Chapitre 6 : Frustration
Sophie était assise sur son lit, adossée contre le mur de sa chambre, l’ordinateur d’Aurore posé sur ses cuisses et restait là, à regarder l’écran. Elle était connectée sur « Banana » depuis une heure environ et avait reçu de nombreux messages, similaires à ceux qu’Aurore recevait quand elle lui avait montré le fonctionnement du tchat. Elle remarqua cependant que leur fréquence diminuait avec le temps, comme si les toutes les personnes connectées se jetaient sur elle au moment où elle arrivait et que, petit à petit, ceux-ci se décourageait devant l’obstination de Sophie à ne pas vouloir répondre.
Elle n’aurait pas pensé recevoir autant de proposition de discussions, tant son pseudo « NeRienAttendre » (qu’elle avait trouvé au bout de dix minutes grâce à l’Intelligence Artificielle car elle n’avait eu aucune idée originale) sonnait comme platement rebutant et invitait peu aux réponses, mais c’était visiblement mal connaitre les hommes qui se trouvaient ici. Elle constata peut-être un peu moins de propositions indécentes que tout à l’heure, mais plutôt des messages peu inspirés tels que « Tu recherches quoi ici ? » ou bien « Pourquoi venir ici si tu n’attends rien ? » auxquels elle n’avait aucune envie de répondre. Elle se contentait d’ignorer les messages, éventuellement de bloquer ceux qui revenaient sans cesse (le site avait une fonctionnalité pour cela) et gardait son attention fixée sur la liste des pseudos, dans l’espoir d’y trouver le fameux « PetitePerle » dont lui avait parlé Henri au commissariat. Mais après tout ce temps, elle ne trouva pas la moindre trace d’un pseudo semblable.
« Allez, où es-tu ? » dit Sophie pour elle-même. « Montres-toi… »
Mais il demeurait introuvable. Sophie commençait à s‘impatienter alors pour tromper l’ennui, elle jeta un coup d’œil aux derniers messages qu’elle avait reçu. Un certain « LordParisien » semblait sortir du lot, tant de par son pseudo que par son premier message.
-Bonjour Mademoiselle.
C’était étonnamment poli et élégant, comparé aux autres mots qu’elle avait reçu jusqu’ici. Elle fut presque tentée de répondre mais elle hésitait, elle ne se pardonnerais pas de manquer une connexion du faux-profil pour avoir parlé avec un inconnu dont elle n’avait rien à faire, simplement par ennui. Mais elle songea qu’elle était parfaitement capable de répondre et de surveiller la liste des pseudos connectée en même temps et répondit
-Bonjour monsieur
-Oh merci de me répondre, c’est tellement rare ici ! Je m’appelle Mickael et toi ?
Sophie commença à écrire son propre prénom mais elle se ravisa, finalement mal à l’aise à donner cette information. Elle renseigna à la place le premier nom qui lui vint à l’esprit
-Aurore
Sophie regretta aussitôt ce choix, ce n’était pas très sympa de sa part, pensait-elle, de donner le nom de la personne qui venait de l’aider à y voir plus clair comme couverture. Mais le mal était fait pour cette fois, changer d’avis aurait paru étrange. Elle avait beau ne pas accorder d’importance à cette discussion, elle n’avait pas envie que ce Mickael s’aperçoive qu’elle lui racontait n’importe quoi. Rester crédible lui paraissait important.
-Enchantée Aurore, que fais-tu de beau dans la vie ?
Sophie commença à écrire « Je suis » mais elle ne trouva pas quoi ajouter tout de suite. Il n’était pas évident de s’inventer une vie de manière instantanée ! Elle ne pouvait pas réfléchir trop longtemps cependant, car le site indiquait par une petite phrase en bas de l’écran si votre correspondant était en train d’écrire.
-Je suis infirmière, écrivit-elle finalement.
-Ah, bravo, un métier utile, mais difficile j’imagine ?
Sophie n’avait évidemment aucune idée de la difficulté du métier d’infirmière donc elle se sentait un peu démunie. Alors elle se contenta de répondre un vague « ça dépend des jours »
-Oui il doit y avoir des jours plus durs que d’autres…
Sophie ne répondit pas, ne voyant pas quoi ajouter. Elle en profita pour surveiller la liste des pseudos afin de voir si « PetitePerle » était connecté, mais il n’était toujours pas là.
