Les célitrantenaires

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 C’est partie de rien. Un petit crush sans conséquence pour un type qui bosse à côté de mon café. Je l’ai remarqué d’un coup. J’ai dit « Hé ! Mais il est super mignon le pokétype » ce à quoi ma collègue a répondu les yeux écarquillés « Tu débarques d’où ? Evidemment qu’il est super mignon ! T’étais où ces six derniers mois ? ». Pourtant, impossible de mettre un nom sur ce joli sourire. C’est énervant. Lui connaît surement le mien à force de venir prendre son allongé tous les jours. Deux trois recherches Google plus tard m’apprennent son nom, son prénom et... ceux de sa nana. Merde. Pourquoi donc tous les hommes un minimum soigné, avec un boulot stable, un sourire et des cheveux sont en couple !! Mais c’est vrai ça… Pourquoi ? Et surtout, qui sont ceux qui ne le sont pas ? Parce que si tous les potentiels exploitables sont déjà exploités, par définition ceux qui n’ont pas encore de moitié ne sont pas des potentiels exploitables. Y’a-t-il un défaut de fabrication chez tous les célibataires approchant la trentaine ? Faut-il demander à un premier date « Bon, qu’est ce qui va pas chez toi ? » passé un certain âge, comme s’il ne s’agissait plus de trouver le bon mais de trouver celui qui a un défaut acceptable, du moins pas trop dérangeant ? Est-ce que c’est pas super triste ?

 Bim, je rentre chez moi la tête perdue dans mes questionnements sur le célibat lorsque qu’on navigue dans la seconde moitié de la vingtaine, au point de louper mon arrêt de train de trois stations. Je commence par le classique : Youtube. Il y’a bien d’autres gens à papoter sur le sujet. Première remarque : Daaaamn que des meufs ! Enfin une grande majorité de meufs expliquant pourquoi le célibat c’est pas si terrible et c’est même plutôt cool, et trois, quatre pèlerins chiants comme la pluie. Et un spécialiste. Si. Un mec spécialisé en célibat, qui fait des conférences et tout. Le mec qui porte le seum en collier et qui a trouvé le moyen de faire de l’argent sur sa solitude profonde. Déjà, pourquoi autant de femmes clament la liberté et le peu d’hommes qui en parlent voient les lettres H.E.L.P se dessiner dans leur pupille alors qu’un rapide coup d’œil culturel nous montre exactement l’opposé. On nous bassine depuis petits avec l’image de l’homme sexy inatteignable et retissant à l’idée d’abandonner sa vie trop chouette de célibataire vraiment super funky et celle de la femme en quête du grand amour pour combler le vide dans son petit cœur fragile. « RPZ » Bridget Jones et Johnny Castle. A part quelques grandes figures féministes qui se perdent dans un océan de discours moralisateurs controversés, on entend rarement « Il cherche la princesse charmante » et « Elle veut niquer un maximum avant de se caser ». Bon. Pas complètement dupe non plus, j’avais déjà remarqué que cette histoire de cœur d’artichaud/célibataire endurci(e) jouait dans les deux camps. Mais jusque-là je n’avais pas réalisé que c’était aussi divisé médiatiquement parlant. Je tape alors sur la barre de recherche du Grand-Je-Sais-Tout : Être célibataire à 30 ans. Et vlan. Même constat. L’Internet pullule d’articles sur comment être une trentenaire célibataire épanouie. Au milieu de la masse, quelques check-lists sur comment devenir un homme charismatique, et un séminaire pour trouver la femme de sa vie. Nom de Dieu ! Les hommes seraient-ils d’un coup plus sensible ou nous avait-on caché qu’ils avaient eux aussi un côté fleur bleue ? Je calme mes chevaux. Etant donné le ratio, c’est pas TOUS les hommes qui dépensent 150 balles pour entendre un sadique expliquer comment lui il est marié et l’auditoire ne l’est pas. En revanche on tend doucement à ce que pas mal de femmes ne cherchent plus l’amour et se contentent d’une main droite et d’un verre de rouge. J’ai beau savoir que la société moderne hurle à l’indépendance de la femme (vis-à-vis de l’homme) je ne peux m’empêcher de penser qu’on nous pousse à rester célibataire pour d’obscures raisons économiques. Un humain en couple dépense « Utile » alors qu'un humain qui profite de son célibat dépense « on a qu’une vie ». Mais ça c’est mon petit côté accro aux théories complotistes. Rien de sérieux je me soigne.

