Chapitre 11: Soirée et Fiasco

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Après presque vingt minutes à défiler dans ma chambre pour choisir la robe idéale, je suis enfin en route pour aller retrouver les collègues au Cassiopée. J'ai opté pour quelque chose de soft : une robe patineuse noire avec le haut en dentelle qui finit sur des manches courtes. D'un point de vue maquillage, bien que j'ai un peu forcé sur ma bouche rouge, je suis restée sur un dégradé de marron relevé par un léger trait d'eye-liner et d'un mascara effet faux cils. Mes cheveux, habituellement relevé en un chignon fouilli, redescendent jusqu'à mi-dos en de belles boucles wavy. Aux pieds, bien que je porte des ballerines pour conduire, j'ai prévu de hauts escarpins noir vernis au bout arrondi.

J'ai halluciné quand le GPS m'a annoncé qu'il me faut presque une heure pour rejoindre notre lieu de rendez-vous. Quand je pense qu'il y a tout un tas de bars branchés dans les cinq kilomètres environnants la maison, je suis un peu blasée de faire autant de route pour boire un verre.

"Un verre gratuit..." me rappelle ma conscience le sourire aux lèvres.

Oui, enfin ça fait cher l'essence pour un verre gratos. En plus le vendredi soir, la circulation est infernale en banlieue parisienne. Il faut croire que les parisiens profitent du début du week-end pour oublier la semaine qu'ils ont eue. Résignée à passer bien plus de temps que prévu dans ma petite voiture, je sors ma playlist la plus enflammée pour me mettre dans l'ambiance. Alors que je râle contre un automobiliste qui vient de me couper la route, la musique se coupe, annonçant un appel de Tanya. Lorsque je décroche, elle me semble très enthousiaste.

— Coucou, Bichette. Une Soirée au "PICKY POUCKY bar" ça te tente pour fêter nos premiers jours de boulot ?

Aïe, dans tout ce remue-ménage qu'a été cette première semaine, j'ai complètement oublié de prévenir ma meilleure amie de mes plans pour la soirée.

— C'est gentil d'avoir pensé à moi, mais je suis déjà en route pour aller boire un verre avec mes collègues.

— Merci, d'avoir pensé à m'inviter. Pour quelqu'un qui n'aime pas la psychiatrie, tu t'es vite intégrée.

Son ton est cassant et visiblement empli d'amertume. Je comprends que ça puisse la décevoir, mais je n'ai pas à être désolée d'avoir d'autres plans pour la soirée. Avec toute cette circulation et ces automobilistes inconscients, Tanya et ses reproches sont le cadet de mes soucis.

— Écoute, c'est une soirée entre collègues donc je n'ai pas jugé opportun de t'en avertir. Maintenant, si tu veux faire la gueule pour une idiotie pareille, soit, mais là, je conduis et il vaudrait mieux que je me concentre sur la route plutôt que sur tes états d'âme.

Je raccroche sans même dire au revoir et la playlist se remet à résonner dans la voiture, laissant à David Guetta le soin de me divertir. J'augmente le volume et me met à chanter "Sexy Bitch".

"Ringard" s'apitoie ma conscience en se bouchant les oreilles.

Pas de jugement, je n'ai pas dit que j'ai bon goût en matière de musique.

Après de multiples ralentissements, je me gare enfin sur le parking du Cassiopée. Persuadée que je suis la dernière arrivée, je me dirige vers l'entrée et sors mon téléphone pour appeler les filles. Je constate que j'ai un message de Tanya.

Tanya :

« Désolée, Bichette, j'ai passé une mauvaise semaine. L'équipe a été tellement dure avec moi que j'ai l'impression d'être une moins-que-rien. Je me faisais un tel plaisir de retrouver ma meilleure amie pour une soirée que la déception a laissé place à la colère. Appelle-moi quand tu veux. Biz ».

Et moi, j'ai passé une bonne semaine peut-être ? C'est vraiment du Tanya tout crachée. Nombriliste et Autocentrée... Bref, tant que je n'aurais pas décoléré, je ne serais pas objective. Je zappe son sms et pars à la recherche du numéro de Leya.

Roxane :

« Je suis devant le bar. »

Sa réponse arrive immédiatement.

Leya :

« Ne bouge pas, on est là dans deux minutes. La baby-sitter de Vanina était en retard. »

Super ! Elles auraient tout de même pu me prévenir avant, je ne serais pas sortie de la voiture.

Je répond un simple "ok" et je range mon téléphone dans mon tout petit sac à main. Une fois que c'est chose faite, je me risque à jeter un coup d'œil rapide autour de moi. Il est vingt et une heures et déjà pas mal de petits groupes fument allègrement en discutant d'une voix forte et entêtante, comme s'il y avait le concours de celui qui braillerait le plus fort. Je décide de retourner dans ma voiture, persuadée que je ne peux pas être plus en sécurité qu'à l'intérieur de l'habitacle réconfortant de mon Ibiza. Mes talons claquent sur le bitume, alors que j'avance tête baissée, espérant passer inaperçue.