-Tu es là Aurore ?
-Oui je suis là.
-Tu n’as pas l’air très intéressée, tu veux que je te laisse ?
En effet, Sophie se fichait pas mal de cette conversation et peu lui importait que Mickael, alias LordParisien, trouve la discussion agréable. Du moins essayait-elle de se le convaincre, car elle se surprit à ressentir une pointe de culpabilité vis-à-vis de lui… mais aussi d’elle-même. Elle n’avait jamais aimé décevoir, et cet aspect de sa personnalité se retrouvait ici également. Malgré cela, elle ne répondit rien, préférant se concentrer sur la recherche du faux-profil. Au bout de quelques minutes, il envoya un ultime message pour dire « Dommage, au revoir » et elle tenta de chasser de son esprit cette pensée qui lui faisait dire qu’il semblait pourtant gentil, comparé aux autres.
Elle reprit sa surveillance minutieuse de la liste des pseudos, mais « PetitePerle n’était toujours pas là. Petit à petit, l’impatience la gagna. Elle se levait, se rasseyait, s’allongeait, se levait de nouveau, faisait les cents pas. Elle commença même à ranger un peu son appartement, en mettant à la poubelle les petits déchets qui trainaient ici et là, tout en revenant fréquemment jeter un œil à la liste. Puis petit à petit, elle s’activa un peu plus dans son ménage et entreprit de nettoyer également son salon, puis la salle de bain, emmenant avec elle l’ordinateur d’Aurore quand elle changeait de pièce. Elle avait rempli deux sacs poubelles et se senti emplie d’un sentiment de satisfaction : faire le ménage s’avérait finalement agréable car cela lui donnait la sensation d‘avancer et de progresser. Elle passa même l’aspirateur, mais elle n’eut pas le courage de donner un coup de serpillère ensuite. Enfin, après deux heures de ménages aussi intenses que nécessaires, elle s’allongea dans son canapé, l’ordinateur posé à côté d’elle. Et toujours pas la moindre trace de « PetitePerle »
-C’est pas vrai ! râla Sophie, où te caches-tu à la fin !
Soudain elle entendit quelqu’un toquer à sa porte, ce qui n’était plus arrivé depuis des mois. Surprise, elle se leva et se dirigea dans sa direction. Lorsqu’elle ouvrit, Aurore se tenait derrière. Elle lui adressa un nouveau sourire que Sophie jugea de nouveau très beau.
-Salut, dit-elle, je me suis permise de frapper car j’étais curieuse de voir comment tu t’en sortais ?
Sophie l’invita à entrer. Elle se félicita intérieurement d’avoir fait le ménage juste avant son arrivée fortuite.
-C’est mignon chez toi, dit-elle.
Sophie la remercia, mais elle se doutait qu’il s‘agissait simplement d’une phrase de politesse. L’appartement était peut-être maintenant relativement propre, ce n’était pas pour autant qu’il était « mignon ». Aucune décoration, aucune plante, le mobilier était banal au possible, purement fonctionnel. Une fois qu’elle eut fini de regarder autour d’elle, Aurore se tourna vers elle ?
-Alors ? demanda-t-elle d’un ton enthousiaste
-Rien, répondit Sophie autant énervée que dépitée.
-Rien ? répéta Aurore, elle aussi un peu déçue. Tu as réussi à te connecter toute seule ?
-Oui, pour me connecter je n’ai aucun problème, mais je ne trouve pas le pseudo que m’a donné le salaud qui a tué ma cousine ! Je commence à me dire qu’il a tout inventé pour se trouver une circonstance atténuante…
-La journée est longue, la rassura Aurore, si quelqu’un s’amuse à se faire passer pour elle, il ne le fait probablement pas vingt-quatre heures par jour… Et tu ne vas pas rester enfermée toute la journée devant ton écran, tu vas devenir folle !
-Que veux-tu que je fasse d’autres ? rétorqua Sophie
-Je voulais te proposer de sortir un peu prendre l’air, répondit-elle, pourquoi pas aller prendre un café en terrasse ? Ou simplement marcher si tu préfères ? ajouta-t-elle devant l’expression peu enthousiaste de Sophie.