 Donc premier constat : Beaucoup de femmes célibataires qui apprennent à bien le vivre, peu d’hommes célibataires qui veulent le rester. De ce fait premier rebondissement : Si les messieurs veulent une madame, pourquoi autant de madames seules ? La logique voudrait que si A cherche B et que B cherche A on peut envisager un possible partenariat satisfaisant tout le monde non ? C’est pas complètement déconnant comme idée. Donc je me penche sur les madames pour résoudre mon équation. C’est assez frustrant de voir autant de copies de Kylie Jenner en couple. Je pourrais faire un sophisme en concluant qu’il faut être surcoté et pas spécialement adepte de tout ce qui touche à la connaissance dans sa généralité pour trouver son amoureux transi. Mais même pour mon cynisme c’est trop facile. Et puis je connais aussi des nanas géniales mariées à des mecs géniaux. Je me résous donc à penser que les femmes entre 20 et 30 ans célibataires ne le sont pas spécialement par choix dans leur grande majorité et qu’elles ont simplement un souffle de positivité (que je peux me faire une joie de mettre en pièce si le cœur m’en dit, y’a pas de quoi, ça me fait plaisir).
Alors les hommes. Pas un choix, c’est clairement présenté dans la remonté globale de mes recherches. Mais en approfondissant un peu, chaque homme que je lis, que j’entends ou que je vois, se présentant comme célibataire et dans la souffrance confirme un nouveau constat : ils ont tous un grain. Pas le grain sympathique qui donne envie d’adopter un chiot parce qu’il a une oreille non développée, le vrai grain. Le gros « HIC » qui fera dire à une personne lambda qu’il y a surement mieux ailleurs. Je parle du truc qu’on essaie de cacher mais qui est là, tapis dans l’ombre, qui attend de pouvoir foutre en l’air un début de relation. Allant de l’Œdipe malsain non résolu à une passion pour les gros orteils vernis de violet et passant par un cruel manque de confiance en soi, une hérédité capillaire pas flatteuse et le tristement célèbre mini membre. Si. La taille ça compte. Arrêtez de faire vos hypocrites. Même pour eux. Trop petit ça les traumatise, trop grand également. Combien d’hommes dans le tas des célibataires en quête d’une relation durable ont des cheveux encore en place, font plus d’un mètre cinquante, savent lire et écrire, aligner deux mots grammaticalement corrects et n’ont pas besoin de demander si on « la sent » ? Combien sont tout bien comme il faut au premier abord et se font appeler « Papa » au lit ou prennent du XANAX depuis leur tendre enfance ? Oui je suis dure ! Mais soyons honnêtes deux secondes. Si ces critères n’étaient pas importants, personne ne serait célibataire à 30 ans sans que ce soit un choix assumé. Je ne dis pas que c’est foutu pour eux. D’une part parce que j’ai un grain, et ensuite parce que je suis convaincue que tout grain peut trouver sa plage… J’assume moyennement cette métaphore mais j’ai pas trouvé mieux. Cela dit, probablement qu’il existe aussi des hommes à grain en couple.

 Alors donc ce serait ça… Passé un certain âge, les célibataires en quête de l’âme-sœur seraient ceux qu’on choisit en dernier en sport, ceux qui dépensent une fortune en thérapie, ceux bloqués éternellement dans la friendzone, et par défaut ceux qui se font appeler « Papa » pendant les galipettes. Ou qui s’appellent eux même « Papa » d’ailleurs. On est sur du gros grain là aussi.
J’en viens à la tristesse même de cette situation, faut-il, lorsqu’on rencontre quelqu’un passé les 25 ans, partir directement du postulat qu’il y a un « HIC » et s’y résoudre ? Mine de rien la question « Pourquoi es-tu célibataire ? » induit deux évidences. La première étant que physiquement ça va donc c’est louche et la seconde qu’il y a de fortes chances pour que la réponse ne soit pas « J’attendais de rencontrer une fille comme toi ». Je veux bien admettre qu’on est un peu couillonne quand on a un crush et qu’il est facile de nous faire gober que la terre est plate mais faut pas abuser non plus.
De façon strictement personnelle, ça n’engage que moi évidemment, j’aime bien les hommes avec un « HIC » si et seulement si c’est un « HIC » un peu original. Taciturne, obsessionnel compulsif, pourquoi pas narcoleptique tiens ! Ou pour ceux qui me fréquentent depuis plusieurs années, un homme avec un prénom interdit depuis fin XIXe. Le « HIC » ce n’est finalement pas l’obstacle en soi, c’est la place qu’il prend entre deux personnes le souci. Hahaha. Blague. Rapport au mini-membre. Rhooo ça va. Je me reconcentre et je conclus.

Entre 25 et 30 ans il y a donc, les couples, les hommes et femmes célibataires par conviction, foi, choix, que sais-je, et il y a les célibataires avec un grain. Attendez une seconde… JE suis célibataire… J’AI effectivement un grain plus que confirmé… Serait-il possible que ce soit moi la fille dont le « Hic » prend trop de place ? Merde…

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