenants non-francophones.

En français, je lui demande donc :

  • Que vas-tu faire aujourd'hui Moya lyubov (mon amour) ?

Je bats des cils en lui faisant du charme, j'attends sa réponse. Il se mord la lèvre, je sais qu'il réfléchit à la meilleure formulation possible.

  • Travailler, affirme t-il avec un large sourire. Faire les espaces verts de la ville, (il mime le fait de ramasser) feuilles euh tombées !

Je suis si fière de lui, à peine arrivés à Toulouse, mon chéri a réussi à trouver du travail en tant que paysagiste au sein de la ville de Toulouse. Je dépose un tendre baiser sur le bout de ses lèvres avant de reformuler la phrase. Mon homme comprend mieux le Français qu'il ne le parle.

  • À toi maintenant mon coeur !

  • Je vais partir travailler répète t-il. Les feuilles sont tombées des arbres en ville, je.... (je lui répète la suite, il recommence sa phrase), je dois les ramasser.

  • Génial mon chéri ! Tu progresses vite, il faut que tu articules plus par contre, dis-je en rigolant. Ça va venir !

  • Pff compliqué Français, bougonne t-il. À toute à l'heure moya prekrasna (ma belle).

Ses lèvres charnues viennent s'écraser sur les miennes, pulpeuses et désirables. Oleksandr ne se prive pas pour attraper ma poitrine vêtue de ma nuisette dans la paume de ses mains. Délicatement ses doigts taquins font rouler mes tétons entre pouce et index, mon souffle s'emballe, nos yeux se cherchent. Avec regret il me quitte pour sa journée de travail, la mienne ne risque pas d'être ennuyante. Je compte bien flânner plusieurs heures au centre commercial Gramont. Le nombre d'affaires que j'ai emporté avec moi est assez limité et je suis très friande de la belle lingerie.

Ma vaisselle est vite faite, j'emporte avec moi une tenue propre dans la salle de bain. Cette fois, je ne fais pas preuve d'audace comme la veille où j'ai débarqué entièrement nue dans la chambre. Je n'avais pas pensé une seule seconde qu'on aurait pu me voir, cette pensée me fait rougir. Le long de mes jambes fines termine la course de ma culotte au sol, avec entrain je monte dans la cabine de douche. L'eau chaude s'écoule le long de mon corps, des petites pressions du jet qui viennent détendre les muscles, je reste rêveuse un moment avec l'eau qui cascade dans mon dos jusqu'au creux de mes reins. La mousse recouvre ma peau au passage de l'éponge, si je pouvais je resterai là des plombes ! Mes cheveux roux cachent ma poitrine, je les écarte délicatement pour pouvoir m'occuper de cette zone puis de mon intimité.

Le rinçage peut durer très longtemps, la tête basculée en arrière, l'eau qui me débarrasse de toute cette mousse onctueuse. J'ai toujours trouvé ce moment sensuel, la peau qui scintille, le corps ainsi mis en valeur. Des gestes lents pour me tamponner avec mon drap de bain éponge.

Mon portable sonne, je m'enroule à la hâte dans un peignoir.

  • Svetlana ? Non, je n'ai pas du tout oublié notre sortie. Je sors tout juste de ma douche, je fais au plus vite d'accord ?

  • Tu as tout ton temps, je ne suis pas pressée hihi, répond t-elle. J'étais au lit avec mon chéri, tu sais bien que ce genre de moment ça ne se refuse pas ! On a qu'à se retrouver vers 11 heures !

  • Tu es une gourrrrrmande, répondis-je avec mon accent. Va pour 11 heures.

  • Si tu veux, je peux te rejoindre devant ton immeuble, on prendra le bus ensemble, s'enthousiasme Svetlana. Bisous ma puce !

Je raccroche, un peu de baume au coeur ne fait pas de mal. J'ai eu beaucoup de chance de croiser le chemin de Svetlana, un soir dans un bar, une soirée organisée très cocooning. Elle avait perçu quelques bribes de conversation entre Oleksandr et moi, dans notre langage à nous. Cela l'avait interpellé, elle qui a les mêmes origines que nous mais à la différence, elle a toujours vécu en France. C'est ainsi qu'a débuté la naissance de notre amitié. Elle nous a abordé, on s'est échangé nos numéros.

Aujourd'hui, j'ai opté pour la tunique, robe-pull simple mais qui s'accorde avec tout. Une paire de bas noirs, des jolies cuissardes pour mettre en lumière mes jambes fines et longues avec un pare dessus pour habiller le tout. Un maquillage nude très naturel, juste misé sur le rouge à lèvres et le mascara, avec un peu de mousse j'ai pu redessiner mes boucles et travailler leur volume.

Au vol, j'attrape mon sac à main, enfouis mon porte feuille à l'intérieur. Mes talons résonnent sur le sol, j'espère ne pas subir les remontrances du voisin de l'étage d'en dessous.

Svetlana m'attend au pied de l'immeuble, bien apprêtée elle aussi pour notre sortie en ville. Son parfum est délicat lorsqu'elle m'embrasse, un court instant je suis distraite par le passage d'une femme qui semble sortir de l'immeuble voisin. Je la suis du regard, je n'ai pas eu le temps de voir son visage mais elle est bien habillée et semble très belle, très élégante avec beaucoup de charme. J'admire sa démarche pleine d'assurance, son déhanché naturel et la prestance qui se dégage d'elle, une brune mystérieuse avec j'imagine du caractère, cela m'intrigue.

  • On pourrait passer vers le stand de chocolat chaud, ils ont les meilleures viennoiseries ! s'exclame Svetlana. C'est quand même notre spot, on y passe des heures à refaire le monde !