-Je ne sais pas, hésita Sophie, et s’il se connectait pendant que je suis dehors ?
-Alors tu le trouveras en rentrant, je ne te parle pas de sortir pendant trois heures, simplement quelques minutes. J’imagine mal quelqu’un se connecter pour un temps plus court, à quoi cela servirait-il ?
Oui à quoi ? C’était une bonne question en effet. Mais à quoi cela servait-il déjà de se faire passer pour quelqu’un d’autres ? A quoi cela servait-il de se faire passer pour Pauline ? Evidemment, Sophie n’avait pas la réponse à ces questions, et se les poser aggravait sa colère et son sentiment d’impuissance.
-Allez-viens, c’est moi qui invite ! insista Aurore.
Elle lui prit la main et l’entraina vers la porte. Soucieuse de ne pas vexer la seule personne qui lui apportait du soutien aujourd’hui, elle la laissa l’entrainer vers la porte. Aurore semblait très enthousiaste à l’idée de sortir.
-Attends que je mette au moins mes chaussures ! protesta Sophie alors qu’Aurore l’avait déjà fait à moitié franchir sa porte.
Quelques minutes plus tard, un serveur leur apporta leur commande. Aurore avait choisi un double expresso sans sucre tandis que Sophie avait demandé un thé au citron. Elle versa une généreuse quantité d’eau chaude dans sa tasse qui se colora quelque peu lorsqu’elle y trempa son sachet. Elles s’étaient installées au café le plus proche de leur immeuble, au bout de la rue.
-Je t’assure que cela te fera du bien, dit Aurore. Je faisais souvent cela après avoir quitté mon ex violent : m’enfermer dans mon appartement, sans jamais en sortir. J’ai cru que j’allais me flinguer. Et puis on m’a conseillé de sortir, de prendre l’air, et petit à petit j’ai pu repartir de l’avant.
-D’accord, concéda Sophie en soufflant sur sa tasse pour la refroidir, mais je ne suis pas enfermée depuis des mois non plus.
-Vraiment ? demanda Aurore d’un ton entendu.
Si elle avait dû être honnête, Sophie aurait reconnu que sa vie depuis la perte de son poste était particulièrement triste et monotone. Elle ne sortait presque jamais, n’avait que peu de contact avec le monde extérieur et sentimentalement parlant ça n’allait pas fort non plus…
-Tu ne m’as répondu tout à l’heure, reprit justement Aurore, tu as quelqu’un en ce moment ?
-Non, grimaça Sophie, je n’ai personne.
-Ah bon ? fit Aurore d’un ton faussement étonnée. Tu es jolie pourtant. Comment cela se fait-il ?
Sophie n’était pas préparée à recevoir un compliment, certainement pas aujourd’hui, au cours d’une journée si horrible. Elle ne put réprimer un petit rire et posa sa tasse de peur de se renverser de l’eau bouillante sur la peau.
- « Jolie » ? Moi ?
Aurore ne répondit pas et se contenta de sourire, ses yeux verts fixant les siens avec une telle insistance qu’elle ne parvint pas à soutenir son regard. Aurore avait de très beaux yeux, en plus d’avoir un sourire magnifique.
-Admettons, reprit Sophie, mais depuis quand être jolie est une garantie d’être en couple ?
-Une garantie non, mais cela augmente tes chances j’imagine.
Sophie répondit par un grognement neutre. Ses dernières expériences avec les hommes s’étaient révélées aux mieux décevants, sinon frustrantes.
-Je pense que je n’attire pas les bons garçons, se lamenta-t-elle.
-Ah, toi aussi ? répondit Aurore d’un ton désolé, ta dernière relation remonte à combien de temps ?
-Il y a quelques mois, juste avant que je ne perde mon poste, expliqua Sophie, avec un collègue. Mais devines quoi, il était marié.
-Et tu ne le savais pas ?
-Non, il ne portait jamais son alliance au boulot.
-Le connard ! lança Aurore.
Sophie haussa les épaules. Bien qu’Aurore lui inspirât confiance, il n’était pas dans ses habitudes de partager les déboires de sa vie sentimentale. Et elle s’en voulait personnellement, autant qu’elle en voulait à Stéphane, d’avoir couché avec lui. Elle ne pouvait s’empêcher de se dire qu’elle aurait dû être prudente et assurer ses arrières, mais elle s’était laissé berner comme une débutante. Aurore sembla le comprendre, car elle changea de sujet.