— Hey, ma beauté, m'interpelle sans retenue un mec adossé sur un de ces barils en bois qui servent de table. On ne t'a jamais dit que c'est un crime d'avoir de si jolies jambes ?

Il quitte son groupe d'amis, pour venir à ma rencontre.

À la vue de ses yeux globuleux injectés de sang et de sa démarche complètement aléatoire, il n'a pas l'air très sobre. Sa chemise à carreaux bleue sort en partie de son jean gris délavé et ses cheveux partent dans tous les sens. Ce n'est que lorsqu'il se retrouve à quelques mètres de moi, et que je découvre sa grande taille, que je me demande quelle idée j'ai eu de sortir de ma voiture. Seule, vêtue d'une simple robe et de talons hauts, je ne suis clairement pas de taille à rivaliser. La panique me gagne alors que j'accélère le pas en ignorant complètement l'ivrogne qui me talonne.

— Hey, mais ne fuis pas comme ça, beauté. Je ne vais pas te faire de mal.

Il n'est plus qu'à quelques pas de moi. C'est fou comme un mec bourré peut courir vite quand il a de la suite dans les idées. J'atteins enfin mon but, quand il me plaque de dos contre la carrosserie rouge de mon véhicule. La seule pensée qui me vient, c'est que les deux minutes de Leya sont très longues.

— Alors, ma jolie, tu ne peux plus t'enfuir maintenant.

Son haleine me répugne. Un mélange d'alcool et de cigarettes. J'en ai la nausée. Je tourne la tête en direction de l'entrée du bar et réalise que tout le monde fixe la scène sans lever le petit doigt. Vraiment ? Les gens sont-ils si cons ? La colère et le courage me gagnent alors qu'il passe sa main sur ma cuisse.

— Laisse-moi tranquille, sale porc, me défends-je en me débattant férocement.

D'une main, il me maintient le dos et, de sa main libre, il m'attrape par les joues, formant un O avec mes lèvres.

— C'est moi le porc ? Pourtant, c'est toi qui as mis cette robe extra-courte et ces talons hauts. En t'habillant ainsi, tu savais que tu agricherais des mecs, petite cochonne. Et cette bouche, hummm, parfaite pour une bonne fellation.

"Elle est belle la liberté des femmes !" clame ma conscience en colère.

Alors qu'il s'approche, prêt à m'embrasser, je lui crache au visage. Surpris, il me lâche, mais son corps, qui fait pression sur le mien, ne me permet pas de prendre la fuite. J'enchaîne avec un bon coup de rotule dans son entre-jambe, ce qui le fait vaciller. Alors qu'il est à genoux, les mains sur ses castagnettes, je prends les jambes à mon cou.

— Espèce de petite pute, j'aurais ta peau! crie-t-il alors que je rejoins la foule.

De retour dans la cohue de l'entrée du bar, ma colère éclate.

— J'espère que vous vous êtes tous délectés du spectacle ? hurlé-je, à l'assemblée. Mon père est avocat et il sera plus que ravi de me défendre contre vous tous dans une procédure pour plainte de non-assistance à personne en danger.

Les larmes perlent sur mes joues alors que j'aperçois enfin mes collègues sur le parking. Je me précipite à leur rencontre et me jette dans les bras de la grande blonde qui est en tête du trio.

— Mais Roxane, que se passe-t-il ?

Je fonds en larmes contre le chemisier rose poudrée d'Astrid, incapable de répondre à la question de Leya.

— Changement de plan, on va chez moi, lance Leya , face à mon mutisme.

Alors que mes trois collègues m'escortent vers la petite 107 grise de la jolie brune, je me mets à m'inquiéter pour mon bolide. Après ce que je viens de faire endurer à ce sale type, je ne voudrais pas qu'il se venge sur mon petit bébé.

— Je ne peux pas laisser ma voiture-là, réponds-je en sortant les clés à toute hâte. J'ai eu quelques soucis avec l'homme là-bas. Je pointe du doigt le type toujours au sol. Je ne voudrais pas qu'il lui prenne l'envie soudaine de la fracasser.

L'incompréhension se fait voir sur les visages de mes trois camarades. Elles qui viennent à peine d'arriver, elle ne s'attendaient sûrement pas à un tel scénario pour la soirée.

— Mais que s'est-il passé, Roxane, s'intéresse Astrid.

En repensant à la scène, je me remets à pleurer de plus belle.

— Je n'ai pas envie d'en parler, ici, sangloté-je. Mais j'ai eu un petit accrochage avec l'homme là-bas.

Semblant se satisfaire de ces quelques données, ma collègue tahitienne prends le relais.

— Une vraie petite guerrière, notre nouvelle collègue, s'extasie Vanina pour dédramatiser l'ambiance qui devient glaciale. Ne t'inquiète pas, ma belle, je vais le conduire ton petit bijou. Monte avec les filles, je vous suis.

Elle me prend les clés des mains sans même me laisser la possibilité de protester, alors que Leya et Astrid me guident vers la Peugeot toute cabossée garée à l'entrée du parking. Quel fiasco cette soirée !

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