  • Mais oui grave ! Leurs brioches pralinées sont à tomber par terre ! Hihi ce sera la première étape de notre journée entre filles on a qu'à dire ça ! Ma bichette, on doit accélérer le pas, le bus ne va pas tarder !

Nos foulées se font pressées, la jolie blonde m'enlace le bras pour se caler sur mon rythme, nos rires résonnent dans l'allée. Essouflées, nous arrivons en même temps que le bus. Nous passons nos tickets dans la borne avant de rejoindre les places du fond pour regarder le paysage défiler.

  • N'empêche on a eut la chance de voir nos chemins se croiser ! Déclare Svetlana. Tu es un peu comme une grande soeur pour moi et c'est le début d'une belle amitié, on est pareilles toutes les deux !

  • Oui, tu es si pétillante, renchéris-je. Tu apportes de la gaieté dans ma vie ! Je ne te remercierai jamais assez de nous avoir abordé, Oleksandr et moi. Tu sais, on se sent un peu seuls ici, je le montre pas tellement mais j'ai du mal à m'acclimater, ce matin encore j'avais les yeux plein de larmes !

Svetlana me prend par le cou, sa bouche rose vient s'appuyer contre ma joue.

  • Tu n'es pas seule, tu m'as moi, affirme t-elle. Oh non, il ne faut surtout pas gâcher un beau visage comme le tiens avec des larmes, Ivy tu sais que tu peux compter sur moi.

On s'échange un sourire complice, la jeune femme finit par se lever pour annoncer notre arrêt. Nous descendons du bus main dans la main jusqu'au stand fétiche. Svetlana tire une chaise et me propose de m'asseoir pour l'attendre, elle se retourne et murmure.

  • Aujourd'hui, c'est moi qui paye, tu n'as pas ton mot à dire !

Elle me tire la langue avant de disparaître jusqu'au comptoir, carte bleue en main. La vendeuse commence à bien nous connaître, elle remplit le plateau à ras bord et dépose deux chocolats chauds au centre. Elle nous a fait cadeau de quatre viennoiseries supplémentaires, très généreuse. Cela sera à offrir à nos chéris en rentrant de notre virée.

  • Tu vas craquer le porte monnaie, alors ? me demande t-elle.

  • C'est possible, oui, dis-je en riant. Je n'ai pas tant d'affaires que ça ici, je vais devoir refaire mon dressing ! J'ai emmené avec moi que le strict minimum et encore ça a engendré des frais supplémentaires, le poids de mes bagages dépassait les 23 kg ! J'ai tout comprimé dans des grands sacs à aspirer. Et entre nous, les cours de français, ça rapporte pas mal.

  • Fais toi plaisir alors, ça ne fait de mal à personne !

  • Et toi, qu'est ce que tu vas encore acheter ? C'est limite si tu ne fais pas les boutiques tous les jours !

  • Nié nié nié, dit-elle en tirant la langue. Le dernier pull de chez Zara déjà ! Il est trop tendance avec son petit liseret doré ! Et peut-être une nouvelle paire de boucles d'oreilles, dans une tenue ça fait tout ! Mais je me suis promis de me calmer, aujourd'hui c'est ta journée à toi, je t'accompagne !

Amusée, je lève les yeux au ciel en croquant dans une brioche. Elle me donne un coup de coude dans les côtes. Aïe !

  • Quoi ? Dis-je taquine. Je ne demande qu'à voir !

  • Vas-y vas-y moque toi, me fait elle remarquer.

Elle croise les bras, attend patiemment que je termine mon petit déjeuner.

  • Le centre commercial est à toi ! Place à la reine du shopping, Ivy Saveenkö ! rit-elle. On commence par quoi ?

  • Tu en fais un peu trop là miss Kovalev ! Une boutique de lingerie, j'aimerai renouveller un peu tout ça.

  • Hum toi, tu as envie de chauffer ton homme ! s'exclame t-elle. Mais je valide ce premier choix !

  • Non, j'ai envie d'éveiller ses sens, faire naître petit à petit son désir, répondis-je les yeux pétillants.

  • Boh c'est la même chose, tu veux le faire bander quoi !

  • Svetlana, c'est plus profond que ça. C'est un appel à la sensualité, tu sais combien ces instants sont précieux pour moi, d'apporter ce désir tout doucement aussi et me sentir belle, désirable, tentatrice. J'accorde une grande importance à cet aspect sensuel et érotique, à la beauté qui se dégage des corps. Porter de beaux sous-vêtements c'est très agréable, cela booste ma confiance.

Mon amie boit mes paroles, comme toutes les femmes, elle connait le langage de la sensualité par coeur. Elle sait combien il est important de laisser parler son corps, écouter ce que nous dictent nos émotions. Nous faisons nos premiers pas à l'intérieur de cette boutique à l'ambiance tamisée et intime, je me sens bien à évoluer entre les rangées de pièces de lingerie toutes aussi belles les unes que les autres, il y en a pour tous les goûts. Dommage que ce moment ne soit pas partagé avec mon petit ami, je pense que l'on aurait éprouvé beaucoup de plaisir à faire notre choix ensemble mais je me dis qu'avec Svetlana ce sera différent, une autre approche de ce genre d'achat, un partage dans le respect et la sensualité.

Je me tourne vers mon amie pour lui présenter un ensemble, elle valide levant ses pouces en l'air avant de me tendre le panier. Je me laisse prendre au jeu, il finit par se remplir tout seul haha, un appel à la dépense.

  • Je crois que c'est bien rempli, m'embête gentiment Svetlana. Tu devrais passer en cabine !


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