-Tu as essayé de discuter avec des hommes ? Sur Banana je veux dire ?
Sophie lui racontât alors la courte discussion qu’elle avait eu avec l’un d’eux un peu plus tôt. Aurore écoutait en hochant lentement la tête.
-Je pense que tu devrais t’impliquer dans ces discussions, dit-elle.
-Pourquoi ? demanda Sophie avec étonnement.
-Pour plusieurs raisons, répondit Aurore alors qu’elle avalait une petite gorgée de café. Déjà parce que tu pourrais tomber sur quelqu’un qui te plait, qui sait ? Tu disais bien que tu lui avais répondu parce que tu le trouvais « différent » ?
-Il était poli, c’est tout, je ne lui ai rien trouvé de spécial à part ça.
-Evidemment, répondit Aurore, tu ne lui en a pas laissé l’occasion…
-Je ne suis pas là pour ça, coupa Sophie d’un ton sans réplique, je n’ai vraiment pas la tête aux mecs aujourd’hui !
A la fin de sa phrase, l’image de Florian, grand, beau et séduisant lui revint en tête malgré elle. Pourquoi avait-il fallu qu’ils se croisent ?
-Oui, tu as raison, je suis désolée, répondit Aurore, pardonne mon manque d’empathie. J’ai vraiment manqué de sensibilité sur ce coup…
-Ce n’est pas grave répondit Sophie d’un ton un peu plus bourru qu’elle ne l’aurait voulu.
-Si, c’est grave ! répliqua Aurore, excuses-moi, je ne parlerais plus de mecs avec toi tant que cette histoire ne sera pas réglée ! trancha-telle d’un ton résolu. Mais souhaites-tu écouter les autres raisons que j’avais en tête ?
Sophie acquiesça d’un signe de tête, l’invitant à lui détailler ce qu’elle avait en tête.
-Banana est un tchat rempli de gens… désœuvrés. Si l’on réunissait tous les hommes de ce pays dans un tiroir, alors Banana représenterais clairement le fond de ce tiroir… voir même, un double fond.
Sophie approuva, attendant la suite de son explication.
-J’y ai beaucoup réfléchi et voici ma théorie, j’aimerais que tu me dises ce que tu en penses. Nous avons vu qu’il y avait plein d’hommes « affamés » : il suffit de te connecter avec un pseudo féminin, sans aucune vérification ou authentification et d’un coup, tout le monde te saute dessus, comme si tu étais la première femme qu’ils croisaient de leur vie. A ton avis, ces mecs, à combien de femmes essayent-ils d’écrire ?
-A toutes j’imagine ? Ou presque toutes.
-Je le pense aussi, peut-être que celles qui indiquent qu’elles ont soixante-dix ans ont un peu moins de succès, et encore, j’ai des doutes.
-D’accord, répondit Sophie avec un petit sourire, mais où veux-tu en venir ?
-A ton avis, reprit Aurore, combien de pseudos féminins sont connectés en moyenne sur ce site ?
Sophie se rappela que tout à l’heure, elle avait découvert qu’elle pouvait filtrer les pseudos en fonction de leur sexe ou d’autres paramètres comme l’âge ou la zone géographique et que le site indiquait combien de pseudos correspondaient aux critères sélectionnés. Elle avait elle-même filtré les pseudos, ne demandant à voir que les féminins afin de trouver plus facilement le faux-profil, mais elle ne se rappelait plus exactement du nombre qu’elle avait lu alors.
-Tout à l’heure je crois qu’il y en avait quelque chose comme deux-cents ou trois-cents, quelque chose comme ça.
-Oui c’est aussi ce que j’avais constaté, approuva Aurore, et as-tu fait attention au nombre de connecté au total ?
Sophie fit « non » de la tête »
-En moyenne, il y en a environ trois milles.
- «Trois milles ?» répéta Sophie incrédule.
-Oui, cela varie au moment de la journée. En début d’après-midi il y en a un peu moins, et il y en a plus en début de soirée, mais on tourne autour de ce nombre à chaque fois. Ce qui veut dire que, si tu mets de côté ceux qui sont là pour vendre de la drogue, et les tarés de compétitions du genre pédophiles, il y a à peu près deux-milles cinq-cents hommes pour trois cents femmes.
-Je vois, d’où le fait qu’ils se ruent sur nous quand on arrive, déclara Sophie.
-Oui, et là je n’ai pas de chiffres mais à mon avis, je pense que c’est très rare d’avoir une réponse. Tu l’as bien vu, même si tu l’avais voulu tu n’aurais pas pu répondre à tout le monde. Combien de conversation en même temps pourrais-t-on suivre ? Deux ? Trois ? Et quand je t’ai montré Banana, on a dû avoir plus de cinquante messages en deux minutes ! Et encore, on ne tient pas compte du fait que certaines femmes aiment aussi les femmes, réduisant encore plus le nombre de cible potentielle pour eux.
-Je comprends, mais où veux-tu en venir ?
-Imaginons que tu es un homme célibataire qui recherche une petite amie, expliqua Aurore, tu te connectes sur un tchat au hasard sur internet, et tu commences à vouloir envoyer quelques messages. Comment tu t’y prendrais ?
Sophie réfléchit en buvant une gorgée de son thé qui avait maintenant un peu refroidi. Aurore la fixait de ses yeux (elle avait vraiment de très jolis yeux pensa à nouveau Sophie) patiemment, attendant que Sophie formule sa réponse.
-Je pense que je ferais comme celui à qui j’ai répondu, dit-elle enfin. Un message poli, courtois. C’est bien ce qui a fait que j’ai répondu après tout.
-D’accord, oui cela semble logique, approuva Aurore. Malgré tout, penses-tu avoir beaucoup de réponses ? Pour rappel, c’est ta première connexion, tu espères trouver quelqu’un qui te corresponde donc tu as des critères précis en tête, et tu vois que les profils correspondants ne sont pas nombreux. Puis tu envoies un message « poli et courtois » comme tu dis et tu n’as pas de réponses, car elles sont déjà surchargées de messages…
-D’accord, répondit Sophie, donc finalement ils ne s’embêtent plus à être respectueux car c’est une perte de temps ?
-On peut dire ça oui, en fait ils doivent finir par être persuadés que la politesse ne nous intéresse pas. Donc ils vont à l’essentiel. D’où les propositions… directes que nous recevons.
Sophie reprit une gorgée de son thé, la théorie d’Aurore lui paraissait plausible. Mais cela ne répondait à la question qu’elle se posait depuis plusieurs heures.
-Je vois, dit-elle, mais les faux-profils dans tout ça ?
-Oh, je pense qu’il s‘agit simplement d’hommes qui s‘ennuient et qui devant le peu de réponses qu’ils reçoivent, cherchent une façon de passer le temps. Le problème, c’est que cela réduit encore le nombre de femmes réellement sincères sur ce tchat, et qu’alors prendre la peine d’être respectueux est d’autant plus « risqué » dans la mesure où ile st fort possible que la personne qui te répond a de grandes chances de se foutre de ta gueule et de te faire perdre ton temps.
-Alors, c’est tout ? Ils « s’amusent » ?
-Oui déclara Aurore, à mon avis, il ne faut pas chercher plus loin.
Était-ce pour cela que sa cousine était morte ? Parce que quelqu’un, quelque part, s’ennuyait et cherchait une façon de passer le temps ? A cette idée, la volonté de Sophie trouver le faux-profil grandit encore davantage. Elle vida sa tasse puis se mit debout, pour indiquer à Aurore qu’elle souhaitait désormais retourner à ses recherches. Celle-ci se leva également et la suivit. Elle lui proposa de l’aider Sophie déclina : elle avait l’intime conviction qu’à partir de maintenant, elle se devait de réussir par elle-même. Aurore n’insista pas et la raccompagna. Une fois arrivées sur leur pallier du premier étage, elle lui adressa une nouvelle fois un sourire comme pour lui souhaiter « bonne chance ». Sophie fut alors tentée de revenir sur sa décision et de l’inviter à se joindre à elle, mais, certainement parce qu’elle était trop obstinée pour changer d’avis, les mots se bloquèrent dans sa gorge.
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